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Après un débat houleux sur l’ATI, la Constituante adopte le nouveau code des télécoms

Après un débat houleux sur l’ATI, la Constituante adopte le nouveau code des télécoms

Avec 97 voix pour, 2 abstentions et 0 contre, les amendements modifiant l’actuel code des télécoms ont été validés par l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), mercredi 3 avril en fin de journée. Mettant ainsi un terme à des mois de discussions en commissions et des retards du débat en plénière. Bien qu’il ait été bien défendu par Mahmoud Baroudi, président de la commission des secteurs des services, les polémiques n’ont pas mené au débat.

Plusieurs députés, dont notamment Lobna Jribi, ont multiplié les amendements pour améliorer le texte final et dont la plupart ont fini par être retirés soit à la demande du ministre, soit à la demande (pour ne pas dire insistance) de Mehrezeya Laabidi, vice présidente de l’ANC, et de M. Baroudi. Et pour cause : ce nouveau code des télécoms s’est fait longuement attendre et n’aurait pu, en effet, être retardé encore une fois. D’autant plus qu’il corrige des failles juridiques qui font de l’opérateur virtuel Elissa et des fournisseurs d’accès et services Internet des entités illégales.

«Il y a encore pleins d’améliorations qu’on doit apporter à ce code. Chose qui ne saurait tarder dans les prochains mois. Mais les modifications qu’on vous propose aujourd’hui, sont indispensables et doivent être adoptées le plutôt possible», a déclaré M. Baroudi en début de la plénière.

«La SONEDE doit gérer l’eau et non la fibre optique»

Lobna Jribi était particulièrement active lors du débat avec des amendements forts intéressants. Celle dont le nom a été proposée pour occuper le poste de secrétaire d’Etat chargé des TIC pendant la formation du gouvernement Jebali, a interpelé la commission et le ministre des Technologies de l’information et de la communication, Mongi Marzouk, sur l’ouverture de la fibre optique des institutions publiques aux opérateurs télécoms.

«Louer l’excédent de la fibre optique de la SONEDE, la STEG, la SNCFT et Tunisie Autoroute, c’est bien. Mais une entité comme la SONEDE est spécialisée dans le transport de l’eau courante, et on imagine mal qu’elle puisse bien gérer le dossier de la fibre optique au sujet de son interconnexion avec le réseau de l’opérateur télécom. Pire s’il y a panne», fait-elle remarquer. «Je pense que la création au préalable d’une instance qui coordonne avec toutes ces entités est une nécessité».

Réponse du ministre : «C’est une très bonne idée. Mais ceci prendra beaucoup de temps. Qu’on adopte déjà ce code. Les contrats de location de l’excédent de fibre optique peuvent être limités à 5 ou 6 ans dans un premier temps. C’est à dire le temps de mettre en place une telle instance».

Une petite victoire 

Bien qu’elle n’ait été pas présente dans le texte final de la commission, la notion d’IXP (point d’échange Internet sur le national) a été rajoutée au code. Des amendements dans ce sens ont été déposés. Un 5ème point a été alors rajouté à l’Article 31. Il définit l’IXP et les modalités d’octroi d’une licence d’un IXP. Le texte a fini par être adopté par la majorité des députés présents, à 112 voix.

Et là on ne peut que saluer l’excellent travail de la commission de Mahmoud Baroudi et des députés tels que Mohamed Taher Ilahi et Noomen Fehri, qui ont introduit une définition encore plus large à l’IXP. Au lieu de se limiter à «point d’échange du trafic Internet national» (qui est la définition propre d’un IXP), ils ont rajouté «la gestion du trafic international».

Avec une telle définition, des entreprises privées tunisiennes peuvent devenir à leur tour IXP et pourront dégager quelques bénéfices grâce à la revente de la bande passante internationale. A noter que la fonction d’un IXP en nationale n’est pas réellement une activité lucrative.

Et voilà les polémiques…

«L’ATI joue ce rôle d’IXP depuis des années, il serait aberrant de lui demander de payer pour une licence. Il faut qu’on la lui accorde dès maintenant dans le texte», ont fait remarquer Mahmoud Baroudi et Mohamed Taher Ilahi. C’est alors qu’un amendement a été formulé pour qu’on rajoute un autre paragraphe annonçant l’octroi de cette licence à l’ATI.

Si la majorité des députés était d’accord sur le principe, d’autres voix se sont élevées contre le rajout d’une telle proposition car elle n’avait pas été déposée sous forme d’amendement avant la plénière. Pis : elle n’a même pas été discutée en commission et donc elle risquerait de faire renvoyer tout le texte en commission. C’est alors qu’un débat houleux a pris place sur la forme et validité juridique d’un tel rajout. Un bloc parlementaire a même menacé de voter contre tout le texte si la présidence de l’ANC continuait à insister sur le rajout de cet article dans le code des télécoms.

Pour couper court, Mme Laabidi a alors demandé une réunion entre les présidents des différents blocs parlementaires, le président de la commission, son rapporteur et le ministre des TIC. Après presque 20 minutes de discussions, un consensus a été trouvé : le retrait de ce point. Tout simplement.

Le ministre des TIC a en effet préféré mettre un terme à cette polémique en annonçant que le fait de rajouter la définition d’un IXP et les modalités d’octroi d’une telle licence lui donne le pouvoir de promulguer un décret au Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT) –et donc pas de passage devant l’ANC pour la validation-, octroyant cette licence à l’ATI.

L’INT en ligne de mire

Puis une autre polémique a éclaté : qui contrôle l’Instance Nationale des Télécommunications (INT)? «Il est vrai que le régulateur est indépendant et on croit dans la bonne foi des personnes qui y travaillent. Mais l’instance doit, forcément, avoir des comptes à rendre», s’explique M. Fehri. «Or, l’INT donne son rapport annuel au gouvernement, c’est à dire qu’elle est contrôlée par le pouvoir exécutif. Je propose que l’instance le rende plutôt au parlement».

Lobna Jribi a pour sa part évoqué la restructuration de l’INT. D’après la député d’Etakattol, il serait plutôt logique de retravailler sur les prérogatives de l’INT, son rôle, sa gestion et sa composition, avant même d’adopter un nouveau code des télécoms. Un avis partagé par M. Marzoug. «Mais un tel chantier prendra beaucoup de temps et on ne peut retarder encore plus l’adoption du texte d’aujourd’hui».

Vers la fin, une autre polémique a éclaté : celle de la censure du porno. La députée nahdhaouie Sana Haddad est revenue à la charge sur ce sujet et a insisté pour qu’on intègre dans le code, un article qui obligerait tous les FAI à censurer les sites à caractère pornographique. La réponse du ministre sur un projet de loi sur le filtrage et la cybercriminalité en cours de finalisation a calmé Mme. Haddad qui a fini par retirer son amendement tout en insistant encore pour qu’on rajoute, au moins, un tel article dans la loi anti-terrorisme. Nous y reviendrons.

Welid Naffati

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