Nidaa Tounes est un parti qui a vu le jour en juin 2012. Fondé par Beji Caid Essebsi, deuxième Premier ministre provisoire après la chute de Ben Ali, ce parti est considéré comme le plus sérieux concurrent à Ennahdha dans ces élections. Ses adversaires politiques le taxe de ‘RCD-bis’ (ex parti au pouvoir de Ben Ali) bien qu’il se définisse plutôt comme une force centriste de rassemblement de toute la famille démocratique, qu’elle soit de gauche ou de droite. De ce fait, il était intéressant pour THD de connaître la tendance du programme politique TIC/économie numérique de Nidaa.
Nidaa Tounes est un parti qui a vu le jour en juin 2012. Fondé par Beji Caid Essebsi, deuxième Premier ministre provisoire après la chute de Ben Ali, ce parti est considéré comme le plus sérieux concurrent à Ennahdha dans ces élections. Ses adversaires politiques le taxe de ‘RCD-bis’ (ex parti au pouvoir de Ben Ali) bien qu’il se définisse plutôt comme une force centriste de rassemblement de toute la famille démocratique, qu’elle soit de gauche ou de droite. De ce fait, il était intéressant pour THD de connaître la tendance du programme politique TIC/économie numérique de Nidaa.
Pour s’y faire, nous nous sommes entretenus avec Souhail Alouini, tête de liste Nidaa Tounes à Kairouan, sa ville d’origine. Souhail Alouini est un chirurgien de 58 ans qui a fait carrière en Tunisie et à Abu Dhabi. Il a enseigné au Japon entre 2006 et 2009. Il se revendique comme un ‘vieux Geek’ puisqu’il était parmi les premiers utilisateurs du Net dès 1985. «L’internet, c’est mon dada», a-t-il commenté.
Il est entré dans la course politique en 2011 avec une liste indépendante pour le monde Arabe et le reste du monde appelée «La voie de la transparence» sans pour autant remporter un siège à l’ANC. C’est alors qu’il s’est engagé dans le groupe OpenGovTN. Fervent défenseur de la gouvernance ouverte, il ira même jusqu’à l’organisation de l’Open Gov Awards en 2011 et 2012.
Il a occupé très brièvement le poste de secrétaire général de l’Union Patriotique Libre en 2012. Mais il s’est vite retiré pour se consacrer entièrement au militantisme au sein du groupe OpenGov ainsi qu’à son travail d’origine : la Chirurgie. L’interview s’est faite par skype le soir du dimanche 19 octobre vu qu’il est en pleine campagne électorale dans la région. Interview.
THD : Dans son programme politique, Nidaa dit que le parti va travailler sur la e-administration. Un point qui se répète aussi chez les autres partis politiques
Souhail Alouini : Peut-être. Mais chez Nidaa Tounes on voit le problème autrement. Ce qui pose problème dans l’application de ce projet, ce n’est pas le SI ou l’interconnexion des administrations. Le vrai problème, c’est la certification électronique. Qui vous assure quand vous recevez un mail ou des documents administratifs d’un agent que c’est bien lui qui les envoi ou que ce sont des documents originaux ? Nidaa Tounes va travailler, de ce fait, sur un cadre légal pour certifier et sécuriser les processus administratifs sous format électronique, puis l’harmonisation des différents SI en parallèle du projet d’interconnexion des administrations partout en Tunisie.
Tout en restant dans le sujet des téléservices, Nidaa Tounes travaillera également sur le développement du e-commerce…
Un autre point défendu également par vos adversaires politiques…
Peut-être. Mais notre approche est là aussi différente. Dans notre plan d’action, nous allons travailler à intégrer le e-commerce dans la loi des finances 2016, avec si possible de le faire dans une version complémentaire pour la loi des finances 2015. Nous allons retravailler le cadre légal du commerce en ligne. Mais pour y parvenir, il y a une réforme urgente à faire du côté du ministère des Finances.
