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Malgré le niet de l’UGTT, la «loi TT» passe à la majorité écrasante à la Constituante

Malgré le niet de l’UGTT, la «loi TT» passe à la majorité écrasante à la Constituante

Malgré les recommandations de l’UGTT aux partis de gauche de ne pas y voter favorablement, et malgré le grand lobbying entrepris par la Fédération Générale de la Poste et des Télécoms (FGPT) auprès des députés, la loi sur le départ volontaire à la retraite anticipée chez la société nationale des télécommunications (Tunisie Telecom) a été validée mardi 15 juillet par l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) en à peine une heure de discussion. Avec 76 voix pour, 8 abstentions et 2 contre, cette loi marque le début d’une nouvelle ère chez Tunisie Telecom.

Malgré le niet de l’UGTT, la «loi TT» passe à la majorité écrasante à la ConstituanteMalgré les recommandations de l’UGTT aux partis de gauche de ne pas y voter favorablement, et malgré le grand lobbying entrepris par la Fédération Générale de la Poste et des Télécoms (FGPT) auprès des députés, la loi sur le départ volontaire à la retraite anticipée chez la société nationale des télécommunications (Tunisie Telecom) a été validée mardi 15 juillet par l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) en à peine une heure de discussion. Avec 76 voix pour, 8 abstentions et 2 contre, cette loi marque le début d’une nouvelle ère chez Tunisie Telecom.

Cette «loi TT», est en fait un programme d’une durée de 3 ans qui vise à rajeunir l’opérateur historique tout en réduisant sa charge salariale. Tout agent ayant 50 ans ou plus avec un minimum de 15 ans de services au sein de l’entreprise, a droit, en effet, de partir à la retraite anticipée. Entre la date de son départ et jusqu’à l’âge de 60 ans (l’âge légal de la retraite), Tunisie Telecom se chargera du versement du 80% du salaire mensuel de l’agent bénéficiaire de ce programme à la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) au titre de pension de la retraite anticipée.

Une commission sera crée par Tunisie Telecom pour étudier les dossiers des demandeurs de cette retraite anticipée. Une fois le dossier accepté, l’agent bénéficiera dès le lendemain et automatiquement de cette pension spéciale. Et d’après les premiers échos, plus de 350 salariés de TT ont déjà déposé la semaine dernière leur demande.

Au départ, les députés ont émis des réserves sur cette loi, surtout après le sittin de la FGPT devant l’ANC la veille quand la discussion sur la «loi TT» était à l’ordre du jour. La députée Selma Baccar, du parti Al Massar, s’est même chargée de faire entrer 3 représentants de la FGPT pour qu’ils puissent expliquer à ses collègues les «vrais» enjeux. 

Des députés discutent avec le cabinet du ministre des TIC et les représentants de TT après la fin des discussions

Des députés discutent avec le cabinet du ministre des TIC et les représentants de TT après la fin des discussions

Même en présence du ministre des TIC, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, de tout son cabinet, ainsi que les grands directeurs de Tunisie Telecom à l’instar de son PDG Mokhtar Mnakri et son DGA Fadhel Kraiem, les plus récalcitrants à ce projet sont restés tiraillés entre les recommandations du syndicat et les explications claires de ce beau monde.

«Faire ce plan c’est bien. Et on pourrait comprendre que c’est une bonne chose pour sauver Tunisie Telecom. Mais sans une vision et une stratégie claire pour faire évoluer le reste du personnel et assurer son développement, ceci ne fera qu’alourdir les charges de Tunisie Telecom», s’est inquiétée Mabrouka M’barek, députée CPR, dans les coulisses.

Le passage de la loi n’était pas donc du tout acquis bien que le Ettakattol, l’Alliance démocratique, Ennahdha et Al Jomhouri aient été déjà pour. Mais le débordement qu’a connu la plénière dans les discussions des autres projets de loi programmés pour le vote le lundi 14 juillet, ont fait que Mehrzeya Laabidi, vice-présidente de l’ANC, a repoussé la discussion de la «loi TT» au lendemain 15 juillet. La raison ? Il commençait à faire tard (1h30 avant la rupture du jeûne) et… quelques députés devaient rentrer chez eux pour, notamment, «acheter du pain» avant que la boulangerie ferme.

Qu’à cela ne tienne ! Des députés de gauche se sont alors rués sur le PDG de Tunisie Telecom pour avoir l’assurance que ce projet de loi ne risque pas de réprimer les salariés, comme cela leur a été rapporté par le syndicat. Malgré l’heure tardive, Mokhtar Mnakri est tout de même resté pour apporter tous les éclaircissements nécessaires. Ce n’est donc que le lendemain, vers 16h30 (avant le passage au vote de la «loi TT»), que Al Massar a semblé accorder de la confiance à la direction de TT sur ce programme de retraite anticipée.

