Après la publication de l’affiche officielle de la 24ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), beaucoup d’Internautes tunisiens ont manifesté leur profonde indignation. Ces derniers ont alors réagi en créant une page sur Facebook dans le but de proposer des affiches meilleures et au goût local.
L’affiche en question représentait la photo d’une femme africaine. Une photo qui, en réalité, appartient à un certain William Perugini, un photographe qui l’avait mise en vente dans la banque d’images Depositphotos, sous la référence #5337592.
Pour les besoins de l’évènement, le ministère de la Culture a photoshopé la photo en y rajoutant les boucles d’oreilles en forme de Tanit, symboles des JCC. Même la coupe de cheveux a été retouchée pour un look moins «rebelle». Une affiche jugée insultante pour les artistes, qui, d’après eux, peuvent faire beaucoup mieux tout en évitant au ministère d’acheter une image toute faite en devises et en ligne.
C’est pour cette raison que le célèbre photographe Hamideddine Bouali a créé un évènement sur Facebook intitulé «Contre l’affiche des JCC… car je peux mieux faire» afin d’encourager les jeunes à poster leurs créations.
«Les organisateurs des JCC ont commis une faute morale impardonnable en acceptant une affiche comportant une photo acquise dans une banque d’images génériques», nous déclare-t-il. «S’il s’agissait d’un dépliant d’une agence de voyages ou d’une société privée cela serait acceptable mais on parle ici d’une manifestation continentale prestigieuse».
Un recyclage indigne des JCC
«Comment se fait-il qu’un Festival de cinéma puisse autoriser que son visuel soit, non pas une création spécifique, mais une photographie qui a servi à d’autres utilisations ?», s’indigne M. Bouali.
D’après ce célèbre photographe, cet événement créé sur Facebook n’a pour but que de démontrer le talent des designers et photographes tunisiens. «Ils sont aussi créatifs que les autres (de l’étranger, ndlr)», affirme-t-il. «J’ai lancé un appel pour qu’ils conçoivent des idées de visuels pour les JCC d’ici le 11 novembre prochain. En postant leur photo, il doivent rajouter la mention suivante : “Si les responsables du Ministère de la Culture m’avaient sollicité j’aurais proposé cette affiche pour la 24e session, mais ils ont préféré de m’ignorer”».
M. Hamideddine nous a déclaré avoir trouvé du soutien pour cette initiative, notamment en la personne de Mahmoud Chalbi, directeur de la Galerie Aire-Libre, qui s’est porté volontaire pour organiser une exposition des affiches, mais aussi Wassim Ghozlani de Shutterparty qui a proposé de prendre à sa charge l’agrandissement des affiches, et enfin le site Radio-Théâtre qui devrait assurer la communication de l’évènement».
Mais cet événement a-t-il eu beaucoup de succès ? «Au 28 octobre, nous avons recensé pas moins d’une quarantaine d’affiches signées par une trentaine de personnes. Je pense qu’à la date limite d’envoi des affiches on en aura une bonne centaine».
Banaliser la bourde
«Dans un récent article paru dans le journal ‘La Presse’, on peut lire un long compte-rendu sur la transaction réalisée avec la banque d’images. Après la publication de cette mise au point, le choix du ministère devient encore plus incompréhensible. Pourquoi doit-on se rabattre sur des photographies génériques et standard, alors que les créatifs tunisiens, designers, photographes et autres concepteurs graphiques formés dans des institutions étatiques, ou privés, sont au chômage», s’est demandé M. Bouali. «Ces derniers sont en quête non seulement d’une commande mais d’une reconnaissance de leur savoir-faire. Il est révolu le temps où les justifications de ce genre pouvaient faire mouche. Le pire des réflexes est de cacher son incompétence, et ses choix erronés, par des argumentations pires que la faute commise».
Un buzz qui a atteint ses objectifs ? Pour M. Bouali, le but escompté n’est pas de changer telle ou telle affiche, mais uniquement de «montrer le savoir-faire des Tunisiens». Il ne se considère pas comme «un intermédiaire dans cette affaire, mais juste quelqu’un qui a montré du doigt une maladresse». Une maladresse qui a, néanmoins, eu le mérite de nous démontrer, sur facebook, la créativité et la beauté artistique de nos jeunes artistes tunisiens.
Seif Eddine Akkari