Il y a, en effet, un réel problème avec le texte juridique actuel à propos des documents électroniques. Il est très vague. Une facture électronique est, peut-être comptablement valide, mais fiscalement non ! De ce fait, les entreprises tunisiennes se voient limitées dans leur activité. Surtout dans l’offshoring. Les sociétés étrangères doivent traiter avec leurs homologues tunisiens avec des factures en papier.
Mais un problème se pose déjà. C’est qu’il faudra mettre en place un nouveau processus de travail commun entre le ministère des Finances et l’Agence Nationale de Certification Electronique. Parce que non seulement ces factures doivent être signées électroniquement, elles doivent aussi répondre à un critère bien déterminé.
Quel support les sociétés doivent adopter pour stocker ces factures électroniques ? Où les envoyer pour les stocker ? Sur le cloud du ministère ou le cloud de l’ANCE ? Sinon, faudra-t-il les mettre à la disposition du fisc sous forme de CD ROM ou d’une clé USB, ou l’envoyer plutôt par mail ? Soit autant de questions que le législateur devra régler en urgence.
Pensez-vous que ce système réussira et qu’il combattra efficacement l’évasion fiscale ?
C’est pourquoi dans la prochaine loi des finances, Nidaa Tounes travaillera à ce qu’on encourage les entreprises à adopter ce système grâce à des incitations fiscales. Ca permettra déjà de réduire la charge de travail sur les recettes des finances. Mais par dessus tout, ça va réduire la masse de papier utilisée chaque année. Il y a donc, là, un avantage écologique combiné à une efficacité de traitement.
Quelle place a le très haut débit dans votre programme ?
Nidaa Tounes va encourager le déploiement du Très Haut Débit. Mais le problème se pose avec les zones peu denses de la Tunisie. Aucun opérateur n’ira investir du THD dans des régions où il y a peu de rentabilité. C’est pourquoi, si on accède au gouvernement, nous allons travailler conjointement avec l’Instance Nationale de Télécommunications pour lancer le projet du dividende numérique. L’Etat subventionnera une partie du déploiement dans les régions et ce, dans le cadre du Service Universel qui a déjà intégré le Net dans sa récente mise à jour.
Nous allons également encourager les opérateurs à mutualiser leurs infrastructures pour maitriser les coûts d’exploitation et réduire, ainsi, les prix des télécommunications en Tunisie sans pour autant impacter leur rentabilité.
Comment comptez-vous encourager les Tunisiens à adhérer au THD via fibre optique ?
Grâce au projet de la culture numérique. Nous allons relancer le projet de numérisation de la bibliothèque nationale qui s’est arrêté peu de temps après son lancement en 2011, c’est à dire sous le gouvernement de Beji Caid Essebsi. Nous allons également encourager la numérisation des œuvres artistiques tunisiennes. Les Tunisiens seront ainsi plus motivés à se connecter à Internet en THD.
Nous comptons également inciter les Tunisiens à adopter le THD grâce à cette e-administration. Comment ? En réduisant les frais -comme les droits timbres, etc.- sur les opérations administratives classiques. Les Tunisiens vont, de ce fait, passer prioritairement par Internet au lieu de se déplacer à l’administration. Encore là une occasion pour réduire les procédures administratives, le temps de traitement et la masse de papier consommée.
Souhail Alouini
Quid de la 4G ?
Il faudra tout d’abord nettoyer le spectre et puis mettre tout le monde -et notamment les opérateurs- d’accord sur les bandes à utiliser pour la 4G avant même de lancer les appels d’offre. Encore faut-il rappeler que les opérateurs demandent à utiliser la bande 800 Mhz pour la 4G dans les zones rurales ? Or, cette bande là n’est pas encore libre à cause de la télé analogique.
Et c’est là un autre problème sur lequel Nidaa Tounes compte travailler. C’est de respecter le délai dans lequel la Tunisie s’est engagé auprès de l’Union Internationale de Télécommunication pour éteindre ses émetteurs analogiques en 2015. Mais avant cette extinction, il faudra bien trouver un moyen d’encourager les Tunisiens à passer vers la TNT. Ceci doit se faire sur deux axes. Le premier : trouver une solution de ‘Set top box’ pas chère pour les familles non encore équipées d’un nouveau téléviseur avec Tuner TNT. Le deuxième est le contenu. En effet, à quoi bon d’avoir investi des millions de dinars dans un réseau de diffusion numérique terrestre s’il reste vide ?
