L’Instance Nationale des Télécommunications (INT) est l’organe de régulation du secteur des télécoms en Tunisie. Au carrefour de tous les opérateurs et fournisseurs d’accès Internet, l’INT tente de rester équidistante de chacun d’eux pour établir une concurrence saine et loyale tout en assurant le développement du secteur des télécoms. Entre injonctions, mises en demeures et amendes, le régulateur est plus qu’un policier des opérateurs, c’est carrément un tribunal de première instance spécialisé dans les télécoms. Et ses décisions, parfois tranchantes, ne sont pas tout le temps bien accueillies au point d’être contestées auprès du tribunal administratif ou parfois sabotées.
L’Instance Nationale des Télécommunications (INT) est l’organe de régulation du secteur des télécoms en Tunisie. Au carrefour de tous les opérateurs et fournisseurs d’accès Internet, l’INT tente de rester équidistante de chacun d’eux pour établir une concurrence saine et loyale tout en assurant le développement du secteur des télécoms. Entre injonctions, mises en demeures et amendes, le régulateur est plus qu’un policier des opérateurs, c’est carrément un tribunal de première instance spécialisé dans les télécoms. Et ses décisions, parfois tranchantes, ne sont pas tout le temps bien accueillies au point d’être contestées auprès du tribunal administratif ou parfois sabotées.
Pendant que les dossiers urgents sont toujours en instance ou avancent très doucement devant cette grande réticence, le ministère des TIC de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique a opéré un changement à la tête de cette instance en récupérant son PDG Kamal Saadaoui comme coordinateur général entre les départements TIC du ministère (une sorte de chef de cabinet dédié aux TIC) et a mis à sa place Hichem Besbas, enseignant chercheur et membre du collège de l’INT. Ayant participé à pratiquement toutes les décisions du régulateur et étant connaisseur du secteur des télécoms (Sup’Com, labos de recherches sur les technologies de communications, etc.), les attentes sont grandes, que ce soit du ministère ou des opérateurs, pour que le nouveau PDG mette de l’ordre au plus vite dans cette jungle. Surtout que pendant la période de transition entre les deux présidents, beaucoup d’acteurs ont lancé des promos à tour de bras, notamment Tunisiana avant son début de rebranding vers ooredoo en communiquant dessus exclusivement via SMS.
Après plus d’un mois à la tête de l’INT, quelles sont les premières actions de Hichem Besbas et quelle stratégie compte-t-il adopter pour réguler le secteur des télécommunications en Tunisie ? Interview.
Le nouveau PDG de l’INT, Hichem Besbas
THD : l’INT a décrété une baisse échelonnée du prix de la terminaison d’appel qui va certainement avoir un impact sur le tarif final de la communication téléphonique. Et pourtant, on voit encore une différence des prix de la minute entre opérateurs, voire même entre les différentes offres d’un même opérateur.
Hichem Besbas : Nous sommes conscients de ça et c’est pourquoi nous avons décidé qu’à partir du 1 juillet 2014, tous les opérateurs seront appelés à harmoniser leurs prix d’appel intra-réseau avec ceux d’inter-réseaux. Pour ceux qui ne l’ont pas déjà fait et pour ne pas brusquer le marché, cette action se fera progressivement pour se terminer en fin 2015.
En attendant, et comme mesure immédiate, tous les bonus sur consommation, comme ceux à la recharge, devront désormais être utilisables vers tous les numéros nationaux (Off Net, ndlr) et non plus vers le numéro du même opérateur (On Net, ndlr). Car ceci ne fait que pousser les gens à utiliser plusieurs SIM à la fois.
Le consommateur ne doit plus être piégé par un tel procédé. Il y a des personnes qui perdent leur bonus car ils n’appellent pas souvent les numéros du même réseau. Ils doivent avoir la liberté de consommer ce bonus comme bon leur semble en appelant n’importe quel numéro national.
Est-ce dans le but de préparer le terrain à la portabilité ?
Il est clair que ceci va aussi faciliter l’application de la portabilité. Le client n’aura plus à se soucier du tarif qu’il va appeler puisque les préfixes 7, 3, 9, 2 et 5 ne seront plus indicatifs des opérateurs.
