Qui de nous ne s’est jamais demandé à quoi ressemblait le matériel qu’utilisait le fameux Ammar 404 ? Est-ce un simple ordinateur sur lequel se connectaient à distance les ingénieurs du ministère de l’Intérieur ? Est-ce un matériel de la taille d’une armoire ? Où est-ce juste «des robinets» qu’on ouvre et ferme à volonté ?
Qui de nous ne s’est jamais demandé à quoi ressemblait le matériel qu’utilisait le fameux Ammar 404 ? Est-ce un simple ordinateur sur lequel se connectaient à distance les ingénieurs du ministère de l’Intérieur ? Est-ce un matériel de la taille d’une armoire ? Où est-ce juste «des robinets» qu’on ouvre et ferme à volonté ?
Pour démystifier ce Ammar 404, l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) a décidé de lever le voile sur le matériel de censure qu’utilisait l’ancien régime. Lors d’une journée d’étude qui s’organisera le samedi 15 juin, l’ATI ouvrira les portes de la salle dans laquelle il y avait les fameux serveurs qu’utilisaient Ben Ali et ses cyber sbires pour contrôler Internet. THD a eu la possibilité de découvrir en avant-première la «maison de Ammar» et «son linge sale».
14h30, au siège technique de l’ATI, c’est le branle-bas de combat. Sous l’œil vigilant du maitre des lieux, Moez Chakchouk, techniciens et ingénieurs s’activent pour que tout soit prêt pour samedi. Malgré la fatigue visible sur son visage, le sémillant PDG de l’ATI ne cache pas son excitation face à l’événement du weekend : «cet édifice s’appellera désormais le 404 Lab et il sera ouvert par la suite pour héberger les activités de la société civile à la recherche d’un endroit pour se réunir».
Ce qui était la villa de Ben Ali avant son coup d’Etat de 1987 -et dans laquelle le régime a hébergé ses systèmes de filtrage pour museler l’opposition dans les années 2000- sera, donc, un édifice ouvert aux différentes communautés IT tunisiennes pour y organiser leurs meetings. Mieux : c’est dans le même endroit où on censurait le Net que l’ATI organisera, périodiquement, des Workshops pour travailler sur une meilleure gouvernance de l’Internet tunisien.
Mais à quoi ressemble au fait ce matériel qu’utilisait Ammar 404 ? «Suivez-moi !». A quelques pas du couloir principal, juste après les escaliers qui montent à l’étage, Moez Chakchouk pénètre par une porte ouverte qui mène vers le sous-sol. Sur le côté, un système d’authentification par code secret, hors-service… Visiblement, il servait, avant 2011, à limiter les accès aux techniciens autorisés par le ministère de l’Intérieur.
La machine de censure qu’utilisait Ben Ali avant 2004
Dans une salle de 15 mètres carrés, illuminée par une petite fenêtre haute qui donne sur le jardin, des ingénieurs étrangers et tunisiens travaillent sur deux machines, l’une d’elle a le volume d’un réfrigérateur.
«Celle-ci était utilisée pour censurer le Net tunisien avant 2004. Sa capacité de traitement peut supporter un débit de 1 Gb/s», nous explique M. Chakchouck.
Il nous montre par la suite une machine homologue à la première, rangée dans un coin de la salle, inutilisée depuis des lustres. Sa marque : Cache Flow. Une marque qui n’existe plus puisqu’elle a été substituée par Blue Coat.
La machine de censure de marque Cach Flow (devenue depuis Blue Coat)
Une autre moins «colossale» est sur la table. Sur son terminal, un des ingénieurs qui s’est déplacé spécialement depuis l’étranger, travail sans relâche pour faire fonctionner la bête. «Celle-là était utilisée entre 2004 et 2007. Nous allons les remettre en route pour l’événement de samedi».
Pour montrer la vulnérabilité du système de censure de Ben Ali, l’ATI a décidé, en effet, de remonter dans le temps et de censurer, en local, le Net tunisien. Plusieurs ingénieurs étrangers, tunisiens et le staff technique de l’agence chercheront à faire tomber ces machines, durant un Hackathon organisé pour l’occasion.
Cette machine de filtrage était utilisée entre 2004 et 2007
Là ce sont les disques durs où sont enregistrés l’historique de connexion
Mais cet événement -qui se veut une ode à la transparence et la liberté d’expression du Net à la veille du Freedom Online (qui se déroulera du 16 et 18 à Tunis)- sera également l’occasion pour les communautés IT de débattre de plusieurs sujets concernant la gouvernance d’Internet.
Parmi ces sujets : Quelle stratégie à adopter quand on est victime d’une attaque DDOS comme celle qu’on aurait subie par la AlJazeera Sport lors de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2013). Faut-il contre-attaquer et former, donc, une armée électronique ? Ou faut-il, plutôt, travailler sur des mesures de prévention ? Et lesquelles choisir pour sécuriser notre réseau ?
Le serveur qui va être dédié au serveur Proxy TOR
Les surprises de l’ATI ne se termineront pas là puisque Moez Chakchouk annoncera l’ouverture officielle d’un serveur du Proxy TOR en Tunisie. Les Internautes du monde entier pourront se connecter en tout anonymat depuis le réseau tunisien, pour contourner la censure dans leur pays.
Soit autant de sujets qui vont changer l’image du Net en Tunisie, et l’image de l’ATI avec. D’une «maison de Ammar 404», l’agence devient, ainsi, le gardien du temple de la transparence et des libertés sur Internet en Tunisie.
Welid Naffati
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