L’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) s’enfonce dans le rouge. Sa trésorerie affiche un trou béant de 30 millions de dinars. Entre temps, personne ne semble y prêter attention… ou fait-on juste semblant de ne pas la voir couler ?
L’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) s’enfonce dans le rouge. Sa trésorerie affiche un trou béant de 30 millions de dinars. Entre temps, personne ne semble y prêter attention… ou fait-on juste semblant de ne pas la voir couler ?
L’ATI est un acteur neutre dans la gestion du flux Internet national et international (adresse IP, routage, DNS, etc.). Elle a été chargée par l’Instance Nationale des Télécommunications (INT) de gérer les serveurs des noms de domaines .tn. Elle a multiplié les efforts pour améliorer la qualité du Net tunisien grâce aux serveurs caching (induisant moins de dépenses en devises dans l’achat de la bande passante internationale) et a installé un L-Root, un serveur DNS africain secondaire ou encore la liaison de peering avec l’Algérie. Autant de projets qui ont leur importance dans l’édifice d’une économie numérique solide en Tunisie.
Mieux : l’ATI a développé l’activité point d’échange Internet en créant un 2ème IXP à Enfidha (lire : Ces Tunisiens qui subventionnent la France grâce à leur connexion Internet). Grâce à son statut d’IXP historique, l’ATI a permis à la Tunisie d’être le premier pays nord-africain à avoir la souveraineté de son réseau Internet. Chose que nos voisins de l’Ouest et de l’Est n’ont toujours pas jusqu’aujourd’hui.
Malheureusement, sous la dictature de Ben Ali, cette agence a été appelée à censurer via l’hébergement de matériel de filtrage. Depuis la fuite de Zaba, l’entreprise publique a entamé un plan de réforme visant à optimiser ses infrastructures, tout en améliorant la qualité de ses services et a essayé de se placer en tant qu’acteur équidistant de tous les opérateurs et fournisseurs d’accès internet.
Sur le plan financier, elle était subventionnée par le régime (pour l’achat et l’entretien technique du matériel de censure). Mais depuis la chute de Zaba, l’agence est devenue autonome. Ses revenus proviennent essentiellement des services qu’elle fournit à ces opérateurs/FAI qui sont appelés à lui payer les frais de routage de leur trafic.
En juin dernier, le code des télécoms a été mis à jour. L’ATI n’était plus appelée à négocier le prix du Méga bit pour le compte de Tunisie Telecom. Les opérateurs peuvent le faire désormais directement auprès de TT et le régulateur peut intervenir pour cadrer ce marché. Quand à l’ATI, elle aura toujours le fardeau de facturer la bande passante consommée aux FAI/opérateurs et de faire le recouvrement à la place de TT. Cherchez l’erreur !
Depuis, et en conséquence de cette réforme, l’ATI a vu ses revenus fondre comme une peau de chagrin. Si jusqu’en 2011, elle touchait 30% sur le prix de la bande passante fixée par TT (comme rémunération pour tous ses services), en 2013, par contre, la donne a complètement changé. L’ATI ne prend plus, en effet, de marge sur les factures. Mais plutôt des frais de gestion qui ont été rajoutés au montant final des factures. Des frais que la direction de l’ATI a calculé, justifié et annoncé à ses clients en toute transparence.
Ces frais sont environ de 4 dinars par Méga bit (frais de location du port de connexion, etc.). A noter que chaque FAI est connecté directement à l’ATI par un ou plusieurs ports de 10 Gb/s chacun. Elle offre également des services d’échange et de transit aux opérateurs/FAI. Des services qu’elle a, par ailleurs, toujours proposés depuis sa création (voir ce lien).
Des sources bien informées ont assuré à THD que les opérateurs, dont Orange, contestent les tarifs de l’ATI et estiment que 2 dinars suffisent amplement pour couvrir ses frais de gestion. Les négociations sont restées au point mort, même après la validation du nouveau code des télécoms. De son côté, l’INT tarde à s’autosaisir du dossier. Résultat : aucun opérateur/FAI n’a payé les sommes dues pour l’année 2012. Pire encore : pas de facturation pour l’année 2013.
Donc au final l’opérateur historique affiche déjà un manque à gagner avoisinant les 30 millions de dinars sur les deux années 2012 et 2013, rien que sur la partie Internet. Tout ça, à cause des impayés des clients de l’ATI.
Mais la situation s’est encore plus compliquée avec le retard inexpliqué du gouvernement à publier sur le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT) le décret validant l’avenant signé entre l’Etat et les deux opérateurs Orange et Tunisiana. Un retard dû… au cyber-contrôle. A suivre.
Welid Naffati
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