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Fétichisme, gonzo et porno ou les effets néfastes de «la révolution» en Tunisie (Partie 2)

Fétichisme, gonzo et porno ou les effets néfastes de «la révolution» en Tunisie (Partie 2)

La Tunisie est un pays qui vit en phase avec les TIC, surtout en matière de consommation. La progression du marché des tablettes et des smartphones ne peut qu’en attester. Les études sur leurs dangers entreprises dans d’autres contrées sont malheureusement une denrée rare. Mais à l’image de ce qui se passe ailleurs, le Tunisien est de plus accro à son smartphone avec son Facebook et son Instagram dans les transports ou dans les espaces publics. Mais, outre les réseaux sociaux, une partie des Tunisiens connectés, deviennent trop accros au porno comme on l’a mis en exergue dans la première partie de l’article. Mais cette addiction est-elle seulement sur Internet et a-t-elle des répercussions sur la vie quotidienne des gens ?

Quand la surconsommation du porno devient un fléau social

De nos jours l’impact des médias n’est plus à nier sur la métamorphose sociétale, le changement de comportement individuel et les vices souvent bien cachés. Cet aspect, déjà pervers quant aux thèmes abordés quotidiennement, l’est d’autant plus avec les sujets plus tabous. Surtout que notre société a une particularité bien connue au vu de son vécu historique : le Tunisien vit en perpétuel paradoxe.

Cependant, une remise en contexte est souvent bien nécessaire et il faudrait prendre en compte la conjoncture internationale où l’industrie du porno façonne, aujourd’hui, à l’instar de l’industrie de la pub, les modèles sociaux et les relations humaines.

La surconsommation de films pour adultes en ligne, depuis la «révolution» et la levée de bouclier (peut être momentanée jusqu’à la mise en place effective de l’A2T ?) de Ammar 404 est souvent entreprise par un public jeune, n’ayant reçu aucune éducation sexuelle préalable. Le danger est la conception des relations sexuelles selon le modèle de l’industrie du X.

En Europe, à titre d’exemple, les vidéos gonzos réalisées par de jeunes acteurs amateurs simulant des scènes de rapports sexuels d’une violence inouïe (simulation d’un viol, etc.), avec des pratiques SM, ont provoqué une vague d’inquiétude chez les psychiatres et les psychologues en Angleterre, en France et plus généralement dans l’Europe de l’Ouest. Et pour cause : ces pratiques de sadomasochisme commencent à être reproduites par des adolescents révélant des coups et blessures dont certains cas nécessitent des hospitalisations.

Le porno catalyseur d’agressions sexuelles

Docteur Skander Boukhari

«L’agressivité et l’humiliation suscitées par l’industrie du porno peuvent être en partie responsable des cas de viols, cette dernière met en valeur la soumission nourrissant un certain genre de fantasmes», affirme Docteur Skander Boukhari, psychiatre, sexologue et toxicologue. «Ce genre de stimuli auxquels est assujetti un public jeune et irresponsable peuvent être comparés à ceux subis dans les films, séries et jeux vidéos violents. Ces derniers ont souvent été incriminés dans les cas de fusillades dans les lycées et collèges américains, favorisant selon les experts un engouement pour les armes à feu et déclenchant des scènes heurtant l’opinion publique américaine et ravivant le fameux débat sur les armes».

Le concept de «la femme objet» est d’ailleurs propulsé à outrance et des phénomènes méconnus de notre société ont fait leur apparition.Dans un pays à plusieurs vitesses comme la Tunisie, où les disparités régionales sévissent provoquant des écarts idéologiques et de conscience importants, un tel phénomène peut représenter une porte dérobée pour la banalisation du viol. Notamment dans les familles (rapport conjugal, inceste dans les milieux ruraux, etc.). Dans certains milieux sociaux défavorisés et dépourvus complètement de culture sexuelle -où parler de sexe est un sacrilège couplé à une soumission ancestrale bien connue de la femme- la violence conjugale prend même forme de violence sexuelle répondant aux fantasmes du même. Le sujet croyant pour reproduire ce qu’il voit et obligeant sa partenaire à suivre la tendance peut même user de la force démesurée.

