«J’ai été vraiment surpris quand le fisc a débarqué et qu’il m’a refusé toutes mes factures sous le prétexte qu’elles sont en format électronique. On m’a dit qu’elles n’étaient pas valides. J’ai eu beau leur expliquer qu’elles sont signées par un certificat électronique, ils n’ont rien voulu savoir», raconte un chef d’entreprise dont une partie de l’activité se fait en offshore. «L’utilisation de la facture numérique dans la plupart des startups étrangères est une monnaie courante. Je me retrouve maintenant contraint de les recontacter pour qu’ils me les impriment toutes et me les envoient par voie postale. Et on s’étonne encore pourquoi le commerce électronique ne décolle pas en Tunisie !».
«J’ai été vraiment surpris quand le fisc a débarqué et qu’il m’a refusé toutes mes factures sous le prétexte qu’elles sont en format électronique. On m’a dit qu’elles n’étaient pas valides. J’ai eu beau leur expliquer qu’elles sont signées par un certificat électronique, ils n’ont rien voulu savoir», raconte un chef d’entreprise dont une partie de l’activité se fait en offshore. «L’utilisation de la facture numérique dans la plupart des startups étrangères est une monnaie courante. Je me retrouve maintenant contraint de les recontacter pour qu’ils me les impriment toutes et me les envoient par voie postale. Et on s’étonne encore pourquoi le commerce électronique ne décolle pas en Tunisie !».
Plusieurs entreprises tunisiennes tentent, depuis des années, de se lancer dans le commerce électronique, mais peu (pour ne pas dire aucune) de ces startups n’a réussi à s’imposer avec un modèle économique à la «ebay». C’est à dire la dématérialisation complète, et de bout en bout, du processus d’achat/vente. En Tunisie, on peut, en effet, acheter son produit en ligne grâce aux interfaces de paiement électroniques comme la SMT (Société Monétique Tunisie) ou la Poste tunisienne. Mais il est impossible de récupérer cette facture d’achat sous format numérique. Si ceci ne pose guère de problème aux particuliers, cela devient, par contre, très dérangeant pour les entreprises qui doivent justifier leurs achats ou leurs ventes en cas de contrôle fiscal.
Et pourtant, la Tunisie était parmi les premiers pays au monde à mentionner la certification électronique dans sa législation. En 2001, une loi a été, en effet, publiée dans le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT) : elle annonce, clairement, que tout document signé électroniquement par l’Agence Nationale de Certification Electronique (ANCE) est jugé valide.
«Elle est, peut-être, valide juridiquement. Mais pas fiscalement», nous répond Habiba Louati, directrice de la DGELF (Direction Générale des Etudes et de la Législation Fiscales) rattachée au ministère des Finances. «Il existe ce qu’on appelle le code de la TVA. Notamment l’article 18 qui définit et décrit, noir sur blanc, les critères de facturation, de déclaration et de contrôle fiscal. Or ce texte ne fait aucunement mention du processus à appliquer dans le cas d’une facture signée électroniquement».
Mais cet article ne peut-il être sujet d’interprétation en se basant sur le JORT de 2001 ? Surtout que ce fameux article ne fait pas mention de la nature exacte de la facture.
La réponse de Mme Louati était on ne peut plus claire : «Tant qu’on ne mentionne pas le terme ‘facture électronique’, les contrôleurs fiscaux ne peuvent partir dans des interprétations personnelles du texte de loi. Et pis, avant même de parler de notion de facture numérique, il faut, déjà, qu’on soit outillé pour contrôler ces factures. Du coup, il faut trouver le processus qui va avec. Faut-il les envoyer sur un serveur distant avec la signature électronique ? Faut-il les mettre sur une clé USB ou un CD ROM puis les donner à la recette des finances lors de la déclaration ? Il y a tellement de détails qu’il faudra étudier avant même de mettre à jour le code de la TVA».
Habiba Louati, directrice de la DGELF (Direction Générale des Etudes et de la Législation Fiscales)
En termes plus clairs, et d’après la directrice de la DGELF, le challenge n’est pas dans la mise à jour des lois. Le vrai challenge est de mettre en place un processus technique clair. Une garantie pour le ministère des Finances pour que les fraudeurs n’y exploitent pas une faille et évitent de payer leurs dus. «Déjà qu’on souffre beaucoup de l’évasion fiscale avec les factures classiques. Alors que dire pour l’électronique ?», s’exclame-t-elle.
Cette réticence par rapport aux factures numériques s’explique, donc. De ce fait, le décret de 2001 restera sans intérêt tant que le code de la TVA ne sera pas mis à jour.
Que faut-il faire dans ce cas ? «Nous à la DGELF, nous sommes favorables à l’introduction de la notion de facture numérique dans le processus du contrôle fiscal», repond Mme Louati. «Faudra juste que le ministère des TIC, le ministère du Commerce et le ministère des Finances collaborent ensemble pour faire avancer le dossier».
Le commerce électronique se base en grande partie sur la dématérialisation des paperasses administratives. Mieux : en substituant à ces derniers des documents signés électroniquement, chaque entreprise peut augmenter sa productivité en réduisant drastiquement les délais de traitement et les charges avec (envois de fax/courrier officiel, délais de traitement, traçabilité, archivage, etc.).
Quand THD a commencé son enquête sur le sujet des certificats électroniques en décembre 2012, nous étions choqués de voir la complexité des procédures administratives basées sur le papier classique. Une petite visite dans les bureaux du ministère des Finances nous a fait constater que les ordinateurs qui y sont installés sont, la plupart du temps, fermés. Ils ne sont utilisés que si l’employé a besoin de récupérer un document sur Internet ou effectuer une recherche (ou naviguer sur facebook).
Nous étions encore plus choqués en discutant avec quelques cadres des ministères des Finances et du Commerce sur l’utilité d’Internet pour booster l’économie nationale. «Mais vous rêvez ! Comment voulez-vous qu’on ait confiance (en Internet, ndlr) ? N’avez-vous pas vu toutes ces pages facebook qui ont été piratées ?», nous a répondu l’un d’eux. «On ne peut pas adopter les factures électroniques. Qui nous assure que le certificat électronique délivré par l’ANCE est original et sécurisé ?», rétorque un autre.
«Mais c’est l’agence de l’Etat bon sang !», s’étonne un technicien de l’ANCE. «Si un ministère n’a pas confiance dans la sécurité des certificats d’une agence sous la tutelle d’un autre ministère -et dans laquelle l’Etat a investi lourdement pour qu’elle soit dans les normes internationales-, qui le fera alors ?»
Durant notre enquête, nous avons eu notre lot d’informations et de démentis. Le point commun : une méconnaissance totale du rôle de l’ANCE et du rôle d’Internet dans les opérations financières en général. C’est le cas de la télé-déclaration et la réticence des experts comptables à utiliser ce système pour leurs clients. A suivre.
Welid Naffati