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Pourquoi la 5G nous coûte cher en Tunisie ? 

Il y a de cela à peine un mois, les trois opérateurs de téléphonie mobile opérant sur le marché tunisien ont lancé la 5G, soit cinq ans après les tous premiers lancement dans d’autres pays, la Corée du Sud notamment. Avec l’arrivée de la cinquième génération des réseaux mobiles sur nos téléphones — seulement ceux qui sont compatibles avec cette technologie bien évidemment — les voix se sont élevés critiquant le coût des forfaits proposés par les opérateurs. Les prix de certaines offres ont en effet été revus à la hausse. 

Les raisons ? Commençons par la plus simple. 

La 5G n’est qu’à ses débuts en Tunisie. Comme pour toute nouvelle technologie, les coûts de lancement sont généralement plus élevés au départ avant de baisser progressivement avec le temps. Les tarifs proposés par plusieurs autres opérateurs dans le monde étaient effectivement bien plus élevés qu’aujourd’hui. Le tarif moyen était de 20 euros il y a de cela quelques années, alors qu’il se situe actuellement à 10 euros. Pour mieux vous situer, le coût moyen de 1 Go de données mobiles en Corée du Sud était de 12,5 euros en 2022, Selon une étude de Cable.co.uk. La même source indique qu’en Belgique le coût moyen de 1 Go de données mobiles était de 3 euros la même année et en France 0,32 euros. 

Plusieurs autres facteurs expliquent la différence de prix entre la 5G et la 4G en Tunisie. D’abord, le coût de la 5G. L’infrastructure nécessaire à son déploiement est onéreuse. Les équipements sont achetés aux prix appliqués à l’international, ce qui alourdit encore davantage l’investissement. À cela s’ajoutent les taxes douanières tunisiennes : les produits télécoms importés sont soumis à des droits de douane de 20 %, ce qui impacte directement les coûts de mise en place du réseau.

Contrairement à la 4G, qui repose sur des antennes espacées de plusieurs kilomètres, la 5G nécessite, elle, un maillage beaucoup plus dense. Les fréquences utilisées (notamment les ondes millimétriques) ont une portée plus courte, obligeant les opérateurs à installer un grand nombre de petites antennes, notamment en milieu urbain. Ce déploiement intensif entraîne des coûts élevés en matière d’installation, de maintenance et d’acquisition de sites.

Les fréquences radio utilisées pour la 5G ne sont pas gratuites. Les opérateurs doivent donc investir des milliards de dinars pour les acquérir (337 500 TND par MHz pour chaque couple de fréquences en dessous de 1 GHz et 225 000 TND par MHz pour chaque couple de fréquences entre 1 GHz et 3 GHz — LF 2018) sans parler de la redevance de 13% sur les fréquences. 

Le développement de la 5G a, en plus, nécessité des années de recherche et d’innovation pour développer les équipements (antennes, routeurs, modems) et les avancées technologiques (Network Slicing, entre autres) nécessaires à son déploiement. 

Son adoption ne se limite pas, non plus, qu’aux infrastructures : les utilisateurs doivent également disposer d’appareils compatibles. Les smartphones et objets connectés doivent être équipés de modems 5G spécifiques, ce qui les rend souvent plus chers que leurs équivalents 4G. Un modem 5G coûte actuellement dans les 80 dollars. Il y a de cela deux ans ces équipements étaient commercialisés à des prix allants de 100 à 150 dollars. 

Même si la 5G promet une meilleure efficacité énergétique à long terme, son déploiement initial demande plus d’énergie que la 4G. Les antennes 5G consomment davantage en raison de la densité du réseau et du volume croissant de données échangées.

Tous ces frais supplémentaires sont inévitablement répercutés sur les abonnements des consommateurs, ceux qui souhaitent accéder à un service premium. La 5G offre de meilleures performances que la 4G : vitesses de téléchargement plus rapides, latence réduite et capacités accrues pour les objets connectés et les applications industrielles, il est tout à fait légitime et naturel que la tarification soit plus élevée. L’amélioration et l’efficacité ont un coût ! 

Revenons maintenant aux détails de la tarification de la 5G en Tunisie. Rappelons d’abord que le régulateur national, l’Instance nationale des télécommunications (INT) a imposé depuis des années des plafonds et un coût moyen par Go de données mobiles pour ainsi éviter aux opérateurs de se faire la guerre et protéger, ainsi, les consommateurs tunisiens. 

Au lancement de la 4G, le prix moyen recommandé par Go était de 4,5 dinars pour tout achat de forfait inférieur à 1Go de données mobiles. Pour les forfaits en gros, soit 25 Go et plus, le prix moyen recommandé par Go était de 1 dinar. 

Au lancement de la 5G, les prix appliqués à l’achat en gros, n’ont changé que de peu, contrairement à ce que l’on pense. Si l’on prend par exemple le forfait de 25 Go actuellement commercialisé chez l’un des opérateurs à 30 dinars seulement, le coût du Go reviendrait alors à 1,2 dinars, soit deux cents millimes de plus que le tarif appliqué pour ce même forfait en 4G.

Cette augmentation ne touche qu’une population minime, car, selon les chiffres dont nous disposons, les abonnés qui achètent les forfaits en gros ne représentent que 10% des clients des trois opérateurs. 

Cette légère hausse servirait probablement à équilibrer les paliers pour maintenir la stabilité financière du marché. En effet, le régulateur national impose aux opérateurs des prix planchers dans une logique de contrôle ex-ante. Cela dit, l’INT souhaiterait passer au contrôle ex-post, à terme, comme c’est le cas dans plusieurs autres pays où le secteur des télécoms est soumis à une régulation à postériori ou à la co-régulation. 

Pour les forfaits inférieurs à 1 Go, le prix est exactement le même que celui appliqué pour la 4G, c’est à dire 4,5 dinars par Giga. 

Autre fait que l’on ne peut ignorer : l’introduction d’un nouveau forfait de 4 Go au prix recommandé de 10 dinars seulement, sachant que ce même forfait coûtait 13 dinars sur la 4G. 

Il va sans dire que la recharge internet mobile chez les trois opérateurs  coûte moins cher si faite via leurs applications mobiles ou par cartes bancaires. 

Arrêtons donc d’enculer des mouches et concentrons nous plutôt sur les opportunités qui accompagnent le lancement de la 5G, surtout que pour le moment aucun des opérateurs n’a présenté une offre digne des avantages de la 5G, pour les particuliers notamment, en dehors des forfaits data et voix. 

Comme toute technologie émergente, la 5G verra ses prix baisser avec le temps, à mesure que le réseau s’étend et que le nombre d’utilisateurs augmente. Une concurrence accrue entre opérateurs contribuera également à la baisse des tarifs, comme cela a été le cas pour la 4G. Il serait plus judicieux de s’intéresser à l’innovation, la connectivité et de développement économique qui devraient arriver avec la 5G. 

Nadya Jennene 

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