Après la publication des deux premières parties de notre reportage à Dkhila sur la station de contrôle satellitaire d’Arabsat (voir ici et ici), l’ingénieur principal de la station, Othman Nemri, a accepté d’expliquer d’une façon succincte aux lecteurs de THD, les principales tâches qu’opère lui et ses coéquipiers depuis la Tunisie pour gérer un satellite et ce, dès son lancement jusqu’à sa fin de vie. Non seulement pour la flotte d’Arabsat, mais également pour tout satellite qui apparaît à l’horizon de la Tunisie. Mais tout d’abord, c’est quoi un satellite géostationnaire ? Explications.
Après la publication des deux premières parties de notre reportage à Dkhila sur la station de contrôle satellitaire d’Arabsat (voir ici et ici), l’ingénieur principal de la station, Othman Nemri, a accepté d’expliquer d’une façon succincte aux lecteurs de THD, les principales tâches qu’opère lui et ses coéquipiers depuis la Tunisie pour gérer un satellite et ce, dès son lancement jusqu’à sa fin de vie. Non seulement pour la flotte d’Arabsat, mais également pour tout satellite qui apparaît à l’horizon de la Tunisie. Mais tout d’abord, c’est quoi un satellite géostationnaire ? Explications.
Un satellite de télécommunications est une station qui se déplace de manière exactement synchrone avec la planète terre et reste constamment au dessus du même point de la surface de la terre. Il fait globalement un tour/jour même si en réalité le satellite met 23 H 56 Min et 4.1 secondes exactement pour faire la rotation de la terre. Cette rotation du satellite autour de la terre est appelé ‘le jour sidéral’. La trajectoire de ce satellite décrit une courbe fermée continue sur le plan de l’équateur appelé orbite géostationnaire. Ces caractéristiques offrent alors la possibilité d’utiliser le satellite pour les télécommunications, l’observation (météo) et l’alerte avancée.
L’altitude de l’orbite géostationnaire est 35 786 km au-dessus du l’équateur. Un chiffre qu’on a tendance à arrondir à 36 000 km par facilité de langage. C’est le lieu où la force centripète (générée par un mouvement circulaire d’un corps quelconque) s’annule avec la force d’attraction universelle entre ce corps et la terre.
Othman Nemri (l’auteur de l’article) en Guyane à la station de lancement à Kourou d’Ariane Space en 2011 pour signer le “Go” du lancement d’Arabsat 5A
1. Mise en orbite géostationnaire
Un satellite est mis en orbite géostationnaire à l’aide d’un lanceur. Le lanceur est une fusée capable de transporter une masse (charge utile, le satellite en question) à une altitude précise (orbite géostationnaire) à une vitesse donnée (28 000 km/h en général).
Or, cet ordre de vitesse du lanceur est cruciale car un écart important par rapport à cette vitesse peut être catastrophique. En effet, la vitesse nécessaire à adopter pour la satellisation en orbite doit se faire à 800 Km d’altitude. Si elle est à 7.8 Km/s (soit 28080 Km/h), cette vitesse est considérée trop faible et le satellite retombe sur nos têtes.
Par contre, si la vitesse dépasse les 11.2 Km/s (40320 Km/h), le satellite se libère totalement de l’attraction terrestre et s’éloigne indéfiniment de la terre. Or Si la vitesse est légèrement supérieure à la vitesse de satellisation, le satellite évolue dans une orbite elliptique.
La question qui se pose est la suivante : Quand devons-nous contrôler la vitesse du lanceur ? Est-ce pendant le décollage de la fusée ou après. Tout d’abord, il faut savoir qu’il faut une force colossale pour faire soulever une fusée de la terre. A titre d’exemple, Ariane 5 permet un décollage d’une puissance de 1 400 tonnes. Ce qui veut dire que la force exercée de la fusée Ariane5 permettrait de soulever une masse de 1400 tonnes, poids de la fusée compris. Cette puissance est fournie par des propulseurs.
Dans l’astronautique actuelle, il y a deux types de propulsion: Avec les carburants liquides ou sinon les carburants solides, plus communément appelés poudre. Or, une fois la fusée est allumée, elle n’est plus contrôlée depuis le sol. Elle est entièrement autonome. Le seul ordre que l’on peut lui envoyer, c’est celui de se faire exploser quand elle dévie de sa trajectoire (quoi que cette tâche a été également automatisée au niveau de la fusée elle même).