Le malaise vis à vis du corps érotisé

«Hey regarde ! Il y a une MILF qui vient de monter», s’écrie un jeune lycéen avec ses copains dans le métro. Au vu d’une femme assez âgée, ces derniers ont, donc, fait une réflexion sexuelle sur son corps -malgré la grande différence d’âge- usant d’un terme pornographique. En effet, MILF est un genre pornographique qui veut dire Mother I’d Like to Fuck (en français : la mère que je voudrais «baiser») qui fait ravage dans les sites à caractère pornographiques. Et si les jeunes garçons parlent de MILF, les jeunes filles, elles, parlent de DILF (Dad i’d Like To Fuck). Ce jargon commence à être fréquemment utilisé chez les jeunes en Tunisie, du moins entre copains ou copines.

«Aucune population jeune n’est épargnée par ce fléau, même les plus radicalisés», commente Dr. Boukhari. «Tôt ou tard, tout le monde sera homogénéisé».

Que la tendance des jeunes soit vers l’extrémisme religieux ou vers l’athéisme, ça ne change pas la donne quant à l’addiction au porno ou au sexe. A trop érotiser le corps (notamment féminin), on cherchera soit à le couvrir entièrement (le Nikab), soit à le découvrir à outrance (les tenus trop légères).

Or, ces deux derniers ont une lecture érotique qui n’est ni esthétique, ni artistique. Ces visions constituent un véritable tremplin vers l’addiction. Une fille niqabée ou une fille habillée légèrement représentent deux facettes d’un même problème : une sexualisation perverse de la société. On peut ainsi comparer les chaines religieuses extrémistes aux chaines de télés musicales diffusant des clips vidéo de chansons (arabes ou occidentales) regorgeant de signaux sexuels frôlant la pornographie.

Fétichisme, gonzo et porno ou les effets néfastes de «la révolution» en Tunisie (Partie 2)

Même la sharing Dreambox n’échappe pas à la règle

«J’ai des clients qui ont effacé toutes les chaines de leur Dreambox pour ne garder que celles adultes», affirme un grand fournisseur d’abonnement sharing en Tunisie. Bien qu’ils soient une dizaine à l’avoir avoué, c’est en moyenne une vingtaine de ses clients qui regardent les chaines à caractère X durant la journée (entre 18h et 20h). «C’est surtout le soir qu’il y a le plus d’audience tunisienne sur ces chaines-là», rajoute-t-il. Sur un parc de 5 mille abonnés, «environ 30% regarde les chaines pornos chaque soir à partir de 22h jusqu’à 1 heure du matin». Mais c’est le Weekend qu’il observe un pic d’audience : 40% d’après notre interlocuteur. «On a ça généralement le vendredi et samedi soir, les jours fériés et durant les vacances».

Devrions-nous comprendre, donc, qu’il y a beaucoup de jeunes qui regardent le porno sur la Dreambox en Tunisie ? Pour ce fournisseur de sharing, la montée d’audience des chaines pornos durant les vacances a tendance à le confirmer. «Mais il y a beaucoup d’hommes mariés avec enfants, qui m’appellent pour réclamer une coupure sur ces chaines dès qu’il y a un problème», répond-il.

Ouvrir le débat ou garder le tabou ?

En parlant ouvertement de ces sujets, le débat peut-il constituer une incitation ou une invitation à consommer (plus) du porno ? «Non», répond Dr. Boukhari. «Parler des dangers du porno, de ce qu’il représente vraiment, ne peut pas constituer une incitation. Et  de toutes manières, rien échappe à nos jeunes». Selon lui, il faudrait sensibiliser les jeunes, les adultes et les éducateurs pour prévenir ces dérives : «Il faut en parler sans accuser moralement les individus qui les pratiquent». A l’instar de ce qui se fait au sujet du SIDA.

Le manque d’éducation sexuelle n’est plus à constater et deviendrait presque une nécessité. Petit à petit, les vidéos pornographiques sont devenues une référence en la matière et les sites pornographiques un repère.

Mais pour certaines personnes en Tunisie, la pornographie en ligne constitue un business où les entrées d’argent se comptent en milliers de dinars par mois, pour quelques 2 à 3 heures de travail par jour. A suivre.

Emir Sfaxi

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