La situation se détériore chaque jour un peu plus chez Tunisiana. La tension entre les salariés et la direction générale est passée à un stade supérieur cette semaine. Ca a commencé par le licenciement d’un chef de service du département juridique. Une décision que le syndicat a jugé abusive. Mais c’est finalement la position ambiguë du DG de Tunisiana, Ken Campbell, sur l’externalisation de plusieurs services de l’opérateur qui a jeté de l’huile sur le feu.
La situation se détériore chaque jour un peu plus chez Tunisiana. La tension entre les salariés et la direction générale est passée à un stade supérieur cette semaine. Ca a commencé par le licenciement d’un chef de service du département juridique. Une décision que le syndicat a jugé abusive. Mais c’est finalement la position ambiguë du DG de Tunisiana, Ken Campbell, sur l’externalisation de plusieurs services de l’opérateur qui a jeté de l’huile sur le feu.
«De jour en jour, nous constatons un volume assez important d’informations (réorganisation et éventuels projets) qui menacent frontalement l’existence des postes de travail au sein de Tunisiana», lit-on sur un communiqué interne du syndicat. «La sous-traitance fait surface de nouveau ; cette fois-ci au sein de la Direction Service Client. Information confirmée lors des workshops «engagement Survey». Nous avons eu auparavant des garanties de la direction générale principalement sur ce sujet (la sous-traitance de la partie maintenance au sein de la Direction Technique). Accord non signé par l’employeur à ce jour. Chose qui nous fait revenir au premier carré : l’établissement du climat de confiance».
La source de toutes ces rumeurs : une batterie de mesures qui auraient été prises il y a quelques mois lors d’un conseil d’administration. Depuis, les bruits de couloirs enflent. Surtout devant le silence religieux de la direction. Mais quelles seraient ces mesures capables de créer de telles polémiques ? Réduire les coûts tout en maximisant les revenus pour avoir la plus grande marge. Le but ? Maximiser les bénéfices nets de la maison mère de Tunisiana : ooredoo (ex- Qatar Telecom). Et pourquoi pas, revendre Tunisiana au prix fort, après ça.
Eviter le scénario algérien de Djezzy
Il semblerait, en effet, que ooredoo (Qatar Telecom) est en train de prendre ses précautions dès maintenant pour éviter un scénario semblable à celui de Djezzy en Algérie (blocage de sortie des dividendes, droit de préemption de l’Etat, succession de redressements fiscaux, etc.). Et à la vue de ce qui se passe sur la scène politique tunisienne et régionale, ce scénario n’est plus chimérique.
Il y a quelques mois, des directeurs de Tunisiana nous ont avoué, sous le seau du secret, que le conseil d’administration table, sur un plus long terme, sur externaliser le département de maintenance du réseau à une ou plusieurs entreprises Offshore (spécialement créées pour l’occasion ?). Un moyen subterfuge pour éviter, vraisemblablement, les éventuels blocages dans les sorties des dividendes vers le Qatar. Chose qui s’est déjà passée cette année avec la Banque Centrale de Tunisie (BCT) à cause d’une chute dans les réserves de devises. Au point que le CEO du groupe ooredoo (Qtel), Nasser Marafih, s’est déplacé en personne à Tunis, en mai dernier. Il a assisté, par la même occasion, à la signature de la convention entre Tunisiana et Orange pour le déploiement du câble sous-marin Didon.
«TT nous devance sur tout le reste»
Tunisiana voit grand. Très grand ! Casser Tunisie Telecom est l’objectif premier de la boite. Et nous l’avons déjà clairement expliqué dans un précédent article sur THD. Mais voilà que les choses inavouées deviennent officielles avec un mail interne envoyé par Ken Campbell à son staff : «Notre vision : Etre le premier opérateur global de télécommunications en Tunisie ! Nous sommes certes leader dans le secteur du mobile avec 55% de parts de marché mais TT nous devance largement pour tout le reste. L’annonce faite la semaine dernière et concernant la création d’une Unité «Business Market (B2B)» permettra de cibler d’une manière plus pointue ce segment et de mettre l’accent sur les solutions B2B. L’investissement qu’on a récemment fait pour la fibre montre que nous sommes persuadés de l’existence de véritables opportunités pour notre entreprise.
Pour ce qui est de notre stratégie, elle s’articule autour de 3 axes :
a. Offrir la meilleure expérience client – La règle est simple : Un bon service = clients satisfaits = clients réguliers = bons résultats
b. Développer notre cœur de métier – En mettant en place des opérations plus efficaces
c. Concevoir de nouvelles opportunités de développement – Fibre optique, téléphonie fixe, services Business, paiements mobiles… Les opportunités existent, il faut juste travailler pour les mettre en place.
Notre activité de base doit être renforcée. Par conséquent, nous envisageons des moyens d’avoir une structure de coûts améliorés, gérer les fluctuations des volumes d’appels et de réduire les dépenses sur un centre d’appel unique».
Voilà, le mot a été dit : Avoir une structure de coûts améliorés. Même si le DG de Tunisiana martèlera jusqu’à la fin de son mail que le staff de Tunisiana est solide et indispensable, il jouera, tout de même, sur les mots en annonçant que l’externalisation reste une des options à étudier pour arriver aux objectifs de l’entreprise.
Brassard rouge et préavis de grève
En signant la licence du fixe et de la 3G, Tunisiana s’est pourtant engagé auprès de l’Etat à recruter encore plus pour accompagner l’expansion de l’entreprise. Reste à savoir si cet engagement concerne l’emploi direct ou indirect. Qu’à cela ne tienne ! Les salariés de l’opérateur ne comptent pas rester les bras croisés. Pour le syndicat, hors de question de réduire les coûts aux dépens des ressources humaines. Surtout que la situation financière de l’entreprise est plus solide que jamais. Faut-il encore rappeler que Tunisiana a le coût de la minute d’appel le plus bas du marché (lire notre article)?
Le syndicat a demandé à ses salariés -notamment du service client- de porter, dès aujourd’hui 20 septembre, un brassard rouge en signe de contestation et un préavis de grève serait en gestation.
Après son bras de fer (déjà perdu) avec le régulateur et le ministère sur le prochain décret au sujet des opérateurs dominants, Ken Campbell réussira-t-il, du moins, à désamorcer la crise interne qui se pointe à l’horizon ?
Welid Naffati
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