Le ministère des Technologies de l’Information et de la communication n’arrête pas de pousser vers l’avant la réforme du secteur des télécoms en Tunisie. Grâce à quoi ? Grâce notamment au nouveau code des télécoms. Ce dernier va donner en effet plus d’indépendance au régulateur permettant de restructurer l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) qui deviendra ainsi un opérateur neutre d’Internet. Le but ultime ? Eviter toute mainmise de l’exécutif sur les TIC en Tunisie. Mais l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) tarde à adopter ce nouveau code des télécoms. Lors de son passage dans les commissions, quelques députés se sont interrogés sur la possibilité de censurer le contenu pornographique sur la Toile.
Force est de constater que quelques-uns de nos Constituants ne voient en Internet que Facebook et… le porno. D’autres en revanche y voient des menaces contre la sécurité du pays. Dans un sens, cette dernière frange de députés voit juste. Quand cela se limite aux crimes tels que le harcèlement ou le piratage des comptes. Car la cyber-criminalité manque encore de statut juridique clair. Pour preuve, jusqu’au jour d’aujourd’hui, chaque fois qu’il y a enquête d’un tribunal au sujet d’un crime commis via Internet, le juge envoie une réquisition, soit à l’Agence Nationale de la Sécurité Informatique (ANSI) soit à l’ATI. Mais aucune garantie n’est possible sur le respect de ces deux agences des données privées.
Un citoyen se plaint de Facebook auprès de l’INT
Le 6 septembre dernier, un Tunisien s’est plaint auprès de l’Instance Nationale des Télécommunications (INT) sur l’usurpation de son identité sur Facebook. Mais le régulateur a rejeté la plainte se jugeant incompétent pour «statuer sur les requêtes portées par les personnes physiques».
Cette affaire démontre bien que le citoyen tunisien, ainsi que le tribunal, ne savent pas à quelle entité s’adresser pour statuer sur les sujets de cyber-criminalité. La création d’une police du Net pour ce genre d’affaires est donc devenue une nécessité. A condition qu’elle soit sous le contrôle direct d’instances indépendantes telles que l’Instance nationale de protection des données à caractère personnel (Inpdcp).
Encore faut-il que le cadre juridique délimite clairement les responsabilités et les champs d’actions de cette cyber-police pour éviter les dérives et laisser ainsi la porte grande ouverte au retour de Ammar 404.
Montrer patte blanche
Mais peut-on réellement faire confiance au ministère dans la création d’une telle entité avec un gouvernement qui refuse de nettoyer le système de la corruption et nous révéler les noms de ceux qui se cachaient derrière Ammar 404 ? Quelques défenseurs de la Net Neutrality et des professionnels de l’Internet ont alors demandé au ministère des TIC d’organiser en urgence un IGF national (lire notre article pour mieux comprendre son rôle).
Malheureusement, la société civile a brillé par son absence pendant que des représentants des ministères, notamment ceux de l’Intérieur, ont répondu présents à l’appel. Une mauvaise surprise qui a poussé le ministère des TIC à retarder la formation de l’IGF national, le temps de mobiliser la société civile.
Depuis des mois, le ministère des Technologies de l’information et de la communication tente de montrer patte blanche et multiplie les initiatives pour enterrer définitivement Ammar 404. Son travail se trouve, d’un côté, entaché par les scandales et les bourdes des autres ministères, et bloqué par la lenteur de l’ANC de l’autre côté. Mais maintenant, c’est carrément la société civile qui désavoue le ministère.
Zitoun, le nouveau Abdelwahab Abdallah des médias
Si les dernières nominations à la tête des médias publics d’anciens serviteurs zélés de Ben Ali montrent une chose, c’est qu’ils prouvent la volonté d’Ennahdha à contrôler la liberté de l’expression dans les mass medias pour qu’ils deviennent des supports de propagande. Comme le faisait exactement le RCD.
Et c’est Lotfi Zitoun, ministre conseiller de Hammadi Jebali, qui s’est chargé de ce travail de basse besogne. Cet enfant choyé du chef spirituel d’Ennahdha est bien déterminé à suivre les pas de Abdelwahab Abdallah pour garantir à son parti la réussite aux prochaines élections. Et malgré les critiques qu’il essuie de son propre camp, Zitoun continue à imposer ses décisions… même sur le Premier ministre.
Jusqu’au jour d’aujourd’hui, l’enfant rebelle du gouvernement multiplie les tentatives de museler les médias. Si jusqu’à présent Zitoun s’est focalisé sur la télé, la radio et la presse imprimée, on ne s’étonnera guère de le voir prochainement chercher à museler la voix libre sur le Net. Exactement comme l’a fait son prédécesseur Abdelwahab Abdallah.
Non Ammar 404 n’est pas mort. Il peut revenir à n’importe quel moment sous la forme de Zitoun 404. Mais cette fois-ci, avec la complicité… de la société civile tunisienne.
Welid Naffati
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