Et ce projet de portabilité est d’une grande importance car le numéro de téléphone est devenu maintenant une sorte d’ID personnel, voire même une patente de travail. Combien de professionnels, et surtout ceux de la profession libérale, qui utilisent leur téléphone comme un outil de travail. Le plombier, par exemple, est condamné à garder son opérateur même s’il est insatisfait du service juste pour que ses clients puissent le contacter.
Garder son numéro de téléphone est devenu, donc, un droit dont chaque citoyen doit pouvoir bénéficier.
Et pourtant, les opérateurs semblent être contre cette idée puisque l’un d’eux a gagné son procès pour arrêter en urgence la portabilité.
En fait, ce qui s’est passé, c’est que le tribunal administratif a donné raison à Tunisie Telecom sur la portabilité des numéros fixes. L’opérateur historique souhaite, en effet, revoir le calendrier car il n’est pas prêt techniquement. TT est en train de migrer son réseau fixe vers un nouveau type de réseau plus moderne appelé NGN. Or, c’est avec ces NGN que la portabilité pourrait se faire.
Mais du côté de la portabilité des numéros mobiles, aucun des 3 opérateurs n’a arrêté le travail pour être prêt au jour J.
Doit-on comprendre, donc, que la portabilité des numéros, du moins sur le mobile, sera effective en juin prochain comme ça a été déjà programmé ?
Probablement pas. Car ce jugement du tribunal administratif n’a pas spécifié l’arrêt de la portabilité sur le fixe. C’est l’entrée en vigueur de tout le projet qui a été, de ce fait, arrêtée. Nous devons, donc, nous mettre de nouveau autour de la table pour fixer les nouveaux délais de lancement de la portabilité en Tunisie.
Quid du dégroupage ?
Les opérateurs contestent le prix de gros qu’a proposé Tunisie Telecom. Ce tarif est en effet plus cher que le prix de détail que commercialise l’opérateur historique sur l’ADSL. De ce fait, les offres d’ADSL dégroupées d’Orange et de ooredoo (ex Tunisiana, ndlr) ne peuvent être plus compétitives.
De son côté, Tunisie Telecom affirme que c’est avec ce prix qu’elle peut trouver son équilibre financier sans le rééquilibrage tarifaire (lire cet article pour mieux comprendre, ndlr).
Mais Orange a déjà commencé le travail sur le dégroupage de quelques NRA de Tunisie Telecom. Or ce dégroupage pourra prendre du temps car il y a un travail d’aménagement préalable qui doit se faire par TT sur les NRA demandés. Or ce qu’on doit éviter, c’est que Orange et ooredoo choisissent le dégroupage des NRA où il y a beaucoup de clients potentiels (les quartiers chics, les zones d’affaires, etc., ndlr) aux dépens des zones les plus défavorisées pour cause de rentabilité. Ceci va, en effet, augmenter les inégalités entre les régions et la fracture numérique.
Et quelle est la solution dans ce cas ?
L’INT a fait une demande auprès du ministère des TIC, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour que le fond des télécoms (lire ici pour comprendre ce qu’est le fond télécoms, ndlr) subventionne, en faveur de Tunisie Telecom, une partie du prix de gros afin de le réduire considérablement.
Nous espérons, ainsi, raviver l’utilisation du fixe qui est de plus en plus délaissé pour le compte du mobile. En créant du trafic dessus, nous pourrons estomper progressivement les pertes de TT sur le fixe et lever la subvention avec.
Pourquoi se focaliser sur le dégroupage pendant que plusieurs pays travaillent déjà sur la fibre optique ?
Nous y pensons. Et c’est déjà un des dossiers d’étude chez l’INT. Il faut mutualiser les infrastructures. On ne peut pas se trouver avec 3 fibres sur un même quartier et multiplier par 3 les travaux de génie civil. Il y a aussi les préparatifs pour la 4G et la couverture Internet dans les zones blanches. D’ailleurs, nous avons reçu une enveloppe de 8 millions de dinars du fond des télécoms pour mettre en place le service universel (depuis 2013, l’Internet a été rajouté dans le service universel tunisien avec un débit minimal de 128 Kb/s, ndlr). Mais on ne peut pas aujourd’hui, en 2014, encore parler du 128 kb/s comme du haut débit. Il faut absolument mutualiser les efforts pour qu’on offre un débit décent dans les zones rurales.
Propos recueillis par Welid Naffati
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