Les actes de piratage et de vandalisme sur le Net ont toujours existé. Leur fréquence, par contre, ne cesse de croître d’année en année. Lors de sa présentation à la 4ème édition du Storage and Security Forum à Tunis le 27 novembre dernier, un représentant de Kaspersky a mis en exergue la corrélation qui existe entre la virulence des attaques informatiques et la tension politique…
Les actes de piratage et de vandalisme sur le Net ont toujours existé. Leur fréquence, par contre, ne cesse de croître d’année en année. Lors de sa présentation à la 4ème édition du Storage and Security Forum à Tunis le 27 novembre dernier, un représentant de Kaspersky a mis en exergue la corrélation qui existe entre la virulence des attaques informatiques et la tension politique.
C’est le cas de la menace appelée STUNET en juin 2010, qui a ciblé les centrifugeuses nucléaires en Iran, ou encore de l’APT (Advanced Persistent Threat), MAHDI, détecté en février 2012 en Israël, Afghanistan et Iran, et qui enregistre les frappes sur un clavier ainsi que les photos et les textes d’un ordinateur.
Bien qu’elle soit de moindre gravité, cette guerre cybernétique n’a pas épargné la Tunisie. Les actes de piratage des pages facebook de l’opposition et de leurs sites Internet respectifs, se sont multipliés depuis la montée du parti islamiste Ennahdha au pouvoir. La riposte du camp adverse ne s’est pas faite attendre, puisqu’on dénombre quelques sites/pages Facebook proches du pouvoir qui ont été piratés par des courants gauchistes. On se rappellera également du piratage des mails de Hammadi Jebali, secrétaire général d’Ennahdha et actuel premier ministre, par le groupe de cyber activistes Anonymous.
Les «defaces» pour adresser un message politique
Mais en réalité, ces actes de piratage et de sabotage n’ont pas commencé après le 14 janvier 2011. Sous Ben Ali, en effet, des pirates ont été recrutés par les officines du palais de Carthage dans le but de s’infiltrer dans les sites des opposants à Zaba, voire même dans leurs mails et leur PC. Leur but : étouffer toute voix discordante au régime en supprimant tout leur contenu.
On peut donc affirmer qu’après la «révolution», cette tendance s’est amplifiée avec la pluralité du paysage politique et médiatique. Mais le mode opératoire, par contre, a changé. Les hackers ne suppriment plus le contenu des sites/pages facebook victimes. Ils ne font que narguer leur administrateur en laissant, un ou plusieurs messages sur la page d’accueil.
Des messages qui expriment, la plupart du temps, une opinion critique envers tel ou tel idéologie/courant politique soutenu par le site ou la page facebook qu’ils ont visé. Jusque-là, rien a changé depuis le 14 janvier 2011. Mais on voit depuis quelques jours, une recrudescence des actes de piratage des boites mails des partis politiques ou des journalistes proches de quelques politiciens.
Les coups bas médiatiques grâce au piratage
On citera à la volée la supposée capture d’écran de la boite mail de Chokri Belaid diffusée par le groupe proche du gouvernement Fallagas. Ou encore la diffusion par des pages pro Ennahdha et CPR, de captures d’écran d’échanges de messages facebook entre la journaliste Kaouther Zantour du journal Le Maghreb et Mohsen Marzouk, membre du bureau politique du parti Nida Tounes.
Et peu importe si l’authenticité de ces captures d’écran reste à vérifier, avec cette anarchie ambiante, on s’attarde peu sur l’origine de ces pièces à conviction, tant que le buzz médiatique discréditera l’adversaire. Après tout, en politique, tous les coups (bas) sont permis.
Comme c’est le cas du supposé mail de Noureddine Bhiri s’adressant au bureau politique d’Ennahdha où il leur demandait de mener une contre-attaque médiatique justifiant son emprisonnement malgré le jugement du tribunal de cassation. Ce mail qui aurait été diffusé par Anonymous (un groupe d’activistes anti-gouvernemental) a été, le jour-même, présenté sur la chaîne Ettounseya à une heure de grande écoute comme étant un leak de la boite mail de Noureddine Lebhiri.
Où est le vrai, ou est le faux ?
Malgré les multiples arguments techniques avancés par la page Anonymous TN pour prouver l’authenticité de cette missive, beaucoup de personnes ont quand même tiqué sur le nom de Tahar Boubahri, comme propriétaire de la session ouverte sous Outlook.com. Pourtant, ce nom n’apparaît nul part dans la liste des destinataires dudit mail.
Dernier exemple en date : la diffusion dimanche d’un document à charge contre le parti de Rached Ghannouchi où on lit le planning des publications des pages facebook pro-Ennahdha. Bref, tout un programme pour influencer l’opinion publique en faveur du gouvernement. Seulement voilà, cet acte a été revendiqué par le groupe Fallagas puisqu’il a été partagé sur l’ancienne page UGTT piratée, justement, par ce groupe proche d’Ennahda ! Pire encore : ils expliquent la fuite de ce document (non signé) grâce au piratage du site du parti islamiste. Pourtant, personne n’a pu affirmer ce qu’avance ce groupe de pirates.
Une chose est claire : la guerre politique entre la Troïka et ses opposants va certainement s’intensifier dans les jours à venir par des coups de plus en bas, essentiellement grâce à Internet. Et c’est encore Facebook qui jouera un rôle essentiel comme support de diffusion. Le but final ? Manipuler l’opinion publique via le bouche à oreille créé sur les réseaux sociaux, puisque ces derniers gardent encore une certaine crédibilité par rapport aux médias dits classiques.
ImedEddine Ben Najem