Le site du réseau LGBT tunisien fête en ce mois de mars sa première année d’existence. Pour bien célébrer le “succès’” de leur site, la communauté LGBT tunisienne vient de lancer sa web radio officielle sur le Net.
Mais au fait, sur quelle base a-t-on jugé que c’était un “succès” ? «Car nos audiences n’arrêtent pas de grimper depuis une année», nous répond Fedi, fondateur du site Gaydaymagazine et membre de la communauté LGBT tunisienne. «Aujourd’hui, nous comptons quotidiennement un taux d’audience de l’ordre de 1400 visites pour 400 IP uniques par jour».
Mais ce succès reviend-il à la polémique qu’a suscitée le site au point de faire réagir Samir Dilou, porte-parole du gouvernement de Jbali et ministre nahdhaoui chargé des droits de l’homme ? «Effectivement», répond pour sa part Bilel, responsable du contenu. «Pendant cette période-là nous sommes arrivés à avoir plus de 3500 visiteurs uniques en une seule journée. Depuis, le taux d’audience s’est stabilisé. Bien qu’il soit resté nettement supérieur aux mois précédents».
«Donc oui cette polémique a servi le site puisqu’il y a plus de personnes qui le consultent quotidiennement. Mais en analysant les statistiques, on a trouvé que jusqu’au jour d’aujourd’hui, il n’y avait guère de fluctuation dans le nombre des visites. Ce qu’on peut traduire par un intérêt croissant de nos lecteurs pour le contenu de notre site», affirme-t-il.
Pourrions-nous dire alors que ce taux d’audience correspond au nombre, ou du moins à une proportion, des lesbiennes et des gays tunisiens connectés sur le Web ? Pour Bilel, cette affirmation relèverait plutôt d’une méconnaissance profonde de la communauté LGBT en Tunisie, et notamment des gays : «Beaucoup de Tunisiens ont des relations sexuelles avec un partenaire du même sexe. Et généralement, ils le font juste pour le “jaw”, comme on dit en tunisien. Car pour eux, c’est beaucoup plus facile et abordable qu’une fille. Il y a moins de prises de tête, en gros. Du coup, ils cherchent leur aventure sur Internet sur quelques forums de tchat, ou quelques groupes facebook, et puis ils passent leur chemin».
«Or Gaydaymagazine n’est pas un salon de rencontres sexuelles» poursuit-il. «Il est juste un site Internet qui parle, et d’une façon intellectuelle, à ces gays-là, notamment via des articles rédigés essentiellement en français et anglais. Vous conviendrez bien que ce n’est pas ça qu’on cherche en premier lieu quand on est “homo” à la quête d’un coup sans lendemain».
«Moi je pense plutôt que notre audience se divise entre de “vrais homo affirmés’” à qui notre site parle vraiment, et puis les curieux. Mais quand je dis curieux, ça peut-être des gays ou des bi (bisexuels, qui ont une attirance pour les deux sexes, ndlr) ou encore des hétéros pour qui ce “monde” est complètement inconnu».
Après un moment de réflexion, Bilel rajoute : «Beaucoup d’hommes tunisiens font des relations sexuelles avec d’autres hommes, ou vivent carrément une histoire amoureuse avec eux. Mais une fois qu’ils sont avec les mecs de la cité dans un café ou dans la rue, ils deviennent plus homophobes et plus machos que les autres. Et dieu sait combien j’en ai connu de cet acabit !».
Et quid de la Web Radio ? «C’est un projet qu’on a décidé de lancer ensemble (chez les membres de la LGBT tunisienne, ndlr). Nous y avons vu un moyen de faire parvenir la voix de la communauté aux Tunisiens et au monde entier, sans pour autant tenter de provoquer le courroux des conservateurs. On ne cherche pas non plus à ce qu’on nous consacre des émissions quotidiennes dans les radios et télés nationales. Et encore moins à avoir une licence pour diffuser sur la bande FM. De toutes les façons, on n’en a pas les moyens !
Via cette Web radio on ne cherche pas à bousculer le Tunisien dans ses habitudes et ses convictions. Et on ne souhaite pas non plus qu’elle soit sujette à des récupérations politiciennes qui visent à faire dévier, encore une fois, le regard des Tunisiens des vrais problèmes du pays et des décisions de ceux qui nous gouvernent», déclare Bilel, visiblement remonté contre la classe politique et contre “quelques journalistes télé qui veulent se racheter une nouvelle virginité après la chute de Ben Al».
«Nous n’avons jamais cherché à nous imposer ni même à faire parler de nous», s’explique-t-il. «On était déjà présent sur le Web depuis au moins une année. Mais “bizarrement”, ce n’est que maintenant qu’on s’est aperçu de notre présence. Pile poil au moment où les troubles sociaux et sécuritaires se sont multipliés dans plusieurs régions du pays. Des problèmes que l’actuel gouvernement semble avoir du mal à maitriser. Du pur hasard dîtes-vous ?»
Concernant cette Web radio, et d’après les explications de Fedi, elle sera dédiée aux lesbiennes et aux gays tunisiens. L’équipe d’animation y diffusera, pendant quelques heures, de la musique, des flashs infos sur l’actu nationale et internationale, une sélection de sujets qui font le buzz sur le Web et enfin des séances de débats sur différentes thématiques.
Lancée il y a tout juste 3 mois en période de test, la première Gay Web Radio tunisienne diffuse actuellement deux à trois fois par semaine et ce, durant 90 minutes.
Welid Naffati
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