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Pourquoi Tunisie Telecom a tenu à raccorder l’extrême sud saharien à la 2G/3G ?

Pourquoi Tunisie Telecom a tenu à raccorder l’extrême sud saharien à la 2G/3G

Après 15 jours de tests, le tout premier réseau mobile 2G/3G vient d’être lancé à l’extrême bout sud de la Tunisie, dans la commune de Borj El Khadhra. Fêté en grande pompe par la direction régionale de Tunisie Telecom à Tataouine, l’événement a vu le déplacement exceptionnel du ministre des TIC, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tawfik Jelassi, accompagné par son cabinet ainsi que quelques directeurs de Tunisie Telecom dont le PDG Mokhtar Mnakri.

Pas moins de 3 hélicoptères de l’armée nationale ont été réservés à ce beau monde pour les faire assister à temps pour cet événement. Et pour cause : Borj El Kadhra se trouve à plus de 320 kilomètres de la ville de Tataouine. Pour s’y rendre en voiture, il faut parcourir des centaines de kilomètres dans le désert et entre les collines rocheuses, sur des pistes parfois dangereuses. Pas moins de 7 heures de conduite -avec un chauffeur expérimenté connaissant le Sahara comme sa poche- sont nécessaires pour y arriver saints et saufs… malgré un pneu mis à plat par certains passages rocheux comme ce fut notre cas.

Le ministre des TIC (à gauche) avec la directrice de communication de Tunisie Telecom (à droite) au

Le ministre des TIC (à gauche) avec la directrice de communication de TT (à droite) au “point triple”, la zone limitrophe à la fois à la Tunisie, l’Algérie et la Libye

Perdu dans un océan de sable, Borj El Kadhra est en fait une oasis paradisiaque peuplée par une vingtaine de personnes seulement. Ils sont aux alentours de la caserne militaire de Borj El Khadhra, qui veille à la fois sur les frontières avec l’Algérie (ouest) et les frontières libyennes (est). D’ailleurs, un petit monument a été mis en place à l’extrême Sud de Borj El Kadhra et qui marque le point de rencontre entre les 3 territoires.

Avec ce qui se passe en Libye, les soldats étaient sur le qui-vive. L’accès-même au Sahara tunisien doit se faire par autorisation écrite au ministère de l’Intérieur et une copie des noms des personnes ainsi que leur document d’identification sont communiqués au ministère de la Défense. Différents «check points» militaires vérifiaient tout au long de la route ces papiers pour un laisser-passer spécial.

Borj El Khadhra (où il y a la verdure) entouré des monts d'Algérie (au fond) et le désert libyen

Borj El Khadhra (où il y a la verdure) entouré des monts d’Algérie (au fond) et le désert libyen

Vivant entièrement aux dépens de la caserne, les habitants de Borj El Kahdra sont littéralement coupés du monde. Pas de communications téléphoniques, pas de réseaux mobile 2G, que ceux de la Libye qui couvrent à peine l’Oasis. Quant à l’eau, ce sont les puits que les militaires ont creusé qui desservent ces quelques familles. Pour l’électricité, pas la moindre liaison STEG ou même le soupçon d’une source électrique grâce à des éoliennes ou des plaques photovoltaïques. Juste deux câbles électriques transfrontaliers qui viennent de la ville libyenne voisine “Ghdames” et qui desservent les habitations ainsi que la caserne gratuitement en électricité. On apprendra par la suite que ce geste n’est qu’un agrément signé entre la Tunisie et son voisin de l’Est contre la fourniture de câbles électriques de grande capacité à la Libye depuis la centrale STEG de Gabes.

Le courant électrique venant de la Libye

Le courant électrique venant de la Libye

Malgré la présence d’un générateur électrique de la caserne, la région se trouve souvent dans un blackout total vu l’instabilité du courant. C’est ce qui explique, par ailleurs, la présence d’un stabilisateur dans la seule et unique école primaire de Borj El Khadhra. Avec 9 élèves seulement (dont une fillette pour la classe de 5ème année primaire) tout le monde se partage deux instituteurs et une seule et unique salle de classe équipée de 3 ordinateurs. Une fortune pour la région qui les a acquis il y a déjà quelques années. Mais ce zeste de hitech est autant dire inutile puisque l’exode s’est intensifié, justement, à cause de cette école.

