Elle a 23 ans. Elle est ingénieur informatique. Ancienne gameuse, elle est l’une des premières filles à s’intéresser aux jeux vidéos en Tunisie. Son jeu préféré est Counter Strike. Son arme favorite est le M4. Elle s’appelle Emna Zayani, aka (also know as) «Bunny». Invitée de DigiClub pour son 24e épisode, elle nous raconte comment elle a atterri dans le monde très masculin du gaming.
Tout a commencé alors qu’elle n’avait que 12 ans. Son frère, fan des jeux vidéos l’a introduit à ce monde où elle a su se frayer un chemin et se faire une place parmi les garçons.
«À chaque fois que je voyais mon frère s’installer devant son écran, je me précipitais à faire de même. J’étais fasciné par les jeux auxquels il jouait, en particulier Counter Strike. Après quelques tentatives, il a accepté de m’apprendre à jouer. Probablement, parce qu’il voyait en moi le frère qu’il n’a jamais eu. Cela a d’ailleurs créé une grande complicité entre nous et j’ai commencé à le suivre partout, même au publinet (centre public d’Internet, NDSLR) ou nous pouvions nous adonner corps et âme à notre passion commune : les jeux vidéos».
Cette passion n’a cessé de grandir et Emna a pu se lier d’amitié avec d’autres gameuses qui fréquentaient la même publinet. Ce petit groupe d’enfants gameuses avait d’ailleurs suscité autant la curiosité du public que ses encouragements. Touché par leurs talents, le propriétaire du publinet les a emmenées à leur premier tournoi de gaming : la coupe de Tunisie des jeux vidéos dans sa toute première édition en 2005.
«Un jour le propriétaire du publinet est venu nous voir, nous donna des Tshirt et nous emmena aux berges du lac. Nous avions formé une équipe, mais nous ne savions pas exactement ce que nous étions venues faire parmi des centaines de personnes. Ce fut la grande surprise quand nous avons appris la nouvelle. Il s’agissait d’une compétition nationale dont les gagnants seront qualifiés pour un tournoi international. Nous étions fascinées, mais nous avons joué le jeu. Nous avons affronté des garçons et remporté un match parmi trois. Nous avons même été interviewées par les médias venus nombreux. Ce fut un moment magique».
Emna Zayani (à gauche) en compagnie de “Cerise” et “Spout”
Après ce tournoi, Emna a dû quitter la Tunisie et s’envoler vers les Émirats Arabes Unis. Elle continua donc à jouer en ligne jusqu’à son retour en 2008 pour participer au tournoi national pour la deuxième fois.
«J’ai tenté à plusieurs reprises de convaincre mes parents de retourner en Tunisie pour participer aux compétitions de gaming mais compte tenu de mon jeune âge, ils me le refusaient à chaque fois. Ce n’est qu’en 2008, alors que mon frère rentrait en Tunisie pour participer avec son équipe “Winners” au tournoi national – qu’il a remporté d’ailleurs — que mes parents ont autorisé ma participation. Je suis donc rentrée en Tunisie deux mois avant la compétition et j’ai pu retrouver les membres de mon équipe ainsi que de nouvelles gameuses. Nous avions à l’époque préparé notre stratégie et participé au tournoi, mais vu que le niveau des garçons était supérieur au nôtre et qu’il n’y avait pas de section pour les filles, nous avons perdu… L’échec était amer, mais nous étions fières d’avoir les encouragements du ministre de la Jeunesse en personne ! »
Emna a continué à nourrir son amour pour les jeux vidéo en y jouant en ligne et ce, jusqu’à l’obtention de son diplôme d’ingénieur. Elle a dû, en effet, mettre sa passion en veille pour se consacrer à sa carrière professionnelle et espère que les générations de gameurs actuelles et futures puissent porter haut le gaming et l’encourager davantage en Tunisie.
«En comparaison avec l’étranger, le nombre de gameuses en Tunisie est très réduit. En 2013 nous n’étions qu’une vingtaine. Nos tournois comportent d’ailleurs une seule catégorie, celle pour les garçons. Nous n’avons pas de section pour les filles comme c’est le cas à l’international. Même en terme de gaming party, ça se passe différemment. Les garçons organisent beaucoup de “tournois privés”, mais pas les filles. Cette tendance demeure récente et se fait de manière restreinte entre amis», a-t-elle conclu.
Pour écouter l’interview au complet, rendez-vous sur ce lien.
Nadya Jennene