Le secteur mobile pourrait injecter plus de 200 milliards de dollars dans l’économie de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) d’ici à 2030. Pourtant, les politiques publiques actuelles risquent de compromettre ce potentiel. C’est le constat alarmant dressé par la GSMA dans son dernier rapport, Igniting Mobile Investment in MENA, présenté le lundi 28 avril 2025 au Caire lors d’une table ronde réunissant décideurs politiques et dirigeants du secteur, organisée par Vodafone Égypte.
« Les gouvernements de la région ont de grandes ambitions en matière de transformation numérique. Mais ces ambitions ne peuvent être atteintes sans un environnement favorable à l’investissement », a averti le directeur de la GSMA pour la région MENA, Jawad Abbassi, dans un communiqué publié à l’occasion.
Selon la GSMA, l’environnement réglementaire actuel — caractérisé par des politiques vétustes, une gestion fragmentée des licences de spectre, une fiscalité sectorielle décourageante et des délais administratifs ralentissant le déploiement des infrastructures — compromet gravement le potentiel économique du secteur mobile. Résultat : plus de 250 millions de personnes dans la région vivent encore sans accès effectif à Internet, non pas par absence de couverture réseau, mais en raison d’un manque d’inclusion numérique effective – un signal clair que l’accès ne se résume plus à la disponibilité technique, mais implique des dimensions socio-économiques et réglementaires.
La transition numérique de la région et la maturité digitale des marchés MENA dépendent d’un côté de la capacité à réconcilier vision stratégique et cadre opérationnel, dans un écosystème technologique en constante mutation et de l’autre de la disponibilité des États à créer un climat propice à l’investissement mobile. Pour accompagner les gouvernements, la GSMA a mis au point le Cadre d’évaluation de la préparation des politiques d’infrastructure.
Cet outil permet d’identifier les forces et faiblesses des dispositifs actuels dans 13 marchés analysés. Il met notamment en évidence les lourdeurs administratives, le manque de coordination pour le partage d’infrastructures et les blocages réglementaires liés aux flux de données transfrontaliers.
Parmi les principales failles identifiées — entravant le déploiement des réseaux de nouvelle génération, notamment la 5G, l’edge computing, l’intelligence artificielle mobile et les services cloud-native — figurent des modèles de licences restrictifs, souvent dépourvus de neutralité technologique, associés à des durées d’attribution trop courtes pour garantir la visibilité nécessaire aux investisseurs.
À cela s’ajoute une fiscalité sectorielle asymétrique, générant des distorsions économiques significatives et réduisant les capacités de réinvestissement des opérateurs. Le rapport met également en lumière les délais récurrents dans l’octroi des autorisations nécessaires au déploiement d’infrastructures telles que les tours de télécommunication, la fibre optique ou les small cells.
Par ailleurs, l’absence de cadres réglementaires clairs pour le partage d’infrastructures passives et actives constitue un frein majeur à l’optimisation des coûts et à l’expansion de la couverture, notamment en zones rurales. Enfin, des réglementations inadaptées concernant les flux transfrontaliers de données ralentissent l’adoption de services numériques à échelle régionale et internationale.
Pour lever les freins identifiés, la GSMA préconise une approche structurée autour de cinq réformes prioritaires visant à améliorer l’environnement d’investissement dans le secteur mobile. Elle recommande d’abord la modernisation des cadres de licences, en introduisant la neutralité technologique et en allongeant la durée des licences spectrales afin de garantir une meilleure visibilité et une stabilité accrue pour les investisseurs.
Elle plaide aussi pour une révision de la fiscalité sectorielle, passant par la réduction des prélèvements spécifiques pesant sur les opérateurs et la mise en place d’incitations fiscales ciblées, notamment pour encourager les déploiements dans les zones rurales ou insuffisamment desservies.
La GSMA insiste également sur la nécessité de favoriser le partage d’infrastructures, en instaurant des mécanismes de co-investissement et de mutualisation – qu’ils soient passifs ou actifs – pour optimiser les coûts et accélérer la densification des réseaux, et appelle au renforcement de la concurrence et à l’ouverture des marchés, en supprimant les barrières à l’entrée, en facilitant l’émergence des MVNOs et en stimulant l’innovation tarifaire.
Elle souligne, par ailleurs, l’importance d’une régulation tournée vers l’innovation, alignée sur les évolutions technologiques majeures telles que la 5G autonome, le slicing, l’intelligence artificielle embarquée, l’edge computing ou encore la virtualisation des réseaux. « Il s’agit de mesures pratiques et réalisables qui porteront leurs fruits pendant de nombreuses années », a déclaré Michaela Angonius, responsable des politiques et de la réglementation chez la GSMA.
N.J
