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L’assassinat de Belaid vu par les facebookeurs d’Ennahdha : Minables ? Vous avez dit minables ?

L’assassinat de Belaid vu par les facebookeurs d’Ennahdha : Minables ? Vous avez dit minables ?

Ce titre tiré de la lettre de Gérard Depardieu à Jean Marc Ayrault exprime pleinement le ridicule et l’irresponsabilité des community managers d’Ennahdha. Des jeunes boutonneux à qui la culture politique manque cruellement et pour qui l’avenir du pays ressemble à un match de foot où ils jouent le rôle des hooligans…

L’assassinat de Belaid vu par les facebookeurs d’Ennahdha : Minables ? Vous avez dit minables ?Ce titre tiré de la lettre de Gérard Depardieu à Jean Marc Ayrault exprime pleinement le ridicule et l’irresponsabilité des community managers d’Ennahdha. Des jeunes boutonneux à qui la culture politique manque cruellement et pour qui l’avenir du pays ressemble à un match de foot où ils jouent le rôle des hooligans. 

Mercredi 6 février, le Secrétaire Général du Mouvement des Patriotes Démocrates (MPD, Al Watad) et leader du Front populaire, Chokri Belaid, a été tué par 4 balles dont deux à la tête, devant sa demeure vers 8h15 du matin. Ce crime politique survient après des séries de menaces proférées contre sa personne, et tous les opposants à Ennahdha en général.

Depuis hier, les principales figures politiques du pays se sont succédées sur les plateaux télé et radio pour déclarer que le niveau des menaces est monté d’un cran la semaine dernière prévoyant un passage imminent à la liquidation physique par des groupes de sympathisants d’Ennahdha. Le frère de Chokri Belaid, Lotfi, a même déclaré, mercredi, en direct sur radio Mosaïque, que le président provisoire de la République, Moncef Marouki, a appelé le défunt pour le prévenir que sa vie aurait été en danger, lui proposant de mettre à sa disposition des éléments de la garde présidentielle. 

On peut faire un rapprochement entre ces déclarations et l’activité, au cours des derniers jours, des pages facebook à la solde du parti islamiste. Les tristement célèbres Ligues de Protection de la Révolution (LPR) – un ramassis d’opportunistes, d’anciens RCDistes (ex-parti au pouvoir de Ben Ali) reconvertis en islamistes barbus, et des délinquants cherchant l’immunité en se mettant au service d’Ennahdha -, ont, en effet, publié un statut annonçant clairement des actions concrètes contre «l’opposition qui met les bâtons dans les roues (d’Ennahdha, ndlr)» pour «la semaine prochaine». C’était dimanche dernier.

Les menaces de la page facebook des Ligues de Protection de la Révolution

Mais comme le ridicule ne tue pas, cette même page a publié, quelques heures après la mort de Chokri Belaid, un «Communiqué de la LPR branche de Sfax après la tragédie qui a frappé tout le peuple tunisien suite à l’assassinat de Chokri Belaïd, que Dieu lui accorde sa miséricorde» (sic !). Hypocrites, dîtes-vous ?

Revirement du discours de la page facebook de la LPR

Et les statuts se sont par la suite succédés pour tenter d’innocenter aux yeux de l’opinion publique, du moins sur facebook, les LPR de ce crime. Et on y lit de tout : des accusations directes contre Beji Caid Essebsi (président de Nidaa Tounes, parti laïc exécré par les islamistes) d’être le commanditaire de cet acte pour que le peuple se retourne contre Ennahdha (sic !), puis des affirmations que ce sont des parties étrangères qui en sont responsables. Tantôt c’est le Mossad, tantôt les Etats Unis, tantôt c’est le service de renseignements français. 

Clairement dans un état de panique, les Nahdhaouis sur facebook auront le chic pour toucher le fond et pour continuer à creuser. Ils finiront, en effet, par affirmer avec conviction que c’est la France qui est derrière l’assassinat de Chokri Belaid car «le président François Hollande a condamné l’acte à peine quelques minutes après l’annonce de sa mort». Visiblement, chez quelques nahdhaouis, on croit encore que les réseaux diplomatiques communiquent par courrier postal !

Des pages nahdhaouis accusent la France d'être derrière l'assassinat

Et c’est alors qu’une campagne d’attaques a été menée contre la chaine France 24 la traitant de chaine «antirévolutionnaire qui cherche à déstabiliser le pays». Et ne cherchez pas à trouver, dans la liste «des médias de la honte», Al Jazeera, qui interrompit sa diffusion en direct de Tunis de la conférence de presse du Front populaire où Hamma Hammami accusait le gouvernement, et Ennahadha en particulier, d’être les responsables directs de ce crime.

D’autres pages proches du mouvement salafiste radical ont, par contre, «fêté» l’événement comme une «ghazoua» (conquête). Tuer le «mécréant» Chokri Belaid était pour eux une bonne nouvelle pour commencer la journée. 

