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L’Algérie ouvre une enquête sur Tunisiana et l’accuse d’atteinte à la souveraineté nationale (2)

Une affaire de réseau GSM de l’opérateur privé tunisien Tunisiana risque-t-elle de provoquer une crise politique entre la Tunisie et l’Algérie ? C’est ce qui semble se dessiner à l’horizon après la lecture de quelques articles de presse parus dans les médias électroniques chez nos voisins algériens.

«C’est une question qui relève de la souveraineté nationale dans la mesure où nos communications peuvent être interceptées à l’étranger», a déclaré M. Moussa Benhamadi, ministre algérien de la Poste et des technologies de l’information et de la communication (Ptic) lors d’une visite d’inspection à la circonscription de Tébessa. Cette ville algérienne se trouve à une quarantaine de kilomètres du poste frontalier Bou Chebka, près du gouvernorat de Kasserine, au centre ouest de la Tunisie. «Tunisiana nous souhaite la bienvenue à travers des SMS alors que nous sommes chez nous», ironise M. Benhamadi.

Le problème ? La difficulté des opérateurs mobiles GSM algériens, et notamment ATM Mobilis (filiale de l’opérateur historique Algérie Télécom, spécialisé dans le domaine de la téléphonie mobile), à desservir la région de Tébessa à cause de la puissance du signal de Tunisiana. En effet, les téléphones des abonnés de Mobilis se trouvant dans cette circonscription, se voient automatiquement basculés sur le réseau de la filiale tunisienne de Qatar telecom. Leurs appels locaux passent, ainsi, en Roaming. C’est à dire au prix d’une communication internationale. Nos confrères du site letempsdz.com rapportent même que l’autorité de régulation algérienne s’est officiellement saisie de l’affaire.

Du côté de tsa-algerie.com, et dans sa version arabophone seulement, le journal a choisi un ton plus tendancieux, et titre : «Tunisiana responsable de la mauvaise couverture GSM de l’opérateur Mobilis sur la zone frontalière. Benhamadi annonce un projet national pour protéger les ministères et les sociétés du cyber-terrorisme». Carrément !

TSA Algérie affirme que le ministre a demandé l’ouverture d’une enquête dans laquelle seront rapportés les témoignages des abonnés mobiles et des responsables de la région de Tébessa afin de «lever le voile sur les dépassements enregistrés à ce niveau».

Le site arabophone echoroukonline.com, quant à lui, écrit : «Le ministre a exigé de ses cadres de lui présenter un rapport complet et détaillé à propos de l’incapacité de l’opérateur mobile national Mobilis à faire interdire l’opérateur tunisien Tunisiana (dans la région, ndlr) qui (c’est à dire Tunisiana, ndlr) a pris le contrôle total du réseau de communication de la Wilaya de Tébessa et notamment les zones frontalières. (…) Ce rapport définira les responsabilités de chacun (dans cette affaire, ndlr) et apportera des solutions aux difficultés de Mobilis». No coment…

Tunisiana utilise-t-elle des antennes relais en Algérie ?

Le signal du réseau GSM de Tunisiana est-il plus puissant qu’on le croyait, au point d’atteindre une ville algérienne située à plusieurs kilomètres de nos frontières ? Possible, à en croire cet article de Wikipédia qui explique que les ondes GSM peuvent desservir un rayon de 35 kilomètres. Voire même plus. Mais à condition d’utiliser un type ‘spécial’ d’antenne émettrice.

Et si on donnait du crédit à la presse algérienne ? Faut-il comprendre, donc, que Tunisiana est en train d’amplifier, délibérément, son signal réseau au delà du point frontalier le plus proche de Tébessa ?

«Impossible», nous répond un ingénieur télécom à Paris. «Dans les conditions optimales, le signal peut parcourir un rayon de 16 kms maximum. Ca me paraît difficile que le réseau puisse même atteindre les 20 kilomètres sans passer par des antennes relais».

Affaire montée de toute pièce pour intimider le gouvernement de Jbali ?

Au moment de la rédaction de cet article, et depuis la lecture de ce qui a été écrit dans la presse algérienne, nous avons cherché à joindre des personnes à Tébessa pour vérifier la véracité de ce qu’ont rapporté nos confrères algériens. En vain. Nous avons pu, toutefois, contacter un concitoyen originaire de cette zone frontalière du côté tunisien.

«A vrai dire je ne sais pas si on peut vraiment capter le réseau de Tunisiana sur plusieurs dizaines de kilomètres au delà de nos frontières», nous déclare-t-il. «Mais en même temps, il faut savoir qu’entre Tébessa et Kasserine, il y a une activité commerciale très importante. Il se peut, et là ce n’est qu’une hypothèse, que Tunisiana ait optimisé son réseau sur cette zone pour aider les commerçants tunisiens qui se déplacent nombreux entre ces deux villes limitrophes».

Après un moment de réflexion, notre interlocuteur rétorque : «Mais ça m’étonne un peu ce que vous racontez là. Dans quelques zones frontalières de la Tunisie, et notamment au nord ouest, on a nos téléphones qui basculent tout le temps sur les réseaux mobiles algériens. Et pourtant je n’ai jamais entendu le gouvernement tunisien chicaner sur ça. A moins qu’on essaye de nous chercher des poux…».

Cette affaire cache-t-elle donc une magouille politicienne qui vise à embarrasser (ou intimider) le prochain gouvernement tunisien ? Peut-être. D’autant plus que chez nos voisins de l’ouest, les articles de presse concernant la Tunisie sont à l’image des relations tuniso-algériennes depuis la chute de Ben Ali : froides. Surtout après la montée du parti islamiste Ennahdha. Une situation qui met donc le pouvoir algérien en place dans une position extrêmement inconfortable (lire à propos de la décennie noire en Algérie).

Welid Naffati

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