L'école primaire rénovée par Tunisie Telecom

L’école primaire rénovée par Tunisie Telecom

Une fois la 6ème année dans la poche, les élèves sont obligés de se déplacer à plus de 300 kilomètres pour poursuivre leurs études. Vu leur jeune âge, toute la famille se trouve ainsi dans l’obligation de plier bagage. De 16 familles, Borj El Khadhra n’en compte désormais que 6. Le téléphone portable et l’Internet ? Jamais entendu parler. Pour les achats, on se déplace avec les militaires jusqu’à Ben Guerdane pour faire les courses. Et ces militaires ne lésinent pas d’effort pour soutenir ces quelques familles démunies. Au point que leur consommation d’eau et d’électricité est complètement gratuite.

L'oasis de Borj El Khadhra

L’oasis de Borj El Khadhra

Et pourtant, Borj El Khadhra est un lieu plus que stratégique pour la Tunisie. C’est la porte d’entrée sud de tout le pays. C’est un lieu à très fort potentiel touristique et se trouve dans un carrefour de champs pétroliers en cours de construction. Déjà qu’un petit aéroport a été récemment construit par l’une de ces compagnies pétrolières à presque 150 kilomètres de là (à Tiarat) pour son propre besoin d’approvisionnement. Et les bruits vont bon train sur un éventuel goudronnage de la piste faisant office de route et qui relie Tataouine à Borj El Khadhra. Elle sera faite prochainement aux frais de l’une des ces compagnies étrangères afin d’assurer le transport entre ses différents champs pétroliers, dit-on.

Mais sans infrastructure télécom, peut-on un jour espérer que toute la pointe sud de la Tunisie devienne un centre économique de grande importance ? Certainement pas ! Et c’est d’ailleurs la raison qui fait que les investissements tardent à venir à l’intérieur du pays qui ont déjà une infrastructure routière prête. Le ministère des TIC le réalise bien et c’est pourquoi il a mis à jour le service universel pour y faire intégrer le Net. Une enveloppe de 8 millions de dinars a été versée à l’INT pour que le régulateur étudie un plan de subvention pour le passage du réseau Internet dans ces zones blanches.

Avant même la mise en place de ce plan, Tunisie Telecom a précédé, donc, la mouvance et a concrétisé ce projet qui est resté en gestation pendant quelques années. «Après tout, si l’opérateur national ne le fait pas, qui le fera ?», a commenté Mohamed Fadhel Kraiem, DGA de TT, en marge de la cérémonie.

Le pylône de Tunisie Telecom à l'entrée de Borj El Khadhra

Le pylône de Tunisie Telecom à l’entrée de Borj El Khadhra

Bien que la zone n’offre aucune rentabilité, cette ouverture symbolique de la 2G/3G à Borj El Khadhra vise à repeupler ce petit coin paradisiaque. Les habitants, et même les militaires, pourront désormais rester en contact avec leurs proches/parents. Des téléphones ont d’ailleurs été offerts gratuitement aux familles et des clefs 3G à l’école.

En effet, en plus de pouvoir apprendre mieux sur Internet pour les petits, cette école servira aussi de Publinet aux plus grands afin qu’ils discutent sur Skype avec leurs familles éloignés. En poussant notre imagination un peu loin, les développeurs et tous ceux qui font le travail à distance pourront, pourquoi pas, travailler depuis Borj El Khadhra, avec 0 millimes de frais de consommation en eau et électricité. C’est dire l’importance de cette 2G/3G dans le développement régional, surtout dans un tel endroit.

Test de débit 3G de TT à Borj El khadhra

Test de débit 3G de TT à Borj El khadhra

Mais ce qu’on pourra retenir surtout par cette action, c’est que Tunisie Telecom cherche à dire aux compagnies pétrolières souhaitant s’installer en Tunisie (ou même dans ses zones limitrophes chez nos voisins) que TT est prête à les aider.

Dans son communiqué, l’opérateur historique voit grand et travaille d’ores et déjà sur l’implantation de son réseau 2G/3G un peu partout dans le Sahara : Remada, Dhhiba, Jbel Angar, Sangar, El Borma, Ain Skhouna et Tiarat. Nous avons d’ailleurs aperçu quelques pylônes déjà érigés sur la route entre Tatatouine et Borj El Khadhra et qui seraient prêts à l’emploi.

On peut dire, donc, que l’ouverture de la 2G/3G à l’extrême sud du pays vise 3 points : Donner l’exemple à la concurrence devant l’INT, se positionner comme un opérateur national qui travaille pour le développement du pays (pendant que les autres se font taxer de “parasites” sur l’économie nationale vu leur actionnariat majoritairement étranger) et enfin se trouver de nouveaux clients dans un secteur où on peut se faire de très bonnes marges, celui des compagnies pétrolières en l’occurrence.

Welid Naffati

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