On n’a pas cessé de dire qu’on a un excédent de Fibre Optique (FO) en Tunisie. Après les chiffres présentés par Tunisie Telecom lors du Workshop de l’Instance Nationale des Télécommunications (INT) le lundi 22 septembre dernier à Hammamet en marge de l’ICT4all (lire notre article), ce sont ceux de la Société Nationale des Chemins de Fers de Tunisie (SNCFT) et de la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz (STEG) qui sont venues réconforter cette conclusion.
Abdellatif Charni, Directeur des Télécommunications à SNCFT, a ainsi dévoilé des données intéressantes lors de ce Workshop : «La SNCFT possède 1000 kms de FO qui sont déjà partagés avec les opérateurs. Nous sommes actuellement en train d’en poser 500 Kms supplémentaires avec, dans le programme une nouvelle extension avec le posage de 800 km de plus courant l’année 2015».
Pour s’y faire, la SNCFT va utiliser les 2167 kms de voie ferrée dont 100 Km sont électrifiées. Car pour ces dernières, cette fibre (qui est déjà posée) passe en fait par les pylônes à côté des fils électriques. Et c’est d’ailleurs le même procédé que la STEG. Sarhane Hammami, Chef du département systèmes et réseaux, a d’ailleurs affirmé que la STEG a déjà des liaisons en FO entre la Tunisie et la Lybie depuis les années 90. En plus de celles qui peuvent s’établir avec l’Algérie grâce aux liaisons électriques déjà existantes, ces liaisons peuvent-être utilisés un backbone important de transmission entre les pays du Maghreb.
La STEG exploite déjà pas moins de 2300 Km de câbles FO qui passent sur les pylônes à haute tension et ce, pour ses propres besoins. «Mais malgré cet excédent de capacité, les opérateurs n’ont loué jusqu’à présent qu’une seule liaison», a déclaré M. Hammami qui, par la même occasion, a vanté les mérites du réseau de la STEG à faciliter le passage de la FO jusqu’à la maison de l’abonné grâce aux câbles électriques installés dans les quartiers.
En plus clair : Avec Tunisie Telecom, la SNCFT et la STEG il n’y a même pas de problème à avoir un backbone solide partout en Tunisie. Mieux encore : le passage de la FO jusqu’aux maisons semble être beaucoup plus abordable qu’on puisse l’imaginer.
Presentation de Sihem Trabelsi de l’INT
Donc les vrais enjeux de la FO en Tunisie, ce n’est pas la technologie, mais plutôt sa gouvernance. «Les benchmarks internationaux ont prouvé que les pays qui ont convenablement encadré le partage des infrastructures en fibre optique sont ceux qui ont les taux de pénétration du haut débit les plus élevés», a fait remarquer à juste titre Sihem Trabelsi, Chef du département QoS et Internet chez l’INT. Le mot d’ordre a été donc donné : Il faut partager l’infrastructure.
Mais le marché va-t-il adhérer à cette stratégie de déploiement de la fibre optique ? Pas si sûr…
D’après les statistiques du mois de septembre de l’INT, presque 70% des abonnements Internet en Tunisie sont de 2 Méga malgré la disponibilité du 20 Mb/s. Ce que nous pouvons en déduire, c’est que le marché a tendance à dépenser le moins cher possible pour se connecter à Internet et ce, en choisissant l’offre entrée de gamme qui est de 2 Mb/s. Certes il y en a encore qui sont à 1 Mb/s et 512 Kb/s. Mais ces abonnements sont ceux de lignes très éloignées qui ne peuvent supporter la migration vers un débit supérieur. Par extrapolation : tant que le marché ne sent pas le besoin d’avoir un débit supérieur, surtout avec la compétition du Smartphone et des connexions 3G mobiles, il est difficile que le Tunisien opte pour la FO même si elle est disponible chez lui.
Et c’est là le point crucial du développement du très haut débit en Tunisie que l’INT a réussi intelligemment à prouver lors de ce Workshop. «Le taux d’analphabétisme de la population tunisienne est fortement variable et est fonction de la localisation géographique avec une moyenne nationale égale à 25 %», a rajouté Sihem Trabelsi durant sa présentation (disponible sur ce lien).
Certes, que 55% de la population tunisienne est concentrée dans les régions côtières (dont 25% sur le Grand Tunis) et que cette forte concentration est un atout pour optimiser les coûts de déploiement du très haut débit, mais cet investissement risque de devenir un gâchis.
Pourquoi ? Parce que sans créer le besoin derrière, surtout avec ce taux élevé d’analphabétisme de la population, il y a un fort risque que la consommation du Net se limite encore une fois à du Youtube et du facebook. C’est à dire des services qui peuvent être accessibles d’une simple connexion ADSL ou, voire même, d’une simple couverture 3G.
Sans une vraie stratégie digitale nationale, le plan national de déploiement de la fibre optique en Tunisie (que le Banque Mondiale est sur le point de financer) sera un ratage assuré.
Welid Naffati
NB: Toutes les présentations du Workshop sont disponibles sur le site de l’INT.
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