THD.tn a lancé, lundi 28 juin dernier, un débat dans le cadre de DigiClub Live (un format interactif de son podcast DigiClub sur le réseau social ClubHouse), autour des perspectives économiques et politiques en Tunisie dans ce contexte marqué par une recrudescence alarmant de la pandémie Covid-19, des appels à prendre des mesures plus drastiques pour lutter contre la propagation du SARS-Cov-2 et une économie essoufflée qui ne pourrait résister à un nouveau confinement général. Ce débat servira, en effet, à aider les startupeurs à une meilleure prise de décision dans la gestion de leur projet.
Dans le cadre de ce débat, Ahlem Hachicha Chaker, experte en politiques publiques, a présenté quatre dossiers à suivre de très près:
i) Le dossier de la Libye : le sommet de Berlin II s’est tenu la semaine dernière autour de la reconstruction de la Libye qui se prépare. La Tunisie qui avait boudé la 1ère édition en 2019 pour cause d’invitation tardive, y était représentée par le ministre des Affaires étrangères, Othman Jerandi. Depuis les accords de 2020, la Libye est entrée en phase de stabilisation, jusqu’à l’échéance des élections prévues pour le mois de décembre 2021. Cette échéance est un objectif à maintenir coûte que coûte pour la scène libyenne et la scène internationale. Il sera difficile de tenir le pays au-delà de cette date sans légitimité réelle, c’est-à-dire légitimité politique électorale. La Tunisie joue une grande partie de sa reprise économique sur ce dossier. Pour le moment, c’est le secteur privé qui fait tout le travail. Les rencontres bilatérales, en Tunisie et en Libye, les échanges, les discussions, tout se fait sous l’égide des acteurs privés. D’ailleurs, le Libya Construction Expo s’est ouvert à Tripoli avec une participation tunisienne soutenue, sachant que le secteur du bâtiment et de la construction en Tunisie est un employeur, direct et indirect important.
ii) La Loi de finances 2021 : elle a été adoptée dans un climat approximatif, de “votez maintenant, on en discutera après”, avec la promesse d’une loi de finances complémentaire à présenter par le gouvernement en mars 2021. Nous sommes en juin et aucune loi de finances complémentaire n’est à l’horizon, alors que les hypothèses sur lesquelles la LDF 2021 a été élaborée sont très éloignées de la réalité (prix de l’énergie, relance économique, besoins de financement, etc). Pour rappel, le gouvernement doit déposer son projet de LDF au plus tard le 15 octobre. Cela veut dire que le gouvernement devrait avoir défini, à ce stade, les grandes orientations, la vision économique, le budget, etc. A ce jour avec des caisses vides, des institutions à la légitimité vacillante, et un pays au bord de l’effondrement sanitaire et social, le gouvernement – dont la pérennité n’est pas certaine – devrait être aux discussions avec les partenaires sociaux et économiques, les bailleurs de fonds, et l’Assemblée qui devrait bientôt partir en vacances. Quel espoir d’attirer des investissements, nationaux ou étrangers, dans ce manque de visibilité ?
iii) Le dossier du tourisme : il n’y aura pas de saison 2021. C’est clair. Notre pays a connu une série de crises (la transition de 2011, les assassinats politiques et la crise de 2013, la vague de terrorisme de 2015, …) plus ou moins importantes, avec un impact sur le secteur du tourisme. Ces crises auraient pu être l’occasion d’une refonte d’un modèle en fin de course depuis bientôt 20 ans. Ce modèle de construire des chambres d’hôtel et de compter sur les congés payés de la classe moyenne européenne en mal de soleil et de sable fin est mort et enterré. Au lieu de restructurer, on a écumé les marchés pour remplacer ces visiteurs par d’autres, de l’Europe de l’Est, de la Russie et de la Chine, avec peu de succès et aucune durabilité. Et pourtant Les solutions existent. Un positionnement mieux défini ? Un produit plus ciblé ? Le tourisme alternatif ? L’hôtellerie de luxe ? Les hôtels boutiques ? Saurons-nous enfin tirer avantage de cette 2e année blanche pour nous remettre en question ?
iv) Le Brussels Economic Forum : le 29 juin, le Brussels Economic Forum – organisé par la Commission Européenne à Bruxelles – s’est tenu pour traiter de la relance économique de l’Europe sous le slogan “making it happen, building the new economy we want”. Notons le choix du verbe “want”. Il s’agit de vouloir, de choisir, et ensuite de se donner les moyens de réaliser. Les principaux participants sont la présidente de la Commission, Ursula Von Der Leyen, Angela Merkel, Christine Lagarde, Présidente de la Banque Centrale Européenne, et de la Première ministre de Nouvelle Zélande, Jacinda Arden. Quatre femmes qui vont grosso modo discuter de l’avenir du monde. Le but est essentiellement de préparer la reprise économique, prévue selon la Commission pour fin 2022. Alors que chez nous on prétend que “Tout va bien, Madame la Marquise”. Deux éléments sont à retenir. D’abord, on sait déjà que cette relance est envisagée sous l’angle d’une “économie plus verte, plus juste”. Plus verte, donc une meilleure gestion, une gestion plus durable des ressources et des moyens de production. Plus juste, avec une meilleure répartition de la richesse économique produite. Nous devrions nous placer pour profiter de cette relance qui se joue chez notre premier économique. Nous préparer comment ? Déjà en revoyant de fond en comble le cadre législatif sur l’économie verte (et bleue d’ailleurs), les énergies renouvelables, l’agriculture, etc. Est-ce qu’on va rater la révolution verte, comme on a raté la révolution industrielle, la révolution de l’internet ?
Ensuite, un débat révolutionnaire se prépare : est-ce la fin du PIB en tant qu’indicateur maitre de l’économie?Cet indicateur est considéré à la base de toute évaluation économique, macroéconomique et sociale depuis la 2e Guerre mondiale. Or, aujourd’hui, on considère que cet indicateur, en gros la performance de production économique d’un pays, ne tient pas compte d’éléments d’analyse cruciaux tels que la répartition de la richesse, la préservation des ressources, le développement social. Il a d’ailleurs été incapable de prédire les transformations sociales actuelles. Nos orthodoxes de la macroéconomie vont en faire des cauchemars.
La Rédaction