Près d’un an après que les législateurs en Tunisie ont présenté un projet de loi pour mettre en place une carte d’identité biométrique, l’ONG Access Now et d’autres groupes de la société civile commencent à voir un changement dans le discours public, en mettant davantage l’accent sur les ramifications du projet de loi pour les droits numériques. Cela est très important, parce que la mise en œuvre de la carte d’identité met par conséquent, la vie privée des Tunisiens en danger.
Le peuple tunisien doit maintenant défendre ses intérêts pour s’assurer que la proposition de loi sur la carte d’identité biométrique ne soit pré-adoptée sans les garanties appropriées pour les droits fondamentaux des Tunisiens.
Vos informations les plus sensibles sur une carte
Le 5 août 2016, le Ministère de l’Intérieur introduit au Parlement un projet de loi pour transformer la carte d’identité tunisienne en une carte d’identité biométrique avec puce électronique. Ce projet de loi a été proposé pour amender la loi n°27 de 1993 qui régit les spécificités et les mécanismes de l’utilisation de la Carte d’Identité Nationale (CIN). La nouvelle carte d’identité biométrique sera datée d’une puce électronique incorporée, avec un système qui permet de collecter toutes les informations sur votre vie, biométriques ou pas, dans un seul et même endroit.
Malgré l’importance de ce projet de loi et son impact sur la vie privée tel que nous l’avons détaillé auparavant, le discours public n’a pas encore abordé la question. Il y a eu très peu de discussions publiques. Ce n’est que récemment que les médias y sont intéressés et ont commencé à parler des ramifications de ce projet de loi.
Le 13 juin 2017, deux stations radio principales ont accueilli monsieur Chawki Gaddes, le président de l’Instance Nationale de Protection des Données Personnelles, ‘’INPDP’’. Sur Express FM, le dialogue portait sur le projet de la nouvelle loi concernant l’adoption de la carte biométrique. M. Gaddes a expliqué que cette carte d’identité constitue une menace pour leur vie privée et la protection des données à caractère personnel des citoyens tunisiens. Par conséquent, le gouvernement doit être clair quant à savoir qui aurait accès aux données personnelles des individus et où ces informations seraient stockées en premier lieu. La deuxième discussion a eu lieu sur Mosaïque FM, où M. Gaddes a exprimé ses craintes dans l’absence de régulation présente, la carte pourrait être utilisé comme un moyen de répression. Étant donné cela, et même avec ces avertissements graves concernant la vie privée, Boubaker Bou Akacha, le journaliste qui a interviewé M. Gaddes, a exprimé que la carte doit être adoptée, quand même, au nom de la modernisation technologique et la lutte contre le terrorisme. Il a déclaré, sans preuve, que les Tunisiens approuvent cette nouvelle carte CIN.
On a encore du temps pour protéger la vie privée des Tunisiens
Alors, qu’est-ce qui se passe maintenant? Heureusement, le Parlement a reporté l’examen du projet de loi en plénière, en donnant au public plus de temps pour comprendre ce qu’il y a dans le projet de loi et en préconisant des garanties de protection de la vie privée.
Seulement le 21 Juin 2017, la commission parlementaire chargée d’examiner le projet de loi, a indiqué qu’elle révisera le texte en entier et par section.
La situation est inquiétante car elle met les informations personnelles et les droits fondamentaux des Tunisiens en danger; néanmoins, peu de gens sont conscient de ce qui se passe. S’il se passe sans les amendements appropriés, le projet de loi est susceptible de conduire des sérieuses violations graves des droits fondamentaux sur la vie privée qui sont garantis par la constitution tunisienne et les lois qui régissent la protection des données privées et la vie privée. En effet, ce projet de loi ne fait référence à aucune procédure ou garde-fou substantiels sur le type de données qui sera collecté, où ces données seront stockées, et qui y aura accès et comment.
Comment le manque de protection de la vie privée nous rend vulnérables?
Le manque de protections dans ce projet de loi ouvre la porte à l’abus de notre droit à la vie privée en Tunisie. Concrètement, parce que le projet de loi actuel n’indique pas où ou comment les données des citoyens seront stockées, il existe de sérieuses inquiétudes quant à la sécurité des données elles-mêmes. Qu’est-ce qui protège ces données contre les pirates informatiques? Pourquoi le gouvernement fera-t-il une plateforme centralisée d’informations sur nos vies, une cible attrayante pour le piratage? Comment un citoyen peut-il garantir que ses informations seront protégées de manière appropriée contre les accès et les abus commis par des criminels ou des gouvernements étrangers? Est-ce que la société privée qui fournit le système et organise les données a accès à l’information stockée dans les cartes d’identité? Serons-nous informés en cas de violation de nos informations privées? Ces questions n’ont pas encore été traitées.
Pour aggraver les choses, la mise en œuvre d’une nouvelle carte d’identité serait très coûteuse. Le coût est estimé à environ 30 millions de dinars tunisiens (environ 12,5 millions USD). Payerons-nous davantage pour voir notre vie privée violée?
Que pouvez-vous faire pour aider? Dites au gouvernement, #firstmyprivacy
Il est temps pour chacun de s’exprimer. Partagez cette publication largement sur Facebook, Twitter et toutes les autres plateformes de médias sociaux en utilisant les hashtags #firstmyprivacy et #protectTunisia. Dites au gouvernement, à votre famille et à vos amis: Nous ne pouvons pas soutenir cette carte d’identité, sans ajouter des protections importantes et absolument nécessaires pour garantir nos droits.
Source : Communiqué