Une fois les paramètres fixés pour la mission de tir du lanceur sont atteints (en général au bout de 30 mn de propulsion), la séparation entre le satellite et le lanceur s’effectue aussi automatiquement. L’orbite obtenue est une ellipse dont le périgée (le point le plus proche de la terre) est de quelques centaines de Km et l’apogée est autour de 36000 km. Cette orbite doit avoir le minimum d’inclinaison possible avec le plan de l’équateur. C’est pour cela qu’on a intérêt à effectuer le lancement à partir d’un lieu de tir qui est prêt de l’équateur. Ceci permettra de consommer moins de fuel au niveau du satellite pour réduire ultérieurement cette inclinaison à zéro. Cette étape intermédiaire (orbite elliptique et correction de l’inclinaison) est appelée «Geostationary Transfer Orbit» (GTO).
Après la séparation Satellite/Lanceur, et donc durant le GTO, les opérations de la mise finale en poste commencent. Ces opérations consistent entre autres à :
-La circularisation et la correction de l’orbite à l’aide d’un propulseur intégré dans le satellite (plusieurs propulsions sont effectuées à l’apogée permettront d’annuler l’inclinaison, d’élever le périgée de quelques centaines de Km à 36000 Km et d’annuler l’excentricité pour une orbite parfaitement circulaire),
-le déploiement des antennes ( qui peuvent être plusieures suivant la mission du satellite),
-le déploiement des panneaux solaires (2 panneaux: panneau nord et panneau sud),
-la configuration des équipements et de la charge utile,
-les tests des équipements avant leur mise en marche appelé «In Orbit Test» (IOT).
Ces phases durent globalement deux semaines.
Figure_1 : Après la séparation du satellite/lanceur, le satellite décrit une trajectoire fermée (orbite), cette orbite est appelée orbite de transfert géostationnaire (en vert).
Figure_2 : Plusieurs manœuvres sont effectuées à l’apogée de l’orbite initiale (GTO : Geostationary Transfer Orbit) pour atteindre l’orbite finale (orbite géostationnaire). L’apogée reste toujours le même, seuls le périgée, l’inclinaison et l’excentricité changent.
2. Contrôle et opérations d’un satellite
Une fois mis en orbite géostationnaire, un satellite est le siège des petites forces et a tendance à avoir une orbite inclinée et à quitter sa position de longitude fixe. Ces forces sont essentiellement générées par l’influence de l’attraction de la lune naturelle qui a une orbite inclinée de 5 dégrée par rapport à l’équateur terrestre (ce qui engendre l’erreur d’inclinaison du dit satellite). La pression de la radiation solaire sur le satellite, notamment au niveau des panneaux solaires ont également un pouvoir de déviation sur le satellite (erreur d’excentricité). Sans parler de la variation du champs gravitationnel terrestre qui peut causer l’erreur de longitude.
L’équipe de contrôle au sol effectue en permanence des calculs d’orbite en se basant sur les résultats des sondes envoyées (ranging). Cela leur permet de corriger, à n’importe quelle heure et quelle période, l’orbite du satellite en effectuant des manœuvres grâce aux petits propulseurs (250 grammes) situés sur le corps du satellite lui même. Ces calculs d’orbite permettent aussi de connaitre les périodes très précises des éclipses du soleil par rapport à la terre et la lune, ainsi que les interférences sur les équipements de pointage satellite-terre afin de configurer le satellite en mode d’éclipse (utilisations des batteries au lieu des panneaux solaires).
En plus de la correction de l’orbite du satellite, l’équipe de contrôle veille sur le bon fonctionnement des équipements à bord via des télémesures en utilisant la base de données préparées préalablement pour cet objectif. On peut noter, à cet effet, que les télémesures contiennent des informations de temperature, de courant, de tension de puissance, de pointage et de l’attitude d’une manière générale du satellite. Ainsi et à titre d’exemple, si équipement satellite sa temperature varie au delà de la fourchette -5 degrés et 25 degrés, une alerte est déclenchée au niveau du centre de contrôle.
3. Fin de vie d’un satellite
Malheureusement un satellite ne peut vivre éternellement, il subit en permanence des perturbations qui le font sortir de sa position initiale. En conséquence, des manouvres sont effectuées périodiquement avec des propulseurs qui consomment le fuel qu’on a chargé préalablement abord pour une durée de vie de 15 ans. Avant l’épuisement total de ce fuel, on arrête le service sur ce satellite et on effectue une série de manœuvres (manoœuvres de deorbiting) pour le faire sortir de l’orbite géostationnaire et le mettre dans une orbite plus lointaine (300 Km plus loin que de l’orbite géostationnaire) : C’est l’orbite cimetière. Dans cette zone, le satellite va évoluer dans cette orbite en accumulant continuellement des erreurs en inclinaison, en excentricité et en longitude. Tous ses équipements étant mis en arrêt pour éviter toute interférence avec les satellites qui sont encore en service.
Othman Nemri
Chief Control Engineer – Satellite System
A lire également :
Manouba : Reportage sur la station de contrôle satellitaire d’Arabsat à Dkhila (Partie 1)
Manouba : Reportage sur la station de contrôle satellitaire d’Arabsat à Dkhila (Partie 2)