De ce fait, Nidaa Tounes travaillera conjointement avec la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audio-visuelle, HAICA, et l’Office National de Télédiffusion pour dresser une stratégie d’encouragement à la création de contenu multimédia sur la TNT, comme les chaines de télé thématiques par exemple.
Quid du contenu multimédia tunisien sur Internet ? Pensez-vous vraiment qu’avec la e-administration et la numérisation des produits culturels vous arriverez à convaincre les Tunisiens à prendre une ligne fibre optique au lieu de la 3G ou de l’ADSL ?
Il faut se dire que le souci ne se pose réellement pas avec le contenu. Mais plutôt avec le prix de cette connexion Internet. Qu’elle soit ADSL, 3G ou autre, il y aura toujours une frange de la population qui ne pourra pas y accéder. Pourquoi ? Parce que le prix de l’Internet en Tunisie reste quand même cher. La raison de ça : la consommation excessive de la bande passante internationale qu’on achète chèrement en devise.
Or, la Tunisie ne peut pas réduire cet investissement qu’en inversant la tendance. C’est à dire exporter notre propre bande passante. En d’autres termes, ramener du trafic vers la Tunisie et non l’inverse.
Mais comment pourriez-vous y arriver avec un prix d’hébergement qui reste cher par rapport à la concurrence internationale ? Les entreprises et les créateurs de contenu resteront plutôt chez les Data Center étrangers tant qu’ils offrent la qualité avec un bon prix. Chose qui nous fait défaut, malheureusement, en Tunisie.
Pour la qualité, ça se travaille grâce à la concurrence. Mais le problème de nos Data Center tournent autour de deux points : l’énergie qui coûte cher -car nous sommes un pays chaud et donc ils faut beaucoup plus de climatisation- puis le débit.
Pour le problème énergétique, Nidaa Tounes a déjà une solution. Nous allons travailler sur un cadre idoine d’exploitation d’une deuxième source énergétique en plus de celle de la STEG pour les Data Center. Ceci assurera une redondance maximale de leur service. C’est d’ailleurs une nécessité pour que nos Data Center aient la confiance des entreprises puisque grâce à cette mesure, elles seront certifiées internationalement.
Quant au débit, la libéralisation des liaisons internationales qui a commencé avec le câble Didon, aura forcément un effet positif dans la réduction du coût de la connexion Internet. Mais ce qui impacte réellement le tarif du Net en Tunisie, c’est encore la consommation excessive du Tunisien de la bande passante internationale.
De ce fait, nous avons suivi avec beaucoup d’intérêt le projet du IXP tunisien. Cette initiative est très intéressante dans la mesure où tous les opérateurs, les banques ou même les entreprises qui s’activent en ligne, peuvent y adhérer pour une meilleure fiabilité de leur service. Si on encourage ces différents acteurs à créer un écosystème à faible coût pour la gestion de ces IXP. Et si on leur propose la gratuité du trafic national transitant via ces IXP, ces Data Center auront des coûts d’exploitations amoindries.
Du coup, ces Data Centers pourront proposer des tarifs attractifs que ce soit au niveau national qu’international. De ce fait, on encouragera l’hébergement du contenu numérique sous nos cieux pour réduire, de facto, le gap entre le débit sortant et entrant. Voire inverser la courbe et faire entrer de la devise au pays.
Grâce à cette politique, nous pensons chez Nidaa Tounes que le prix des abonnements Internet va aussi chuter ce qui encouragera d’avantage les Tunisiens à souscrire à un abonnement THD.
Toujours dans la perspective de réduction des coûts, Nidaa Tounes encouragera également l’adoption des logiciels libres et leur généralisation dans les différents services de l’Etat et ce, dans le cadre du plan d’austérité. Nous allons par la même occasion renforcer le respect de la propriété intellectuelle pour réduire le piratage.
Propos recueillis par Welid Naffati
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