La moyenne annuelle des compétences tunisiennes qui quittent la Tunisie, en particulier les ingénieurs, ne cesse d’augmenter. Chaque année depuis 2014, entre 2500 à 3000 ingénieurs et architectes sont partis à l’étranger, estime une étude* élaborée par l’Économiste maghrébin et le Bureau ADVI-Consulting pour le compte de la Fondation Friedrich-Naumann pour la Liberté.
Sur un total de 10000 départs environ jusqu’à 2018, les ingénieurs en informatique et TIC – expérimentés et fraîchement diplômés – sont ceux qui ont été le plus sollicités, selon la même étude.
Cité dans l’étude, le secrétaire général de l’Ordre des ingénieurs, Oussema Kheriji, a precisé que les ingénieurs en informatique étaient la catégorie la plus touchée par ce phénomène d’immigration économique.
La présidente de TACT, Neila Ben Zina, a, elle, affirmé que la fuite des cerveaux ne concernait au début que les ingénieurs expérimentés mais s’est étendue « ces dernières années, aux diplômés de certaines universités à peine sortis d’école pour des stages à l’étranger ou pour carrément des postes en CDI».
Les motifs ? Tant économiques que sociaux-culturels. Depuis 2011, la Tunisie traverse une conjoncture due aux changements politiques dans le pays et la baisse des investissements. « La glissade du dinar, la détérioration du pouvoir d’achat et des fondamentaux macroéconomiques qui se détériorent d’année en année ont été à l’origine d’un manque d’attractivité de la Tunisie », lit-on dans l’étude.
A la situation économique chaotique s’ajoutent « l’intolérance qui se traduit dans les cas extrêmes par de la violence » et « une faible rémunération » accentuée par « un sentiment de manque de valorisation et de non-estime». Selon la même étude les ingénieurs ont expliqué le manque de valorisation par l’absence « d’une logique de bâtir une économie de savoir et de l’innovation ».
Alors que la Tunisie devient de plus en plus répulsive, «les pays d’accueil offrent des opportunités de travail et des environnements de vie et de travail très favorables ». L’Amérique du Nord et l’Europe, notamment la France et l’Allemagne, sont les detinations les plus prisées.
Ce choix s’explique, selon la meme etude, « par les liens forts entretenus par la Tunisie avec les régions de l’Europe et d’Amérique du Nord, leur niveau technologiquement avancé, la proximité géographique (surtout avec l’Europe) et les meilleures conditions de vie promises aux cadres tunisiens ».
« Toutefois, la migration des cadres et/ou ingénieurs en informatique obéit, elle, à un besoin mondial fort signicatif et à un moindre biais culturel ».
Outre les motifs de la fuite des compétences tunisiennes vers l’étranger, l’étude élaborée par l’Économiste maghrébin et le Bureau ADVI-Consulting pour le compte de la Fondation Friedrich-Naumann pour la Liberté, a exposé un ensemble de recommandations axées, en particulier, autour du rôle de l’Etat pour réduire ce flux migratoire.
« L’intervention de l’Etat doit couvrir plusieurs volets; amélioration des conditions salariales en valorisant les traitements des ingénieurs dans les ministères et établissements publics (…), intervention à travers des lois et des conventions pour mieux protéger les ingénieurs travaillant dans le privé, valorization de l’économie de savoir et de connaissance et le développement des filières stratégiques telles que l’informatique ».
* L’étude couvre le départ à l’étranger des compétences tunisiennes, notamment les médecins, les chercheurs, les universitaires et les ingénieurs. Pour consulter l’étude en entier, veuillez cliquer ici.
Nadya Jennene