Depuis 2011, il y a eu en Tunisie un boom des médias d’information, notamment sur Internet. Les différentes marques commerciales ne savent plus où donner de la tête, surtout avec les restrictions budgétaires de leur département marketing.
Depuis 2011, il y a eu en Tunisie un boom des médias d’information, notamment sur Internet. Les différentes marques commerciales ne savent plus où donner de la tête, surtout avec les restrictions budgétaires de leur département marketing.
Chaque annonceur a alors adopté une stratégie. Il y a ceux qui ont gardé le même budget tout en le répartissant sur le plus grand nombre possible de supports, et ceux qui se sont scotchés aux médias ayant le plus grand taux d’audience, laissant les nouveaux pour leur compte.
D’autres ont choisi une approche beaucoup plus intelligente. Comme c’est le cas de Tunisiana. L’opérateur a en effet analysé pendant plusieurs mois les statistiques de chaque média. Il a par la suite fixé la liste des sites avec qui la filiale de Ooredoo (ex-Qatar Telecom) continuera à collaborer. Ayant la main sur la gestion de sa bannière directement sur les sites partenaires, Tunisiana a pu, en effet, calculer le retour sur investissement réel pour chaque support. Un moyen intelligent qui a permis à son département marketing de réduire drastiquement le budget consacré au volet digital, tout en améliorant sa performance. D’une pierre, deux coups.
Mais comme le dit l’adage populaire «Elli yesrek yeghleb elli yhahi» (celui qui pille dépasse celui qui crie), quelques sites tunisiens ont vite trouvé le moyen de contourner ce contrôle jugé trop intrusif. En voici le Top 5 :
1/ L’autorafraichissement : cette méthode consiste à insérer un code qui oblige le navigateur à rafraîchir la page toutes les xx secondes. Cette méthode augmente le nombre des pages vues, voire même le nombre des visites. Prenons par exemple le cas d’un internaute qui oublie l’onglet de son navigateur connecté sur une page d’un site donné. Et imaginons que ce portail a fixé la fréquence d’autorafraichissement à plus de 30 minutes. Au premier re-téléchargement de la page, Google Analytics le considérera comme étant une nouvelle visite.
2/ Les popups avec la Tootlbar Alexa : avec cette méthode, le webmaster est ‘doublement gagnant’. Il collabore avec des sites/forums peu connus sur la Toile mais qui génèrent un bon trafic grâce au troll, ou au Warez. Chaque internaute qui y accède verra se lancer une fenêtre popup minimaliste en arrière plan. Si on l’agrandit, on obtient un compte à rebours et des mots clefs. En haut, dans la barre d’adresse, des pages html d’un même site, défilant les unes après les autres à la fin de chaque compte à rebours. En bas de page, le pluggin d’Alexa.
Son utilité ? Améliorer la position du portail dans le classement d’Alexa des sites les plus visités du pays duquel est connecté l’internaute. Un classement qui commence à avoir beaucoup d’importance en Tunisie vu que les annonceurs l’utilisent souvent pour juger la capacité de buzz de tel ou tel portail. Et comme on vient de le voir, cette pratique fausse complètement le résultat et met en doute la légitimité d’un tel outil. Dommage que l’ATI n’a pas encore exploité le matériel anciennement utilisé par Ammar 404 pour lancer un service similaire plus scientifique et plus fiable.
3/ Le partage sur des pages facebook avec des titres et des photos suggestifs : les sites peuvent conclure des arrangements financiers avec des administrateurs de pages à très forte audience. En contrepartie, ces administrateurs partagent les articles dudit portail afin de lui booster son audience. Il est statistiquement prouvé que 1 à 2% seulement des fans d’une page facebook cliquent sur le lien. Surtout si le sujet ne correspond pas à la thématique de la page.
C’est pourquoi des administrateurs ont eu recours à un moyen contourné pour inciter leurs fans à cliquer. Et quoi de mieux que le sexe pour «vendre un lien». C’est le cas de Mouzika Tounsia et du site Tunivisions.net.
L’administrateur de la page utilise le raccourcisseur d’URL Bit.ly au lieu de l’adresse de Tunivisions.net. Le facebookeur ne verra pas ainsi l’article source et l’administrateur traquera l’évolution du nombre de clics par heure et par journée.
Ces données sont disponibles via un tableau de bord public. Pour y accéder, il suffit de taper http://bitly.com/ suivi par le code du lien raccourci et enfin le signe +.
Contacté par la rédaction, Nizar Chaari, le directeur du magasine Tunivisions s’est dit étonné par notre découverte et nous a promis de revenir vers nous dès qu’il terminera son enquête interne. Deux jours plus tard, M. Chaari nous a contactés pour nous informer que c’était une erreur du prestataire de services qui est en charge de la virilisation de Tunivisions sur Facebook. «La société ASR Consulting qui s’occupe de cette page s’est excusée en affirmant que l’admin qui en était chargé a été viré», nous a répondu M. Chaari. «Vous pouvez les contacter directement, si vous le voulez, ils vous expliqueront ce qui s’est passé». Puis il rajoute en souriant : «Vous pouvez écrire sur cette affaire car c’est un scandale et Tunivisions en est victime». Une déclaration qui n’étonne guère de la part d’une personne qui a bâti sa carrière sur le principe du «qu’il soit bon ou mauvais, le buzz est toujours vendeur».
«Je confirme ce qu’a dit M. Chaari et la fille qui gérait cette page a été virée. Elle a juste appliqué ce qu’elle a appris dans une agence de communication avant de rejoindre notre équipe», réplique pour sa part Maher Arbi, directeur de ASR Consulting. Il a, cependant, refusé de nous donner les tarifs de telles prestations et le nombre de pages facebook que gère son agence.
4/ Double insertion du code Google Analytics : cette méthode est utilisée par les webmaster qui ont un taux de rebond très élevé, du, justement, à l’utilisation massive de facebook comme source de trafic sur le site. Le taux de rebond correspond au pourcentage de visiteurs qui consultent une seule page du site avant de le quitter. Plus ce taux est faible, plus l’audience sera jugée «de qualité» par l’annonceur. En insérant doublement le code Javascript de l’outil de mesure d’audience Google Analytics sur une page web, on trompe cet outil en lui faisant croire que l’internaute n’a pas rebondi du premier coup.
Généralement, les Webmaster utilisent temporairement et d’une façon très aléatoire ce procédé pour que le taux de rebond global ne descende pas au-dessous de 10%.
5/ Créer une page en local d’auto rafraichissement : grâce à un iFrame sur un fichier html local, le navigateur rafraîchit la page Web affichée dans le iFrame une ou deux fois toutes les 5 minutes. En laissant la machine connectée 24h/24, ou quelques heures dans la journée, le nombre des pages vues (et l’affichage des bannières avec) se verra amplifié jusqu’à 280 fois au minimum et par 24h.
Les moyens subterfuges pour fausser les stats ne s’arrêtent pas là. D’autres méthodes moins connues, comme l’exploitation du flux RSS, sont également utilisées. Malheureusement, les annonceurs, eux, continuent à être les dindons de la farce.
Welid Naffati