Finalement, la Tunisie ne va pas respecter ses engagements auprès de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT). L’extinction des émetteurs analogiques de la télévision terrestre ne se fera pas le 17 juin prochain comme cela était programmé depuis au moins 8 ans par la Tunisie. Pourtant, l’Office National de Télédiffusion (ONT) est déjà techniquement prêt à basculer au tout TNT (télévision numérique terrestre) et dont la couverture a déjà atteint 95% de la population. Mieux encore, l’ONT s’attend à étendre la couverture à 98% de la population d’ici la fin de l’année. L’ONT a dépensé environ 25 millions de dinars pour arriver un tel résultat.
Mais pourquoi on a, alors, retardé le lancement effectif de la TNT en Tunisie ? La raison ? C’est la présidence du gouvernement et l’instabilité politique qui en sont responsables. En effet, la Tunisie n’aura pas assez le temps pour inciter les citoyens à basculer vers la TNT et de les informer que leur télé ne captera plus aucun signal sur l’analogique terrestre.
Certes, un décret publié sur le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT) datant de janvier 2010 -interdisant depuis le 1er Mars de la même année la commercialisation des téléviseurs sans tuner TNT- a beaucoup aidé à la démocratisation de la TNT. Mais ce n’est pas assez. Et pour cause : On estime à 20% de la population qui est équipée par un téléviseur avec Tuner TNT intégré.
Or, en 2010, le gouvernement sous Ben Ali a établi une stratégie pour commercialiser des Set-top Box numériques sur le marché local et le lancement d’un bouquet de chaines dédiés à la TNT. Mais après la chute du régime en fin 2010/début 2011, toute la stratégie est tombée à l’eau. Depuis, l’instabilité politique a retardé à chaque fois la reprise de cette stratégie. Résultat : Avec l’approche de la date fatidique, aucun Conseil des Ministres n’a encore débattu de cette problématique.
Qui va financer la subvention de ces Set-top Box dont le coup réel est dans les 120 dinars (c’est à dire beaucoup plus cher que les récepteurs Sat disponibles sur le marché) ? Est-ce le contribuable ou le fond des TIC ? Qui assurera la distribution dans les zones rurales ? Quelles sont les entreprises qui vont les acheter pour le marché local ? Et faut-il les importer en devise ou négocier pour les commander directement à l’un des constructeurs étrangers dont leur usine est implantée en Tunisie ?
Le compteur du site tntunisie.tn affiche les jours restants avant l’extinction des émetteurs analogiques
Et pis, quand faudra-t-il lancer la grande campagne de communication sur la TNT en Tunisie ? Quelle agence faut-il recruter pour gérer et produire cette campagne pour le compte du gouvernement ? Quel budget faut-il allouer à cette opération et qui devra la financer ? Soit autant de questions que Habib Essid, le Président du gouvernement, evra traiter dans l’urgence. Encore faut-il qu’il trouve le temps pour le faire puisque ce dossier ne cesse d’être repoussé à chaque Conseil des Ministres devant les autres sujets brulants comme l’aspect sécuritaire ou les grèves en cascades de l’UGTT au point de paralyser le pays.
Devant ce casse-tête chinois, le ministère des TIC et de l’Economie numérique a décidé de repousser la date d’arrêt de la télévision analogique pour la rentrée prochaine. Ce qui peut nous faire courir des risques en cas de perturbation des fréquences utilisées par ce type de diffusion par les pays voisins. Car dans ce cas, l’UIT ne pourra pas arbitrer en notre faveur.
Mais le gouvernement n’a pas beaucoup de marge de manœuvre. La raison ? C’est justement cette précieuse fréquence : la 800 Mhz. La Tunisie compte, en effet, la récupérer pour la 4G (LTE). Car elle est idéale pour y diffuser du Très Haut Débit dans les zones rurales avec moins d’investissements réseau.
Or, la Tunisie compte attribuer une licence d’exploitation de la LTE (dont la fréquence 800 Mhz) à nos 3 opérateurs d’ici le 31 décembre 2015 pour un début de commercialisation vers janvier/février 2016.
Avec chaque jour qui passe, la pression monte pour traiter dans l’urgence deux dossiers aussi importants que lourds : Le passage intégral à la TNT et le lancement de la 4G en Tunisie. Mais la Présidence du gouvernement le réalise-t-il ?
Welid Naffati
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