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Nous avons visité pour vous le Dark Web où cohabitent perversion et bienfaisance


Il existe un Internet peu connu des Tunisiens et des internautes en général. La photo choisie pour cette Une (au dessus de l’article), résume parfaitement cette situation. Durant la préparation d’un dossier sur le BitCoin, la rédaction a contacté un jeune prodige de l’Internet tunisien. A peine âgé de 18 ans, Hassen Aouali a déjà à son actif ce qu’il préfère appeler une e-company, c’est à dire une startup virtuelle où il développe plusieurs services allant du référencement à la création de sites Web en passant par le développement d’applications mobiles.

A l’âge de 14 ans, Hassen Aouali avait déjà une carte de crédit Mastercard, qu’il a pu se procurer pour acheter en toute liberté et en devise plusieurs services sur Internet, dont les noms de domaine. Cet autodidacte a donc pu rapidement se frayer un chemin respectable dans l’entrepreneuriat dans l’écosystème Internet. Son prochain Challenge malgré la rentrée scolaire dans les prochains jours ? L’investissement dans le BitCoin.

«Saviez-vous que ce BitCoin est très utilisé dans le Deep Web et Dark Net?», nous a-t-il interpellé. Et c’est quoi ce Deep Web (le Web profond ou caché) et le Dark Web (le Web sombre) ? «C’est la face cachée d’Internet que 90% des internautes ne connaissent pas réellement», a-t-il rétorqué. «Suivez-moi, je vais vous emmener faire un tour. Avez-vous Teamviewer pour me connecter à distance à votre ordinateur ?». A notre demande s’il peut nous filer des adresses Web directement, sa réponse était catégorique : «Non. C’est trop risqué avec les hackers qui sévissent là bas, sans parler de la Mafia qui détectera la moindre IP. De toutes les façons, il y’a des services du Dark Web qui ne peuvent être accédés par un navigateur normal».

Teamviewer activé, partage d’écran effectué, nous voilà sur le PC de Hassen Aouali. «Maintenant, je vais ouvrir la porte du Dark Web», a-t-il balbutié avant de cliquer sur une icône. C’est le fameux proxy Tor (que beaucoup de Tunisiens connaissent et ont déjà utilisé il y a plus de 8 ans quand la machine de censure de Ben Ali était à son comble). Un navigateur portant la fameuse icône de l’oignon typique à Tor, s’ouvre. C’est le Tor Browser qui se connecte à 3 proxys différents. «C’est nécessaire pour brouiller les pistes et rester anonyme», a commenté Hassen Aouali. Quelques secondes plus tard, il est déjà sur Internet via une adresse anonyme (dans le monde des proxys, les connexions sont généralement lentes quel que soit le débit de connexion et ce, à cause des capacités des serveurs eux-même).

Premier baptême du feu : les noms de domaine. Il existe, en effet, sur Internet des réseaux plus ou moins cachés qui utilisent des protocoles ou des noms spécifiques que l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN, une autorité de régulation et de standardisation de l’Internet) n’a pas homologué ou standardisé.

Avec Tor, l’un de ces réseaux a carrément son propre Domaine Name Server (DNS, le serveur qui transforme le nom d’un site en une adresse IP). Il porte l’extension .onion (à l’instar du .com ou .org, etc.). Et… surprise ! Ce Dark Web a son propre «Google». Un des plus grands (pour ne pas dire l’unique) moteur de recherche qui référence les URL/sites en .onion. Il s’appelle DuckDuckGo.

Durant notre tour rapide avec Hassen Aouali, nous sommes passés sur un site de «services» où un pirate met à la disposition du public ses services de hacking. Et le prix en BTC ou BitCoin (1 BitCoin = 4300 dollars US environ, selon une bourse d’achat/vente qui change quotidiennement) varie selon le service. Allant du simple piratage d’un compte mail ou compte Facebook, au piratage des serveurs, voire le piratage du PC de la dite personne, en y laissant un contenu pédopornographique avec des traces de l’identité de la même personne sur les réseaux de transfert/échange de contenu pédopornographique et ce, afin de faciliter son arrestation par la police.

«C’est du soft ça. C’est rien ! Préparez-vous au pire !», nous a-t-il lancé avant d’ouvrir un nouveau lien en .onion. C’est un site pornographique très macabre. Dans ce site, les Internautes peuvent souscrire anonymement à un abonnement en BTC. Que peuvent-ils avoir en contre partie ? L’accès à une médiathèque «riche» en photos et vidéos où on peut voir plein de jeunes filles violées, torturées puis tuées. «Y’a pire», a rajouté notre guide dans les labyrinthes cachés du Net. «Il y a même des sites d’apologie du cannibalisme qui montrent comment cuir la chaire humaine et des photos de comment préparer un barbecue avec le cadavre d’un être humain. Je vous l’ai bien dit : il y a pire! Sans parler du contenu pédopornographique, la vente de drogue et le commerce des êtres humains pour de l’esclavage».