Cette bassesse d’esprit n’a pas seulement touché quelques admins de page facebook. Des personnes sur les réseaux sociaux ont en effet exprimé leur indignation en voyant des collègues nahdhaouis/salafistes au bureau tentant de justifier un acte aussi ignoble. En voyant les dizaines de milliers de Tunisiens sortir spontanément dans la rue dans toutes les régions du pays, ils ont fait un revirement dans leur déclaration appelant à leur tour à l’union nationale.

Plus tard dans la journée, quelques pages nahdhaouies ont continué à délirer. Elles affirment, par exemple, que la mort du policier dans les affrontements d’hier après-midi au centre ville de Tunis est un véritable acte terroriste, plus grave que l’assassinat par balle de Chokri Belaid. Puis ils s’attaquent pêle-mêle à Abou Yadh, le chef des djihadistes en Tunisie connu pour ses déclarations anti Ennahdha, puis à Beji Caid Essebsi, puis à Hamma Hammami puis à toute l’opposition et, enfin, aux «médias de la honte». 

Mais en début de soirée, c’est une autre personne qui s’est attirée les foudres de ces pages nahdhaouis, dont une partie est sous le contrôle direct d’un membre de ce parti puisqu’il sévit au cabinet de Samir Dilou, ministre des Droits de l’Homme. Le chef du gouvernement Hammadi Jebali a en effet subi une attaque très virulente de la part des pages «Les jeunes du mouvement Ennahdha sur facebook», qui ont appelé à sa démission, l’accusant d’être à la solde de l’opposition et de… Kamal Eltaief. Le fameux «gouvernement de l’ombre». 

Ils appelleront même à la nomination de Lotfi Zitoun, gendre de Rached Ghannouchi et l’un de ses acolytes, à la place de Jebali. 

Le discours de Jebali a eu le mérite, donc, de faire éclater au grand jour la division au sein d’un mouvement qui a su garder une unité de façade, jusque-là exemplaire. La page «Les jeunes d’Ennahdha sur facebook à El Mourouj» en est la preuve puisqu’ils ont appelé à soutenir le président du gouvernement et à privilégier l’intérêt général sur les petits calculs politiques.

Son «crime» ? Annoncer la dissolution du gouvernement pour en former un autre constitué de technocrates. «Je n’ai consulté aucun parti politique (même Ennahdha, ndlr)», a-t-il déclaré. L’aveu est clair : ce gouvernement a échoué et il ne veut plus se soumettre aux caprices de l’aile radicale de son parti qui veut avoir la mainmise sur tous les rouages de l’Etat.

Le parti islamiste Ennahdha est divisé : les modérés qui ont le sens de l’intérêt de la patrie (Jebali, Dilou, etc.) et l’aile dure (Ghannouchi, Ellouze, Mekki, etc.) dont le seul but est d’installer un régime théocratique. 

Les messages d’intimidation envers des journalistes, les discours haineux créant la discorde entre les Tunisiens et les menaces de mort contre les opposants (et qui se sont soldées par la liquidation physique de Chokri Belaid) étaient constamment utilisés par cette dernière frange d’Ennahdha, dans le but de créer la diversion et de maintenir un climat de terreur. Après tout, si Ben Ali a réussi à gouverner le pays pendant 23 ans d’une main de fer, c’est grâce à la peur qu’il inspirait aux Tunisiens. 

Mais la sortie aussi spontanée que spectaculaire de dizaine de milliers de Tunisiens dans la rue a été une gifle pour cette aile dure. Le message était clair : les Tunisiens sont indignés de cet acte abject et révoltés contre la complaisance d’Ennahdha envers ceux qui menacent la paix en Tunisie.

Le journaliste français Benoît Delmas a déclaré sur Twitter que, selon ses sources, Rached Ghannouchi se sent «perdu» après cette escalade de violence. A force de jouer avec le feu, Ennahdha a fini par tomber dans son propre piège.

Les petits calculs politiques du président du mouvement islamiste pour barrer la route au retour des RCDistes tout en renforçant sa mainmise sur l’Etat a eu l’effet inverse. Hier, un nombre considérable de facebookeurs tunisiens ont commencé à publier des messages d’excuse au RCD et à Ben Ali car, selon eux, ils étaient les seuls à avoir saisi le vrai danger des islamistes. 

Sur RTL et dans l’émission de Marc-Olivier Fogiel, ce dernier a demandé à Basma Khalfaoui, la femme du défunt, si elle regrettait Ben Ali. «Non je ne le regrette pas. Mais c’est à cause de lui qu’on en est là», a-t-elle répondu. Une réponse qui a fait le buzz sur facebook et twitter : «Seule ‘‘satisfaction’’ de la journée : savoir que l’on appartient au même pays que la grande Besma Khalfaoui, merci Madame», ont commenté quelques uns.

Welid Naffati

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