Les agents de contrôle ont désormais le droit de toucher une prime de 20% du montant de la somme d’un redressement fiscal après un contrôle approfondi. Ce taux était de 2%. Et pourtant, le système informatique du ministère des Finances semble avoir quelques soucis de mise à jour, pour ne pas dire des erreurs.
La comédienne Leila Toubel a ainsi écrit le 7 avril dernier sur son compte facebook, qu’elle revenait d’un long voyage et quand elle s’est rendue directement de l’aéroport à la recette des finances pour payer le vignette de sa voiture, le fonctionnaire lui annonce que ça a été déjà fait. Sous son insistance, il lui répond que le «système» ne se trompe pas. Après une heure, il s’avère finalement que c’est le «système» qui a buggué.
Statut de Leila Toubel sur facebook
Or si un tel bug peut faire perdre des millions de dinars au contribuable, il peut être encore plus grave quand il est exploité par des personnes mal intentionnées. Et dans le cas des entreprises privées, ça sera encore pire, surtout que nous sommes dans un marché mondial de plus en plus concurrentiel, où l’efficacité est devenue le mot d’ordre. Alors, quel est l’intérêt du Software testing dans ce cas ? Et pourquoi les entreprises et les institutions publiques tunisiennes ont du mal à l’adopter ? Nous avons posé la question à Rafik Dahmen, expert international dans le domaine de tests des logiciels et président de la Tunisian Association Software Testing (TAST). Interview.
THD : C’est quoi le software testing et pourquoi il est si important maintenant ?
Rafik Dahmen : Le test des logiciels, ou Software Testing, est une activité critique dans l’industrie des logiciels pour minimiser les risques de bugs pendant la production. On se rappellera encore de l’explosion de la fusée Ariane 5 en plein vol à cause d’un bug informatique ou encore le système d’assurance ObamaCare qui a crashé causant une panique générale aux Etats Unis.
Les professionnels dans le monde ont donc mis en place des processus et des outils pour la création du métier de testeur de logiciels. En 2002, y a eu la mise en place de l’association à but non lucratif ISTQB (International Software Testing Qualifications Board, ndlr). Elle est présente un peu partout dans le monde grâce à des comités nationaux. Par ailleurs, la Tunisie en est déjà membre depuis avril 2011 et ce, grâce à l’association TSQB.
En termes d’outils de tests, tous les éditeurs mondiaux ont des solutions de testing à l’instar de HP, IBM, Microsoft ou carrément en Open source. Il y a même un rapport mondial sur la qualité du Software testing appelé the World Quality Report et qui présente les évolutions importantes des activités de testing dans le monde. C’est dire l’importance qu’accordent tous les industriels à ce secteur.
Quid de la situation de la Tunisie et pourquoi il y a tant de réticences de la part des entreprises tunisiennes ?
Pour les sociétés offshore, le testing est obligatoire vu que ce sont leurs clients qui l’exigent. Du coup, ces sociétés cherchent activement à former et à certifier des testeurs tunisiens pour améliorer leurs compétences pour mieux concurrencer le marché mondial.
Dans le secteur privé, le besoin existe et on essaie de le faire avec les développeurs. Mais la manière est un peu brouillon puisqu’il n’y a pas de processus ou d’outils clairs. Les entreprises tunisiennes finissent, ainsi, par considérer le testing comme une charge de plus qu’elles doivent minimiser. Dans le secteur public, par contre, aucune demande n’a été formulée pour faire le testing vu qu’aucune clause ne l’exige dans les appels d’offres publics.
La réception des logiciels se fait, de ce fait, uniquement sur papier sans connaitre au préalable si le contenu du software fonctionne correctement ou pas. Du coup, nous nous trouverons dans une situation paradoxale : d’une part le budget de l’Etat alloué à l’acquisition de ces logiciels est important et d’autre part, on observe plein de dysfonctionnements. Ou pire encore, et dans certains cas, il n’y a même pas de livraison dudit logiciel.
Avec la polémique des DAB tournant sous Win XP, dont les mises à jour de sécurité ne sont plus assurées par Microsoft depuis avril dernier, est ce que le Software testing pourrait apporter une solution au secteur bancaire ?
En Tunisie, le logiciel est vital pour le secteur bancaire. A chaque fois qu’il y a des modifications des environnements comme les systèmes d’exploitations ou autre, le logiciel bancaire nécessite une phase de tests avant d’être mis en production pour s’assurer de sa fiabilité. Mais ça ne s’arrête pas à ce niveau-là. Le test du software doit aussi vérifier que les réglementations du secteur ont été bel et bien prises en compte dans le développement dudit logiciel.
D’ailleurs, dans le standard bancaire BALE II, le software testing est hautement recommandé. Après tout, ces tests sont nécessaires aussi pour faire sentir le client en sécurité dans sa relation avec sa banque.
Mais avons-nous les compétences tunisiennes pour faire ce testing ?
Il y a environ 300 à 350 testeurs professionnels en Tunisie. En tout cas, ce qui est sûr, est que nous avons 200 testeurs qui ont été certifiés par l’ISTQB. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a pleins de testeurs tunisiens aussi dans le monde et qui travaillent à l’étranger.
Est-ce que le testing concerne seulement le bon fonctionnement du logiciel/application mobile ? Où ça touche aussi à ses failles de sécurité ?
Le testing concerne tout type de logiciel qu’il soit web, mobile, embarqué ou même en cloud. Il peut toucher à tous les niveaux : sa fonctionnalité, sa sécurité, sa performance, son respect aux normes et lois en vigueur, voire même son ergonomie.
Que faut-il faire pour devenir un expert en testing des logiciels ? Quel profil doit-on avoir ?
Un testeur doit se baser plus sur la méthodique que le savoir faire technologique. De ce fait, il doit savoir communiquer, parler plusieurs langues et avoir un background dans n’importe quel domaine comme la gestion, l’économie, les banques, les assurances, les télécommunications, etc. Le testeur de logiciels pourrait être un informaticien, un gestionnaire, un documentaliste, un économiste ou un même un simple technicien. Mais pour devenir un expert par contre, il faut avoir une bonne expérience professionnelle et obtenir les certifications nécessaires, comme celle de l’ISTQB.
Quoi qu’il en soit, le test des logiciels pourrait créer en Tunisie une nouvelle industrie, celle basée sur le logiciel en l’occurrence. Le projet Smart Tunisia, qui va créer 50 000 emplois dans le secteur TIC, pourrait, de ce fait, rendre la Tunisie un centre de tests des logiciels des plus grandes firmes internationales. Et nous avons toutes nos chances de l’être puisque les grandes compagnies cherchent déjà des pays pour monter des centres d’excellence en Testing.
Propos recueillis par Welid Naffati
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