Les spécialistes qui suivent de près les activités du ministère des Technologies de l’information et de la communication depuis la prise de fonction de Mongi Marzoug, se rendront rapidement compte que ce ministère a axé essentiellement ses réformes sur l’aspect réseaux de communications plus que sur le Net. Cela a été clairement mis en exergue dans la deuxième partie de l’interview de M. Marzoug sur THD.
Les spécialistes qui suivent de près les activités du ministère des Technologies de l’information et de la communication depuis la prise de fonction de Mongi Marzoug, se rendront rapidement compte que ce ministère a axé essentiellement ses réformes sur l’aspect réseaux de communications plus que sur le Net. Cela a été clairement mis en exergue dans la deuxième partie de l’interview de M. Marzoug sur THD. Pour certains, M. Marzoug est en train de jeter les bases d’un réseau de télécommunication solide, et donc, de tout un e-écosystème.
Pour les plus orthodoxes, les actions du ministère sont loin d’être suffisantes pour le Net. Surtout en matière de libertés, de neutralité et de développement du contenu numérique. Dans cette troisième et dernière partie de l’Interview, Mongi Marzoug aborde ces sujets et nous fait partager ses ambitions et ses inquiétudes.
THD : Après les critiques qu’a suscitées la création de l’A2T, comptez-vous faire participer la société civile au débat avant le passage de la loi cybernétique ?
Mongi Marzoug : Il faut tout d’abord mentionner que cette loi a pris comme repère la convention de Budapest. Et donc elle est conforme avec les lois fondamentales en matière de respect de la vie privée et des libertés individuelles. Une première réunion est prévue dans cette optique très prochainement avec des experts juridiques. Nous avons également proposé à l’ANC que des commissions se chargent d’étudier et de proposer des modifications au projet de loi avant son passage à la plénière. Comme cela était le cas avec la mise à jour du code des télécoms. Les commissions pourront ainsi faire appel à la société civile et aux experts pour trouver la version idoine de cette loi.
Mais pourquoi avoir tenu à intégrer le droit de l’A2T à recevoir des dons secrets dans le décret ?
Tout d’abord il n’y a pas ce caractère secret. En plus, la mention des dons parmi les sources de financements de l’agence n’est pas quelque chose de nouveau. Tous les établissements publics sont habilités à recevoir des dons qui sont versés aux comptes publics concernés avec tous les mécanismes de contrôle prévus par la réglementation relative aux finances publiques. Notamment le code de la comptabilité publique.
Quelles sont les actions du ministère pour le développement du secteur Internet sachant qu’il n’y a pas eu de réformes d’un point de vue réglementaire sur ce point précis à part l’introduction du terme Internet dans le code des télécoms ?
Conformément aux dispositions de l’Agenda de Tunis 2005, on a oeuvré en une première étape à la création du Forum National de la Gouvernance d’Internet (IGF national – Tunisie, ndlr). Dans une deuxième étape, il y a eu l’organisation de l’assemblée générale de l’IGF durant laquelle il y a eu l’élection du MAG (Multistakeholders Advisory Group, ndlr) de l’IGF National. Le premier Forum de l’IGF National a été organisé au mois de décembre 2013 et a traité plusieurs sujets d’actualité en relation avec la gouvernance d’Internet.
Il y a aussi la proposition de la Tunisie, lors de la Conférence Mondiale des Télécommunications, qui est un événement destiné à réviser le Règlement, c’est à dire le traité des Télécommunications Internationales (RTI, ndlr). Nous avons en effet demandé le rajout dans l’Article 1 du Règlement un nouveau libellé protégeant spécifiquement la liberté d’expression et stipulant que “les droits dont jouissent les personnes hors ligne doivent également être protégés en ligne”.
Cette proposition a suscité d’âpres débats au cours desquels les délégués se sont unanimement prononcés en faveur de la liberté d’information en ligne. Sur la base de cette proposition, les Etats Membres se sont mis d’accord en fin de compte pour inclure au sein du préambule du règlement une disposition engageante en matière de respect des droits de l’homme.
L’adoption du principe de la liberté sur le Net et notre engagement sur ce sujet se manifeste aussi par l’adhésion de la Tunisie à la conférence Freedom OnLine, coalition de pays dédiée à la défense et à la promotion de la liberté d’expression : la Tunisie est le premier pays de la région Moyen Orient-Afrique du Nord (Mena), le 3ème africain et le 18ème dans le monde à adhérer à cette conférence, créée en décembre 2011. Nous avons organisé la 3ème conférence de cette coalition en juin 2013 à Tunis.
Pour ce qui concerne la réglementation en Tunisie, il faut faire évoluer le code des télécoms vers un code du numérique. Une étude a été déjà proposée dans ce sens et ses recommandations sont en cours d’études par les différentes commissions du ministère qui vont pouvoir donner naissance à ce nouveau code. Un code qui, en plus du volet télécom, va prendre en considération les Data Centers, le respect des données personnelles, l’hébergement, la transmission des données, le cryptage, etc.
Comment évaluez-vous ce qui a été fait dans le secteur Internet tunisien jusqu’à maintenant, et notamment les actions de l’ATI ?
L’ATI a fait beaucoup de progrès. Mais il y a encore du travail à faire. Elle joue maintenant le rôle de Fournisseur d’accès de l’Etat. Elle doit se reconcentrer sur son travail d’acteur neutre d’Internet pour devenir une force motrice de développement. Quant à l’activité d’IXP, elle doit être sous forme d’une association de tous les fournisseurs d’accès et tous les opérateurs.
Théoriquement, le gouvernement d’Ali Laarayedh démissionnera dans les heures qui viennent. Que ressentez-vous, maintenant, en quittant ce poste ?
Je suis globalement satisfait et optimiste pour l’avenir. Mais je reste inquiet pour l’avenir de Tunisie Telecom. C’est la pierre angulaire de l’économie nationale dans le numérique.
Bien sûr il reste beaucoup à faire. Et c’est ce qui donne le goût d’inachevé. Et c’est en même temps une chance car il y a encore beaucoup à améliorer pour être au diapason des innovations technologiques et édifier une société d’information et de savoir. En matière de TIC, il faut que la Tunisie s’inspire des modèles comme l’Estonie et la Corée du Sud.
Quel message adresseriez–vous à votre successeur et à Mehdi Jomâa, actuel ministre de l’Industrie et nommé par le Quartet au poste de prochain président du gouvernement ?
Le rôle du ministère des TIC est capital dans la construction de la société de l’information et de l’économie numérique. Avec l’élaboration d’un cadre juridique et réglementaire efficace et adapté, il jouera un rôle dans l’édification de l’administration électronique, le fameux e-Gov, dans la construction de la confiance et de la souveraineté dans le numérique. Mais aussi dans l’initiation et le support des grands projets dans ce secteur.
Si Mehdi Jomâa vous le demande, accepteriez-vous de faire partie de son équipe ?
Vous savez ? C’est très très dur de vivre loin des siens (le ministre des TIC a toute sa famille à l’étranger où il travaillait avant sa venue en Tunisie pour occuper son poste de ministre, ndlr). Ceci étant dit, si le devoir m’appelle pour servir mon pays, je n’y manquerai pas et j’accepterai avec un grand honneur.
Propos recueillis par Welid Naffati
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