Quand la technologie se met au service de la culture, le résultat peut s’avérer beaucoup plus efficace que des campagnes de communications classiques à coups de centaines de milliers de dinars payés par le contribuable via le ministère du Tourisme. C’est le cas du site LostInTunis.com et de l’association Carthagina dont leurs représentants respectifs ont été les invités du 36ème épisode de DigiClub powered by Topnet.
MacEinstein, c’est ainsi qu’on l’a connu sur les réseaux sociaux. Sur ses photos, on le voit porter un casque qu’il a fabriqué lui-même après avoir éventré un Macintosh 128K, qu’il a déniché à Souk El-Asr. Il s’appelle Mourad Ben Cheikh Ahmed. Il est le propriétaire du compte instagram @dismalden et du site web LostInTunis.com.
«Je me suis spécialisé dans un thème auquel peu de gens s’intéressent : l’Urbex. Il s’agit d’explorer les rues, les coins et endroits quasi-abandonnés et peu fréquentés, et de prendre en photo des monuments ou des bâtiments que l’on peut par la suite partager avec les communautés présentes sur les réseaux sociaux», a expliqué Mourad avant de souligner que son objectif était de casser plusieurs préjugés. «Certains pensent que la ville de Tunis est loin d’être jolie si comparée à des métropoles telles que New York ou Tokyo. Quelques clichés ont suffit pour me prouver le contraire. Partant de ce constat, j’ai commencé à chercher les traces d’une civilisation vieille de 3000 ans», a-t-il indiqué.
Encouragé par ses amis et ses followers, Mourad Ben Cheikh Ahmed a décidé de lancer un site web sur lequel il a pu regrouper ses clichés et ainsi les sauvegarder. L’originalité des photos prises par Mourad a par ailleurs suscité l’intérêt de la communauté internationale d’Urbexeurs. Quelques uns l’ont en effet contacté dans le but de planifier des visites dans les endroits que Mourad a pu remettre en valeur grâce à son œil de photographe amateur mais passionné. «Deux des urbexeurs qui m’ont contacté ont débarqué en Tunisie avec en mains un programme détaillé de leur séjour et des endroits qu’ils souhaitent visiter. Ils ont réalisé une vidéo, qui d’ailleurs a fait le buzz, mettant en scène un hôtel quasi-abandonné au Sahel», a précisé Mourad Ben Cheikh Ahmed.
Pour sa part, Samy Mlouhi, interne en médecine dentaire et membre de l’association Carthagina, travaille actuellement via son ONG sur un projet pilote : Médinapédia. Lancé en collaboration avec Wikimédia et l’Association de Sauvegarde de la Médina, ce projet consiste en la mise en place de plaques contenant des QR Codes, sur différents monuments historiques de la Médina de Tunis. Une fois scanné, le QR code redirige l’utilisateur vers la page Wikimédia du dit monument et permet ainsi de découvrir son histoire.
«Ce projet est une première dans le monde arabe. En phase de préparation, nous avons lancé un appel à volontariat au terme duquel nous avons organisé deux workshops pour initier les participants à l’utilisation de Wikipédia. Pour le moment, nous avons finalisé la rédaction de 400 articles tous référencés», a indiqué Samy Mlouhi. Il a ensuite expliqué que la deuxième phase du projet, consiste en la création de QR Codes qui seront placés sur différents monuments et bâtiments de la Médina de Tunis. L’idée, selon Samy, est de permettre aux promeneurs d’accéder à des informations relatives aux bâtiments visités en scannant le QR Code.
De gauche à droite : Samy Mlouhi, Mourad Ben Cheikh Ahmed et Hazar Abidi (qui a assuré la coanimation)
«Scanner le QR Code permet d’accéder à la page Wikipédia dédié au monument. Les promeneurs n’auront plus besoin de guide pour avoir une plus ample idée sur l’histoire des endroits visités», a affirmé Samy Mlouhi. Il a ajouté, dans ce même contexte, que «pour le moment, cinq prototypes de QR Codes ont été placés au niveau de Souk Chouachine, la Médersa Bachia, le Palais Khair-Eddine, Dar Ben Achour et Dar Lasram (siège de l’association de sauvegarde de la Médina).
Samy Mlouhi a également annoncé qu’un projet similaire sera également dédié à la vieille Médina de Sfax. Il a par ailleurs signalé qu’un troisième projet de sauvegarde de proverbes et citations populaires tunisiennes est en cours de réalisation en collaboration avec Wikimédia.
Pour conclure, nos deux invités ont soulevé une problématique à laquelle les photographes spécialisés dans le street art, qu’ils soient professionnels ou amateurs, sont souvent confrontés, à savoir la suspicion. Samy Mlouhi et Mourad Ben Cheikh Ahmed ont affirmé que les photographes peuvent en effet faire l’objet d’interpellation. En cause… l’incompréhension.
Plus de détails et d’anecdotes sur ces deux projets sont disponibles dans le 36ème épisode de DigiClub disponible sur SoundCloud et iTunes.
Nadya Jennene