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Le gouvernement étudie une possible dissolution de l’Agence Tunisienne d’Internet

L’actuel gouvernement cherche des scenarios pour réformer le secteur de l’Internet en Tunisie. Et parmi ces scénarios : faire disparaître l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI), l’ancien bastion de la censure technique sur le Net sous Ben Ali.

La question qui se pose : dans un paysage de télécommunications libre, l’ATI, avec son statut actuel et ses prérogatives, a-t-elle sa place en Tunisie ? Pour y répondre, il faut tout d’abord connaître ces prérogatives :

– Elle gère la bande passante internationale de Tunisie Télécom pour la revendre auprès des Fournisseurs d’Accès Internet (FAI).

– Elle gère les noms de domaines nationaux au profit de l’Instance nationale de télécommunications (INT).

– Elle fournit la connexion Internet directement aux administrations publiques et ministères.

– Elle se charge de l’interconnexion entre les différents FAI/opérateur nationaux.

– Elle assure l’interfaçage entre les FAI/opérateurs nationaux et leurs homologues internationaux (IXP).

– Elle est la garante d’une qualité de service minimale concernant la connectivité Internet entre la Tunisie et l’international.

Sous Ben Ali, elle avait également à sa charge l’hébergement et l’entretien technique des serveurs de censure du Web. Sans toutefois intervenir dans le processus logistique de filtrage/blocage des sites Internet. Depuis la chute du régime, l’ATI a pu se débarrasser de cette lourde tâche. Mais voilà que des avocats tentent de rétablir la censure du Web en Tunisie sous le prétexte des bonnes mœurs. Et les dérives de ce genre se sont multipliées ces derniers temps au point de faire réagir l’ONG Reporters sans frontières au point de les qualifier d’«un retour aux pratiques de l’ère de Ben Ali».

Dans un paysage de télécoms basé sur la concurrence et la liberté, l’ATI est appelée à disparaitre tôt au tard. Et pour cause : avec la multiplication des attaques contre cette agence, soit en voulant lui imposer la censure et le filtrage du Net, soit en lui faisant porter le chapeau de toute dérive sur le Web, le principe de la neutralité et de la transparence est fortement menacé. D’autant plus que l’ATI mène son combat seule contre tous ses détracteurs. Lâchée par tous les acteurs du Net en Tunisie qui continuent de bénéficier de ses services, parfois au prix bas. La solution : mettre tout ce beau monde face à leurs responsabilités (financières, techniques et juridiques).

Mais cette décision ne se fera pas sans risque. En effet, si Tunisie Télécom doit gérer par elle-même sa bande passante Internet, l’ATI perdra 90% de ses revenus. Si l’Etat charge le Centre national informatique (CNI) de la gestion des activités de fournisseur d’accès Internet aux administrations et ministères, la deuxième mission de l’ATI sera donc coupée. Et c’est une autre source d’argent qui se volatilisera avec. Rien qu’avec ces deux scénarios, l’Agence tunisienne d’Internet ne sera plus financièrement viable. D’autant plus que l’ATI est juridiquement une société privée et non un établissement public.

Si l’Instance Nationale de Télécommunication se charge pour sa part de la gestion technique et juridique des noms de domaines nationaux, et si les opérateurs télécoms qui revendent la bande passante aux FAI se chargent de la partie IXP ainsi que de la qualité de service, l’ATI n’aura plus de raison d’être.

Avec ces multiples scenarios, l’Internet tunisien sera probablement gagnant sur deux fronts : la qualité de service du Net tunisien sera bien meilleure, et les vrais acteurs de la censure et du cyber espionnage ne seront plus obligés de se cacher derrière l’ATI pour arriver à leur fins.

Mais serions-nous entièrement gagnants avec la disparition de l’ATI du paysage Internet tunisien ? N’est-il pas mieux que l’ATI devienne une haute autorité indépendante comme l’INT et qui travaillera en tandem avec cette dernière pour régulariser la situation catastrophique du Web tunisien, notamment en matière d’économie numérique ?

La réponse est tributaire de la volonté du gouvernement à aller de l’avant dans les réformes ainsi que de la réponse des partenaires sociaux en la matière.

Welid Naffati

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