La Tunisie passe par une période de crise économique. Ceci est un fait. Les caisses déjà vides de l’Etat et la croissance quasi nulle ne présagent rien de bon. Et ce n’est pas ce climat d’instabilité sociale ponctué par des épisodes sporadiques d’insécurité qui encouragera les entrepreneurs à venir au galop pour investir en Tunisie.
Faut-il être pour autant fataliste et jeter l’éponge ? Absolument pas. «L’économie nationale n’a besoin que d’une petite étincelle pour se redresser et ceci ne saurait tarder», nous répond un expert en économie. Faut-il alors se relâcher et attendre ce déclic au risque que le pays et ses entreprises fassent banqueroute ? Non plus. C’est plutôt le moment de mettre les bases de son projet et investir massivement dès que la situation se stabilise.
Sauver les sociétés de la faillite grâce à la technologie
«Il y en a qui pense que ce n’est pas le moment de parler ou de promouvoir les solutions cloud computing de Tunisie Telecom dans une conjoncture où les entreprises militent pour leur survie. Je ne suis pas d’accord», nous déclare une technico-commerciale chez l’opérateur historique. «Je peux vous démontrer, preuve à l’appui, que des entreprises tunisiennes ont évité de justesse le dépôt de bilan grâce aux différentes solutions technologiques basées sur le cloud que nous leur avons proposées».
Si, comme l’affirme ce cadre de TT, le cloud a pu sauver quelques entreprises de la faillite, pourrait-il alors en être de même pour l’économie de tout un pays ? Dans notre précédent article, on a démontré l’intérêt du gouvernement à passer le plus tôt possible à la virtualisation de ses administrations, et en conséquence, à inciter les entreprises en Tunisie à basculer au cloud computing. Mais pour M. Foued Marzouki, consultant et expert international en Enterprise Systems Management (ERP), se lancer immédiatement dans un plan national de migration vers le cloud serait du pur suicide.
«S’il y a un débat qui doit s’ouvrir en priorité, c’est plutôt le choix de la solution de virtualisation à adopter», nous déclare M. Marzouki. «Soyons réalistes. Jusqu’à aujourd’hui, et même après la révolution, on souffre encore d’un manque de transparence. Parfois le copinage prime sur les exigences professionnelles». Quelle est la relation entre la transparence et la virtualisation ? Lui avons-nous demandé.
«Aujourd’hui, il y a deux solutions de virtualisation au niveau du serveur. La première est la solution VmWear qui, combinée à Xen Desktop de Citrix, affiche la meilleure performance selon quelques comparateurs. VmWear est un produit de la société EMC spécialisée dans les solutions de stockage amovible. La deuxième est l’Hyper-V de Microsoft.
Il y a une vraie bataille entre les deux solutions. La question qui se pose est : laquelle est la mieux adaptée aux besoins d’une société ? Car il faut savoir que chacune d’elles a ses avantages et ses inconvénients. Les plus intransigeants trouveront peut-être chaussure à leur pied dans le VmWear. Jugé moins complexe et moins lourd à installer (3 à 4 Mo d’espace disque dur). Cependant celle de Microsoft nécessite l’installation préalable de Windows Server 2008 (7 Go d’espace disque dur). Et quand on connaît la valse des mises à jour mensuelles de sécurité de Windows…»
Le mal est fait
Pour cet expert de la virtualisation, la clé maîtresse dans la réussite du cloud est incontestablement Tunisie Telecom. Le seul opérateur réseau, opérateur infrastructure et fournisseur de solutions de virtualisation du pays. «Une connexion Internet est une condition sine qua non pour le bon fonctionnement d’un service cloud. Or, ce n’est pas demain la veille que l’opérateur historique pourra couvrir, en termes de bande passante et avec un SLA (Service Level Agreement) de qualité, tous les besoins et dans toutes les régions».
Pour d’autres spécialistes des télécommunications, le cadre est un peu plus noir. A l’instar de notre membre du forum, Kafteji (un pseudo auquel il tient pour garder son anonymat) qui a travaillé sur le cœur du réseau de Qatar Telecom (Qtel). Selon lui, le prix d’une connexion hautement sécurisée chez Tunisie Telecom est parfois inadapté aux budgets des petites startups. Il leur reviendrait alors moins cher et ce serait plus rapide, d’installer un mini réseau local avec quelques PC.
«En Tunisie, les mécanismes de transition ne sont pas réellement orientés “efficience des coûts”. Celui qui a déjà une entreprise qui fonctionne normalement (et qui a déjà investi dans un Système d’Information interne, ndlr) dira que le mal est fait», argumente notre membre du forum. «Le Cloud en Tunisie ne concerne qu’une dizaine d’entreprises qui ont beaucoup d’argent. Et là encore il faut chercher comment y pénétrer. Sauf si un “cloud service provider” (SaaS, PaaS ou IaaS), à l’instar de Tunisie Telecom, peut convaincre le client sur la question de sécurité. Sécurité du stockage et sécurité des communications».
TT pour les gros clients, les startups pour les petits marchés
M. Foued Marzouki, quant à lui, ne voit pas les choses de cet angle. Il prévoit même que le marché des SS2i sera le premier demandeur de ces solutions de cloud et ce, quel que soit son emplacement. Une startup sise en Europe, par exemple, pourra bien exploiter le service cloud de Tunisie Telecom. «La demande du marché, et surtout des SS2i, dépasse, et de très loin, les capacités logistiques et humaines de l’opérateur historique à créer des solutions de virtualisation customisées pour chaque société», affirme M. Marzouki. «Tunisie Telecom pourrait toutefois sous traiter son infrastructure matérielle à des prestataires de services qui, tout en exploitant l’infrastructure réseau de TT, pourraient combler ce manque».
Ainsi et avec son statut d’opérateur réseau, Tunisie Telecom pourra commercialiser ses offres de cloud pour les grandes entreprises et les institutions publiques (comme les ministères), et délèguera la gestion du marché des PME à plusieurs revendeurs. Avec une telle opération, l’opérateur historique sera créateur d’emplois, précurseur dans le domaine de cloud, et un tremplin pour l’économie nationale. Encore faut-il que la qualité de la connexion Internet suive.
La télécommunication est un secteur stratégique sur lequel repose toutes les activités économiques du pays. Tunisie Telecom y joue le rôle de l’épine dorsale. Si on veut garantir une bonne relance de notre économie pour demain, c’est aujourd’hui même que l’opérateur historique devrait se mettre au travail pour innover, améliorer ses services et ouvrir son marché afin d’instaurer une concurrence saine.
Welid Naffati
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