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Peut-on parler de e-gov avec un Etat tunisien et une administration publique effrités?

Peut-on parler de e-gov avec un Etat tunisien et une administration publique effrités?

«La gouvernance est un concept qui se base sur la participation de tous les éléments de la société. Et la transparence est l’une des composantes de la bonne gouvernance. Quant à la e-governance, c’est un concept qui se base sur l’application de cette gouvernance par le moyen des communications électroniques», a expliqué Charfeddine Yaakoubi de l’association tunisienne des auditeurs publics lors de la première conférence internationale sur le e-gov qui s’est déroulée à Gammart le mardi 13 mai dernier.

Peut-on parler de e-gov avec un Etat tunisien et une administration publique effrités?«La gouvernance est un concept qui se base sur la participation de tous les éléments de la société. Et la transparence est l’une des composantes de la bonne gouvernance. Quant à la e-governance, c’est un concept qui se base sur l’application de cette gouvernance par le moyen des communications électroniques», a expliqué Charfeddine Yaakoubi de l’association tunisienne des auditeurs publics lors de la première conférence internationale sur le e-gov qui s’est déroulée à Gammart le mardi 13 mai dernier.

Avec les moyens technologiques disponibles maintenant, il est en effet possible que le citoyen suive et participe à toutes les décisions de la commune tout en restant chez lui. On se rappellera ainsi de l’initiative de la commune de Sayada en publiant la liste détaillée de ses budgets en ligne via son propre portail ou encore en lançant des appels à participation aux habitants de la région pour créer une sorte de Wiki Local disponible gratuitement sur le Web afin de promouvoir la destination d’un point de vue touristique. D’ailleurs, d’autres communes tentent de suivre le pas de Sayada à l’instar de la commune de Tozeur et de l’Ariana ou encore de Hammam Chott sur facebook.

Sehl Mellouli

Sehl Mellouli

Mais comment peut-on pousser les Tunisiens à participer à cette e-gouvernance avec un taux relativement faible de connectés et un chiffre non négligeable d’illettrés surtout chez la population sénior à l’intérieur des régions ? «Nous avons mené une expérimentation au Canada dans le cadre d’un projet pilote de e-gov», a déclaré Sehl Mellouli de Laval University du Quebec. «Nous avons offert une tablette à une septuagénaire et lui avons montré comment elle pouvait voir et discuter avec ses petites filles. Elle en était tellement contente qu’elle a fini rapidement par adopter cette tablette comme moyen de communication. Nous sommes revenus 3 semaines plus tard pour lui montrer comment elle peut lire l’actualité sans avoir à se déplacer pour acheter le journal». 

Pourquoi 3 semaines ? C’est parce que c’est le temps nécessaire à la septuagénaire pour s’habituer à la nouvelle fonctionnalité. Résultat de cette expérimentation : cette femme âgée n’arrive plus à se séparer de sa tablette et a même commencé à former ses ami(e)s sur son utilisation. Ce moyen intelligent a fait que même les plus récalcitrants à la nouvelle technologie peuvent participer à la gouvernance participative via le Web.

Bien évidemment, ceci reste tributaire aussi de la connectivité. Car à quoi bon d’avoir des tablettes si on n’arrive pas à avoir une bonne connexion ? Elyes Ben Sassi, directeur marketing entreprise de Tunisie Telecom, a donc fait une présentation pour assurer que cette connectivité est déjà prête. Avec plus de 16 mille kilomètres de fibre optique et une couverture 3G sur pratiquement tout le territoire, l’opérateur historique peut offrir un accès haut débit au Net. Et question contenu numérique, M. Ben Sassi a affirmé que TT a déjà une infrastructure toute prête pour héberger ce contenu dans ses Data Centers sur le Cloud. Après tout, c’est grâce au contenu qu’on arrive à encourager le citoyen à utiliser cette connexion Internet. Comment ? En créant le besoin avec des données qui soient utiles pour le Tunisien.

Elyes Ben Sassi

Elyes Ben Sassi

Certes, pour éradiquer les zones blanches, il faudra mutualiser les efforts pour connecter les zones éloignées et peu denses. Heureusement que le service universel se chargera de ce détail avec une enveloppe de 8 millions de dinars (lire notre article). Mais quid du contenu ? Car sans une politique claire d’encouragement à la création du contenu numérique local (paiement des factures et de la TVA en ligne, chercher du travail, encaisser ses mandats, etc.) ça sera difficile de pousser les gens à utiliser le Net et à rester connectés.

Mais pour M. Yaacoubi, le problème est encore plus profond : «Au jour d’aujourd’hui, on ne peut même pas parler de gouvernance en Tunisie. Avec cet incivisme ambiant et cette banalisation des erreurs. On ne peut inciter les gens à participer à la gouvernance quand ils sont déresponsabilisés. On parle tout le temps des droits mais jamais des devoirs. Du coup, on voit tout le monde stopper les réformes, même si elles sont nécessaires, car elles risquent de toucher aux entrées d’argent d’une telle ou telle entreprise, ou d’un tel ou tel groupe de personnes».

Avec un ton encore plus grave, M. Yaacoubi ira jusqu’à tirer la sonnette d’alarme sur une dérive qui mènera toute la Tunisie au naufrage : «Et puis c’est quoi cette politique de sacrifice des entreprises publiques, telles que Phosphate Gafsa et TunisAir, au nom de la paix sociale ?»

Charfeddine Yaacoubi

Charfeddine Yaacoubi

Selon cet auditeur public, les capacités de réformes sont insuffisantes. Et les raisons de ceci s’expliquent par l’actualité politique agitée. «Comment peut-on avoir une stratégie de gouvernance quand il y a une instabilité politique avec un enième gouvernement de transition ?», a-t-il remarqué à juste titre. Et la performance des partis politiques a aussi sa part de responsabilité. «Tous les partis politiques donnent des engagements qu’ils oublient aussitôt arrivés au pouvoir. Aujourd’hui, nous observons un cynisme de la population face à la classe politique. Il suffit de voir les salles comment elles sont horriblement vides lors des débats des députés avec les citoyens sur la constitution», rajoute-t-il.

«Aujourd’hui, on ne peut même pas parler de gouvernance puisque c’est la notion d’Etat qui est en pleine déperdition car ses administrations sont en train de s’effriter. Il faut un leadership ferme et une réelle volonté politique si on veut redresser la barre et reparler de nouveau de la gouvernance», a-t-il conclu. 

Welid Naffati

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