Le DGA de Tunisie Telecom, Fadhel Kraiem (à gauche) et le président de la commission des affaires sociales à l'ANC Mohamed Abdelmonem Krir (à droite)

Le DGA de Tunisie Telecom, Fadhel Kraiem (à gauche) et le président de la commission des affaires sociales à l’ANC Mohamed Abdelmonem Krir (à droite)

Durant leurs interventions à la plénière, pratiquement toutes les sensibilités politiques dans l’hémicycle ont émis un préjugé favorable à cette «loi TT». Au point de l’encenser pour certains (le cas d’Ennahdha et de l’alliance démocratique par exemple). Mais pour le député POCT, Fathi Ltaief, ce passage précipité au vote pour une loi qui date de 2010 semble être douteux. «Surtout que vous n’êtes là que pour encore quelques mois», a-t-il lancé au ministre Tawfik Jelassi. Ce à quoi il a répondu : «Ce projet date de 2010 comme vous dites. En prenant fonction au ministère en février dernier, je l’ai trouvé sur la table et la commission des affaires sociales à l’ANC m’a directement demandé une audience pour leur expliquer les raisons de cette loi. Et puis, en technologie, chaque jour compte. On pourra retarder la discussion à 6 mois voire même plus. Mais si aujourd’hui Tunisie Telecom a pu afficher 65 millions de bénéfices en 2013 -et c’est donc elle qui subventionne l’Etat- il se peut que dès 2014 c’est l’Etat qui devra la subventionner comme c’est le cas avec beaucoup d’autres entreprises étatiques en difficultés».

De son côté, Al Massar a émis une réserve sur l’unique siège accordé au partenaire social au sein de la commission interne de TT (celle qui validera les dossiers). «Pourquoi ne pas mettre deux représentants du syndicat ?», a interpelé Salma Mabrouk le ministre des TIC. 

«Nous émettons un avis favorable à cette proposition. Les syndicats sont les partenaires sociaux à TT et non ses adversaires», a-t-il répondu. «D’ailleurs il faut saisir cette occasion pour rappeler que chacun à son travail et sa mission. Le syndicat aura un rôle de veille et non pour interférer avec le travail de la commission dans l’étude des dossiers et imposer ses décisions. La FGPT m’a demandé dernièrement d’augmenter le salaire des agents de Tunisie Telecom. Je suis le ministre de tutelle et non le PDG de la boite. Si je vais valider une telle demande, comment pourrais-je après demander des comptes à l’entreprise sur ses performances commerciales ?».

Le ministre sautera ainsi sur l’occasion pour tacler la fédération en rappelant le cas de la Scandinavie quand le syndicat a lui même entrepris les démarches nécessaires pour dégraisser la poste afin de prévenir une perte de cet organisme public (en un clin d’œil à la grève de plus de 50 jours en 2011, où la FGPT a littéralement bloqué Tunisie Telecom lui causant d’énormes pertes financières).

Ministre des TIC, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique Tawfik Jelassi

Ministre des TIC, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique Tawfik Jelassi

«Mais que gagne l’entreprise réellement en payant, malgré tout, ces retraites anticipée de sa poche ?», s’est demandée une autre députée. «Même en payant 80% des salaires, TT économisera jusqu’à 100 millions de dinars», a répondu Tawfik Jelassi. «Ce programme vise 2887 agents de TT. Soit 36% de l’effectif. Or il y a des frais annexes à chaque salaire qui dépassent parfois le salaire lui même (bureau, électricité, voiture de fonction, etc., ndlr)». 

Il a rajouté par la suite : «Je tiens à vous rassurer. Il y a un tout une stratégie en préparation. Comme le nouveau statut de l’entreprise, la management par objectif et la recherche d’un partenaire stratégique. Et je dois avouer que le choix de l’actuel (EIT, ndlr) était une erreur. Car un partenaire financier ne donnera aucune valeur ajoutée à TT. ooredoo est présente dans 17 pays. Orange dans 25 pays. TT n’a rien. Elle n’a ni une force de frappe international, ni un département recherche et développement». 

Le ministre des TIC a par la suite expliqué qu’il y a 4 ans, la masse salariale représentait 10 % des revenus de TT. Mais aujourd’hui, cette charge représente 21%, avec des parts de marché de l’opérateur qui ont du mal à décoller. Il a pris l’exemple du Maroc, où l’opérateur historique a environ 20 millions d’abonnés pour une masse salariale qui représente 10% de ses revenus. 

«Si aujourd’hui on parle de départ volontaire, on arrivera un jour où on parlera de départ obligatoire si rien ne sera fait dès maintenant. La concurrence est en train de piquer des parts de marché à Tunisie Telecom qui souffre de cette masse salariale. C’est une question de logique», a-t-il conclu son allocution. 

Et les paroles du ministre semblent avoir convaincu les députés puisque la majorité absolue a voté par ‘oui’ à la «loi TT». Au grand dam de quelques représentant de la FGPT qui, observant de haut les discussions, ont préféré se retirer avec un air très irrité.

«Ouf ! Enfin ! On peut respirer maintenant. On s’inquiétait beaucoup pour TT. Cette loi va aider Tunisie Telecom à mieux se lotir contre la concurrence», a avoué en aparté un des cadres du ministère visiblement soulagé de la clôture d’un des dossiers épineux qui a longuement trainé dans les tiroirs.

Welid Naffati

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