On avait cru avoir touché le fond avec ce que nous avons pu voir de nos propres yeux, en ce petit tour de 5 minutes. Mais finalement, le coup de grâce nous a été réservé pour la fin : Un tour rapide de deux sites particuliers. Un site de «services» où des internautes commandent, anonymement, l’assassinat d’une personne.

Le paiement du tueur à gage s’effectue en BTC. Ironiquement, le site affiche en anglais des Conditions Générales de Vente (CGV), où on y lit, entre autre, que le commanditaire doit payer 50% de la somme avant l’acte, mais qu’il n’y a aucune garantie que le tueur à gage honore son engagement. Si la victime se trouve dans un pays où cette ‘Mafia’ ne sévit pas, d’autres frais relatifs au voyage et à la création de documents ‘officiels’ falsifiés seront ajoutés à l’avance. Pire encore : Le commanditaire pourrait assister de loin à l’acte s’il souhaite que ça se fasse dans un lieu public comme un parking.

Le 2ème site encore plus morbide est de type Red Room. C’est à dire la diffusion en ‘Live Streaming’ de la torture d’un être humain vivant. «Généralement un SDF ou une personne immigrée illégalement», a précisé Hassen Aouali. «On paye l’accès en avance comme simple spectateur ou comme master. C’est à dire qu’on ordonne à la personne présente dans le ‘Red Room’ d’utiliser un des outils disponibles à la torture. Mais le Grand Master, qui paye un accès VIP dans l’ordre de 10 BTC (soit environ 120 mille dinars) peut tuer la victime comme bon il lui semble».

Avez-vous pu y accéder ? «Jamais !», a-t-il répondu sur un ton très sérieux et horrifié. «C’est très morbide et horrible. Déjà que j’ai pu à peine m’habituer aux bizarreries des liens sur lesquels je tombe dans le Dark Web après une année et demi d’utilisation, je ne vais pas commencer à chercher à voir des victimes tuée par des personnes psychotiques qui pensent détenir le pouvoir via leur clavier et leur BitCoins !», a-t-il ajouté.

Une fois cette visite guidée terminée (en moins de 20 minutes), nous nous sommes mis à nous documenter sur le Deep Web, le Dark Web et le Dark Net. Avant d’expliquer succinctement chaque définition, nous pouvons affirmer que les ‘Red Rooms’ sont des sites mensongers qui visent à extorquer des BitCoins à quelques crédules. Les réseaux P2P cryptés des proxys du type Tor sont, en effet, très lents et ne peuvent offrir une bonne qualité de Live Streaming.

Ceci étant dit, il est possible qu’on propose des vidéos de torture enregistrées au préalable. Mais là encore, il est difficile de le savoir car il est pratiquement impossible de mener des vérifications ou des études sur le Dark Net vu la nature même de ce type de réseau où les connexions sont cachées et où l’anonymat est la règle.

Une autre recherche sur Google nous apprend rapidement que les Red Rooms sont plutôt le fruit de l’imaginaire commun après l’affaire de Peter Scully (voir Wikipedia https://en.wikipedia.org/wiki/Peter_Scully).

Revenons maintenant au Deep Web. Contrairement à la légende populaire sur le Net, cet Internet profond n’est autre que les sites/pages/réseaux que nous utilisons chaque jour sur Internet mais qui ne sont pas indexés par les moteurs de recherche tel que Google. Ainsi, le fil d’actualité Facebook, le compte mail, les discussions FB messenger, les pages de réservation en ligne des hotels/tickets, les réseaux internes d’entreprises, etc. forment ce Deep Web.

Le Dark Net, et comme expliqué ci-dessous, est un ensemble de réseaux spéciaux tels que les .onion qui hébergent le contenu du Dark Web. Vous pouvez consulter ces deux vidéos sur Youtube pour mieux comprendre la nuance (cliquez ici pour le Deep Web et ici pour le Dark Net/Web).

Nous ne vous cachons pas qu’après cette virée, la publication de cet article a fait l’objet de longues discussions (beaucoup de malaise et quelques cauchemars). Cependant, nous avons finalement décidé de diffuser ces informations et de partager avec vous une expérience peu commune. Nous nous sommes posé la question : ‘Faut-il éviter ce Dark Web ?’ Probablement oui. Mais n’oublions pas que ce Dark Web sert également aux journalistes pour échanger en toute sécurité des données sensibles dans le cadre de leurs travaux d’investigation. Il est également utilisé par des Whites Hats (des pirates bienfaiteurs) pour s’attaquer, justement, aux réseaux de pédophilie.

Welid Naffati

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