La protection des données à caractère personnel devient de plus en plus cruciale à mesure que le monde progresse dans la transformation numérique, en particulier pour les économies numériques émergentes comme la Côte d’Ivoire. Cependant, la sécurité numérique, la souveraineté et la croissance de la région sont fortement menacées en raison de la faible application des lois locales sur la domiciliation des données à caractère personnel, qui exigent que les données générées dans le pays soient stockées localement. L’incident majeur sur les câbles sous-marin en mars 2024, qui a entraîné une panne généralisée des services Internet dans tout le pays, a mis en évidence la vulnérabilité de nos sociétés liée à la forte dépendance à la connectivité internationale pour le transfert et stockage des données et les opérations numériques. Cette situation aurait pu être atténuée par une application plus stricte des réglementations locales sur l’hébergement des données.
La domiciliation locale des données permet non seulement de garantir que les informations sensibles et critiques, vitales pour la sécurité nationale, sont stockées à l’intérieur des frontières du pays, mais elle réduit également la dépendance aux câbles sous-marins internationaux, atténuant ainsi les risques associés à l’hébergement de données hors de la région. Ainsi, les services et informations critiques restent accessibles même en cas de coupure des câbles sous-marins. La domiciliation locale des données à caractère personnel n’est pas recommandée uniquement pour les pays africains. Il existe une série de réglementations et de politiques actuellement en vigueur dans les pays hébergeant les données africaines. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en est un exemple. Il protège la vie privée et les données personnelles des citoyens de l’Union Européenne. Le règlement garantit que les organisations doivent mettre en œuvre des mesures de sécurité appropriées pour protéger les données des utilisateurs finaux et garantir le respect des principes de protection des données à caractère personnel.
Les organisations régionales comme la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) ont pris des mesures pour encourager la promulgation de lois sur la protection des données dans les États membres. En Côte d’Ivoire, le gouvernement a mis en œuvre plusieurs initiatives clées pour promouvoir la protection des données et la domiciliation, en s’alignant sur les objectifs plus larges de renforcement de l’économie numérique du pays et de protection des données des citoyens. La loi n° 2013-450 promulguée le 19 juin 2013 régit la collecte, le traitement, la transmission, le stockage ou l’utilisation des données personnelles par les particuliers, le gouvernement et les entités publiques et privées. L’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC de Côte d’Ivoire (ARTCI) veille également au respect de la loi n° 2013-450 et des réglementations relatives à la protection des données.
Au-delà des infrastructures physiques qui facilitent la transmission des données, il faut un changement radical dans la manière dont les données africaines sont stockées. La Côte d’Ivoire et, par extension, l’Afrique francophone, doivent conserver davantage de trafic local dans le pays/la région et devenir plus proactives dans la conduite de changement pour la domiciliation effective des données en local comme d’autres pays développés. L’hébergement local de contenu peut aider à réduire la dépendance aux connexions internationales en garantissant que les services et informations critiques restent accessibles même en cas de panne de câbles sous-marins. Selon l’Internet Society, l’un des moyens d’éviter l’impact négatif des pannes de câbles sous-marins est d’adopter des solutions à long terme telles que la mise en place des points d’échange Internet (IXP) pour améliorer la résilience d’Internet. En outre, opter pour une infrastructure de cloud et de colocation locale dans le pays présente une option supérieure à l’hébergement de données/applications à l’étranger, car cela garantit que les informations sensibles vitales pour la sécurité nationale restent sous la juridiction d’un pays et réduit sa dépendance aux câbles sous-marins internationaux pour le transfert de données.
Mais il est encore plus important d’investir davantage dans les datacenters de la région. Ils servent de points de connexion pour ces câbles, permettant le transfert des données vers et depuis le cloud. Ces installations jouent un rôle important en tant qu’épine dorsale des services cloud, des IXP et fournissent l’infrastructure, la connectivité, la sécurité et l’évolutivité nécessaires pour gérer et traiter efficacement les données. Alors que les opérateurs locaux de datacenters comme MainOne, Orange et MTN mettent en place une infrastructure clé pour l’hébergement des données locales afin de soutenir efficacement la politique de domiciliation des données locales du gouvernement, la Côte d’Ivoire doit se concentrer sur le renforcement de son cadre juridique et assurer le respect de la loi sur la protection des données et une domiciliation effective des données sur le territoire national.
Les avantages de l’hébergement local des données sont innombrables. L’hébergement local des données favorisera non seulement les initiatives de transformation numérique en Côte d’Ivoire, mais créera également de la richesse nationale et des emplois supplémentaires, réduira la fuite des capitaux et la dépendance au FOREX, favorisera la croissance industrielle et aura un impact positif sur toutes les facettes de l’économie. Même les fournisseurs de contenu mondiaux comme Meta, Netflix et Google peuvent améliorer l’expérience utilisateur de leurs clients en exploitant les datacenters locaux. En appliquant les lois locales sur la domiciliation des données, la Côte d’Ivoire protégera non seulement son économie numérique, mais veillera également à ce que les avantages de la croissance axée sur les données restent à l’intérieur de ses frontières. Il est essentiel que le gouvernement agisse rapidement, car des politiques de données solides seront cruciales pour protéger l’avenir numérique de la région.
Source : Communiqué