Le confinement sanitaire général annoncé le vendredi 20 mars et effectif depuis dimanche 22 mars, a mis l’infrastructure et réseaux télécoms face à une dure épreuve.
Alors que la consommation énergétique a considérablement chuté – d’après le ministre des Energies et des Mines, Mongi Marzoug, à cause, entre autres, du shutdown des entreprises et des usines – les réseaux télécoms, notamment le fixe (ADSL) ont été pris d’assaut par les Tunisiens. Des ralentissements ont été observés les premiers jours, et surtout les premiers soirs du confinement.
La situation globale s’améliore de jour en jour, mais elle reste encore fragile. Le ministère des Technologies de la communication et de la Transformation digitale a, d’ailleurs, sorti par un communiqué sollicitant le rationnement de l’utilisation d’Internet en Tunisie. La saturation des réseaux risque en effet de provoquer une chute en cascade de toute l’infrastructure, voire même un black-out Internet.
Un scénario catastrophe que certaines plateformes – Netlfix, Youtube et Facebook – ont souhaité éviter en Europe en supprimant temporairement l’option 4K (ultra HD) voire même le HD de leur vidéos. Ici en Tunisie, nous avons encore le privilège d’accéder à beaucoup de contenu vidéo en qualité HD, notamment sur Youtube. Mais la menace demeure réelle avec le passage de beaucoup d’entreprises au télétravail et aux vidéo-conférences.
Un accès Data Mobile à prix réduit durant la nuit pour réduire la saturation
Si on y rajoute l’envoie de fichiers volumineux + l’utilisation de l’Internet pour le divertissement et de Facebook par la majorité des abonnés fixe et mobile durant la journée à cause du confinement, les pics de consommation de la bande passante ne se font plus de 18h à 22/23h. Désormais, le maximum de la consommation se fait entre, tenez-vous bien, entre 11h du matin et 1h du matin.
Du côté du ministère des Technologies de la communication et de la Transformation digitale, dirigé par l’ancien PDG du groupe Tunisie Telecom, Fadhel Kraiem, a eu l’idée ingénieuse de demander aux trois opérateurs de lancer une offre data mobile sociale en se basant, justement, sur cette courbe extraordinaire de consommation de la bande passante.
Ainsi, les plus démunis ont un bon quota de volume de téléchargement sur 3G/4G de 25Go – qui coûtent en temps normal environ 25 DT – pour 10 DT seulement. Et pour éviter d’encombrer davantage les réseaux tout en rationalisant les coûts d’exploitation chez les opérateurs, ce forfait est utilisable uniquement la nuit, entre 1h et 10h du matin. Ceux qui sont donc « coincés » chez eux et utilisent Internet uniquement pour « l’Entertainment », ont le confort de navigation loin de l’encombrement et des ralentissements du jour, avec un prix très réduit.
Entre temps, chez Tunisie Telecom, c’est une course contre la montre. Jamais les services techniques de l’opérateur historique n’ont travaillé aussi intensément, avec des shifts 24/24 pratiquement, depuis le début du confinement. C’était une question de vie ou de mort pour le réseau télécom et le Net tunisien avant même celui de Tunisie Telecom. Et voici le pourquoi du comment !
Eviter la saturation à partir de l’international jusqu’aux quartiers d’habitation
Tout d’abord, il faudra savoir que les deux autres opérateurs, Ooredoo et Orange, passent, entre autre, par le réseau de transfert entre les régions de Tunisie Telecom (réseau métro IPMPLS) pour récolter le trafic des antennes relais éloignées de leurs centrales. Quant à l’international, et même si Ooredoo et Orange ont cofinancés et utilisent leur propre câble sous marin Didon entre la Tunisie et l’Italie, ils passent aussi par Tunisie Telecom via le câble sous marin Sea-Me-We4 (SMW4 – un câble géré par un consortium d’opérateurs téléphoniques dont TT en fait partie). La particularité de ce câble ? Il relie directement Bizerte, dans le nord de la Tunisie, à Marseille dans le sud de la France, où se trouve un des principaux carrefours Internet de l’Europe.
Les autres câbles sous marins qui relient la Tunisie à l’Italie (Didon, Hannibal et Keltra) doivent passer par Telecom Italia Sparkle pour que le trafic soit acheminé vers la France (notamment Paris où se trouve l’interconnexion vers plusieurs câbles internationaux et continentaux). Or, dans les réseaux télécom, moins il y a de relais, plus le ping se réduit. La navigation devient alors plus rapide et plus fluide. C’est ce qui fait du Sea-Me-We4 le câble sous marin principal de la Tunisie (tous opérateurs confondus).
