Les élèves ingénieurs de l’école supérieure de communication de Tunis (Sup’Com) ont organisé, 6 mai 2015, une journée portes ouvertes sous le thème “Steady Steps Towards Change”. Cet événement rassemblant les acteurs du monde industriel et académique vise à mettre à jour l’aboutissement des projets de réformes à l’école et à débattre le statut de la recherche appliquée au sein de Sup’com, à l’échelle nationale et internationale.
Les élèves ingénieurs de l’école supérieure de communication de Tunis (Sup’Com) ont organisé, 6 mai 2015, une journée portes ouvertes sous le thème “Steady Steps Towards Change”. Cet événement rassemblant les acteurs du monde industriel et académique vise à mettre à jour l’aboutissement des projets de réformes à l’école et à débattre le statut de la recherche appliquée au sein de Sup’com, à l’échelle nationale et internationale.
Dans ce cadre, Rached Hamza, Directeur des études et des stages au Sup’Com, a dévoilé le plan de réformes qu’envisage l’école afin de s’aliéner aux référentiels des métiers introduits par l’Observatoire international des métiers des télécoms et la nomenclature de ROM (un code qui définit chaque métier TIC) pour les métiers du numérique. Ainsi, l’école projette de consolider la formation des ingénieurs “Télécom -Généraliste” en appuyant la maîtrise des TIC, le savoir-faire et le savoir-vivre parallèlement à l’initiative et l’autonomie.
Différentes perspectives de la pédagogie active
Dans la même vision prônant le changement, Samiha Khelifa, membre du collège scientifique et pédagogique de l’Institut Français pour l’Ingénierie de la Connaissance et des formations à distance (IFIC), avait exposé le sucées du projet de télé-enseignement qu’elle mène à l’université de Sousse. En ce sens, elle a insisté sur l’apport des TIC dans l’administration des services et l’optimisation des processus d’apprentissage après le bac. «La formation des ingénieurs vise à leur faire acquérir la compétence de résoudre des problèmes actuellement inexistants grâce à des outils pas encore innovés», a-t-elle affirmé.
En s’adressant aux étudiants en ingénierie des Télécoms, elle a estimé que les technologies de l’information et de la communication assurent la professionnalisation, l’expertise, la capitalisation sur les efforts, le réseautage et la visibilité à l’international grâce aux plateformes de formations en ligne telle que l’université numérique de France (FUN).
A ce propos, un débat très intéressant a été mené entre les différents intervenants, questionnant les apports et inconvénients du cette pédagogie dite ‘active’. Certes, les vecteurs modernes de l’enseignement assurent l’auto-évaluation, le suivi personnel et une marge de flexibilité énorme par rapport à la pédagogie classique en plus de l’interactivité. Sans parler de l’attractivité de leurs contenus.
Toutefois, on se trouve face à des problèmes de tentatives de fraudes reliées à l’authentification des étudiants et à la sécurité des plateformes. En ce sens, Sofia Ben Jbara, enseignante à Sup’Com, a étalé une étude statistique qu’elle avait réalisé auprès des étudiants de l’école révélant une résistance envers les nouvelles méthodologies d’auto-enseignement.
En ce sens, le président du Syndicat national des ingénieurs tunisiens, Fakhreddine Khelifa, a relevé pour sa part l’importance de la symbiose des réformes envisagées par les écoles d’ingénieurs avec le contexte national et en particulier avec le marché d’emploi local. Il est vrai que cette voie de changement vient d’être adoptée par le système des préparatoires françaises. Mais le plan des réformes pédagogiques des institutions tunisiennes devrait s’aliéner aux spécificités du pays et non à celui de la France, en prenant en considération, également, la psychologie des étudiants.
«Aujourd’hui, en discutant la pédagogie active nous sous-entendons une pédagogie passive. Faudrait – il alors que les enseignants se forment en psychologie pour piloter les projets de télé-enseignement, motiver les étudiants et de les impliquer dans cette méthodologie ?» s’est-il demandé. En effet, si les étudiants renoncent à l’expérience du e-Learning c’est principalement à cause leur frustration face aux grilles d’évaluation. Comment parle-t-on de réformes de curricula sans discuter celles de l’évaluation ? En ce sens, l’innovation des méthodologies reste à l’état d’ébauche dans le processus du changement.
Dans une vision un peu plus particulière, Nacer Kefi, pédagogue et spécialiste des techniques de communication, considère le débat sur la pédagogie active dépassé par le principe d’autogestion des cours par les étudiants. Pire : Si l’on parle de télé-enseignement on risque d’annoncer la fin de l’école à cause de l’instauration d’un modèle de ‘société sans écoles’ telle qu’étalée par Edgar Morin ce qui engendrera la fin de tout contact humain. Contrairement, la prise en charge du cours par l’apprenant concrétise le principe de la maïeutique, dont la connotation étymologique fait référence à l’accouchement des esprits et des vérités inconscientes qu’ils contiennent. «On devrait alors remettre à jour l’importance des sciences humaines et des soft skills» a-t-il conclu.
Tabous sur la recherche appliquée en Tunisie
Une table ronde a été organisée en marge de cette journée réunissant des représentants du corps enseignant du Sup’Com, de multinationales basées à Tunis et des ministères. Il était question de différents problèmes qui entravent la recherche appliquée en Tunisie, étant donné les multiples appels d’offres présentés par les ministères face auxquels les chercheurs et doctorants semblent insatisfaits.
A ce propos, Sana Guenima, Chef d’entreprise dans le domaine des télécoms, a vivement critiqué la bureaucratie et la médiocrité des services de l’administration tunisienne. En partageant sa propre expérience avec l’audience, elle avait regretté la difficulté de communication avec les ministères, la non-expertise de certains agents administratifs et la lenteur des démarches d’obtention de primes et de bourses. «J’essaye toujours d’arrondir les bords mais là on assiste à un échec scandaleux des stratégies de financement de projets de recherche. A quoi servent tous les fonds réservés aux ministères ? Rien ne change et c’est ce qui frustre les étudiants et les décourage. On ne parle que de recyclage de projets de tablette pour tous et d’enseignement numérique», a-t-elle expliqué.
Aujourd’hui, avec la crise du tourisme en Tunisie, il s’est avéré que le secteur des télécoms contribue le plus au PIB. Comment peut-on alors exploiter de manière efficace les infrastructures déjà mises en place pour créer de la valeur ajoutée et tirer profits des résultats de recherche dans le développement de l’industrie nationale ?
Taycir Yahmed
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