Après l’annonce du confinement total, un boom des connexions s’est donc opéré de partout provoquant des saturations à plusieurs niveaux, allant des IPMSAN (anciennement les sous-répartiteurs qui récoltent le trafic data aux niveaux des quartiers jusqu’à la centrale télécom), à la liaison internationale en passant par la dorsale Internet du pays et les réseaux de collecte inter-régions (réseau MetroIPMPLS).
L’Algérie sécurise une partie de son trafic via la Tunisie
Un pic de consommation de la bande passante internationale a été observé le 21 mars dernier juste après le discours du chef du gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh. Ce pic, qui a atteint 353,2 Gbps, s’est rétabli à une moyenne de 350 Gbps. Quoique TT est capable d’engloutir bien plus que ce pic grâce à ses différentes liaisons internationales, Tunisie Telecom a décidé d’éviter les risques en activant une capacité supplémentaire sur le câble SMW4 et sécuriser le pays avec pas moins de 560 Gbps de bande passante disponible. D’autant plus que le 2 avril prochain marquera une coupure programmée depuis longtemps sur ce câble. Des bateaux de maintenance vont partir en haute mer pour couper le tronçon du SMW4 entre Bizerte et Marseille au niveau du point de liaison entre l’Algérie et Marseille.
L’Algérie a, notons-le, déjà sécurisé son Internet en activant plus de capacité en bande passante sur sa fibre optique terrestre entre ses territoires et la Tunisie dans le nord-est du pays, pour que Tunisie Telecom soit son relais pour le trafic international. Tunisie Telecom a donc rajouté pour sa part une capacité supplémentaire sur le Tronçon de SMW4 qui relie Bizerte à Palermo (voir la photo ci-dessous).
Améliorer la vitesse d’upload sur l’ADSL
Passant au niveau inférieur, Tunisie Telecom a vite entamé les travaux de redimensionnement de son réseau national. Une capacité supplémentaire a été activée sur la dorsale Internet du pays (Backbone – la grande autoroute data de la Tunisie) à plusieurs centaines de Gbps. Les équipes techniques ont également entamé les réunions avec les Fournisseurs d’accès Internet sur les capacités dont ils ont besoin pour absorber les pics de leurs abonnés pour désenclaver les zones à fortes saturations (des IPMSAN et/ou des centraux téléphoniques locaux) puis rajouter une capacité supplémentaire à ceux qui commencent à arriver à saturation. En plus de garantir une meilleure navigation pour les clients ADSL/VDSL, Tunisie Telecom espère améliorer la capacité maximale de transmission en upload sur la data fixe (surtout ADSL qui ne peut dépasser le 1 Mbps à cause des limitations de la technologie elle-même). Ainsi, les réunions et les envoies de fichiers se feront plus aisément, et les écoles et universités (notamment privées) qui ont décidé de reprendre les cours pour leurs élèves et étudiants dès cette semaine, mais cette fois-ci en ligne, pourront assurer.
Une autre urgence a, par ailleurs, éclaté : vu qu’il y a moins de circulation et un confinement total, les connexions data mobile ont explosé en indoor (à l’intérieur des maisons). Tunisie Telecom a donc dû redimensionner son réseau mobile pour qu’il puisse engloutir la demande supplémentaire en trafic dans les zones d’habitations denses.
Améliorer en urgence la couverture 4G Indoor dans les zones d’habitation
La couverture indoor en 4G étant beaucoup plus efficace sur la “basse” fréquence 800 Mhz (dont le capacité de pénétration à l’intérieur des murs est beaucoup plus grande que la 1800 Mhz très efficace pour l’outdoor), Tunisie Telecom a commencé à booster la capacité de la bande 800 MHz par l’optimisation et le paramétrage de son réseau avec le nouveau comportement pour le basculement et la balance du trafic vers la bande haute 1800 Mhz. Des actions d’extension de la capacité de la bande passante du réseau 4G ainsi que la densification par l’ajout de nouveaux sites dans ces zones hotspots ont été déjà entreprises.
S’il y a une chose dont on est sur, c’est que cette crise sans précédent dans l’histoire contemporaine de la Tunisie a montré la capacité d’adaptation des opérateurs télécoms, et notamment Tunisie Telecom qui, grâce à l’effort de ses ressources humaines tant au niveau central que régional, a pu s’adapter en un temps record aux besoins urgents des institutions de l’Etat, aux entreprises, aux employés et aux abonnés suite au confinement décrété pour lutter contre la propagation de la pandémie du coronavirus, Covid-19.
Welid Naffati