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Télécoms en Tunisie : Le client paye jusqu’à 53% des taxes quand il utilise son téléphone


La GSMA vient de rendre public son rapport sur la téléphone mobile en Tunisie, élaboré par Ernst & Young LLP. Ce rapport vient appuyer les propos de Hichem Besbes, président de l’INT lors du workshop organisé le 20 septembre dernier (lire notre article), soulignant l’importante charge fiscale des opérateurs des télécommunications en Tunisie, qui empêchent l’évolution de ce secteur.

Contribution fiscale du secteur de la téléphonie mobile en Tunisie

En Tunisie, la téléphonie mobile joue un rôle de plus en plus important dans la croissance économique et l’inclusion numérique. Le nombre d’abonnés mobiles est passé de 4,7 millions en 2008, à 8,8 millions en 2018, ce qui représente un taux de pénétration de 75% en nombre d’abonnés uniques.

Paradoxalement, l’accès à internet via mobile ne dépasse pas, quant à lui, les 50%. Pourtant, le nombre des appareils connectés s’est développé d’une manière spectaculaire au cours des dernières années, faisant du secteur de la téléphonie mobile un des piliers des finances publiques du pays.

En effet, la contribution du secteur dans la fiscalité du pays est évaluée à 300 millions de dollars en 2017, soit 3,4% des recettes fiscales totales de l’Etat tunisien, selon ce même rapport.

Ces taxes payées par le secteur représentent plus du tiers de ses recettes annuelles globales (889 millions de dollars), et se partagent comme suit :

– 20% de TVA
– 18% de droits réglementaires
– 13% de redevances sur les fréquences


La part de la fiscalité propre à la téléphonie mobile est évaluée à 10% du chiffre d’affaires du secteur. Ce chiffre place la Tunisie en tête des pays du Maghreb et de la région MENA, suivie de l’Egypte (8%), l’Algérie (6%) et le Maroc (2%). Il est encore plus élevé par rapport à ceux observés dans certains pays européens comme l’Italie (4%) et l’Espagne (3%).

Télécommunications : Le consommateur tunisien paye 43% de taxes

En consommant les services de téléphonie mobile en Tunisie, un utilisateur paye :

i) 19% de TVA sur le prix d’acquisition d’un smartphone, une tablette ou n’importe quel service mobile
ii) Un droit de timbre sur les services téléphoniques pré et post payants de 0,140 DT quelle que soit le montant dépensé (sur chaque dinar ou même fraction de dinar).
iii) Une taxe de 30% sur le prix de la participation par SMS ou téléphone à un jeu sur mobile.

En gros, le consommateur tunisien paye 43% du total des charges fiscales imposées au secteur. Le reste (soit 57%) est assuré par les opérateurs téléphoniques et les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI).

Si on y rajoute la redevance télécom (lire notre article et en particulier la partie concernant la loi de finances de 2001 qui introduit cette redevance), ce taux de 43% peut rapidement monter à 53%. Comment ? Si le client d’un opérateur A appelle un numéro chez l’opérateur B, il paye non seulement la redevance 5% sur sa facture téléphonique/sa recharge téléphonique, mais il paye en plus une redevance supplémentaire de 5% incluse dans le frais d’appel (ce qu’on appelle le prix de la minute). La raison ? Car quand l’opérateur B facture à l’opérateur A cette mise en relation pour faire aboutir l’appel, il rajoute sur cette facture… la redevance télécom de 5%. Ce qui fait que dans ce cas précis d’un appel d’un opérateur A à un numéro chez un opérateur B, le client final paye doublement cette redevance télécom.


De plus, ces opérateurs sont soumis à un taux d’Impôt sur les Sociétés (IS) de 35%, soit 10% de plus que les entreprises exerçant dans d’autres secteurs d’activités, ou encore les PME et les sociétés récemment introduites en bourse.

Toujours selon le rapport de la GSMA, le taux d’IS appliqué aux professionnels du secteur en Tunisie dépasse le taux moyen supérieur à l’échelle mondiale (33%). En ce qui concerne l’importation des antennes relais, des équipements réseau et des pièces détachées, ils sont sujets, à leur tour, à des droits de douane à hauteur de 30% de leur valeur.

Les professionnels du secteur doivent également s’acquitter d’autres taxes diverses (une taxe TCL de 0,2%, une taxe de formation professionnelle de 2%, une taxe de 1% au titre du FORPOLOS, une cotisation de sécurité sociale de 16,57%, une nouvelle contribution sociale de solidarité de 1%…)

Pire encore ! Se rajoute à tout cela une panoplie de redevances parfois payées directement par le client, et parfois par l’opérateur télécom (redevance pour les fonds des TIC, redevance annuelle sur les numéros mobiles et une autre sur les fréquences).


Au final, les spécialistes du domaine s’accordent à dire que la loi de finances 2018 à participé à la détérioration de la situation dans le secteur, en augmentant la charge fiscale.

Le marché de la téléphonie mobile a connu un développement rapide en Tunisie, mais il existe encore un potentiel d’amélioration de la pénétration du haut débit mobile. Une amélioration assez difficile à réaliser si la politique fiscale globale du pays n’est pas révisée.

Tous les regards se dirigent actuellement du côté de la loi de finances 2019, qui devrait être présentée vers la mi-octobre, avant d’être validée en fin du mois de décembre par l’assemblée des représentants du peuple.
Cette LF2019 devrait annoncer la suppression (ou au moins la réduction) des droits de douane pour les opérateurs téléphonique, actuellement de 30%. Si réalisé, ce pas devrait encourager davantage l’investissement dans ce secteur en Tunisie et la pénétration des zones rurales, privés actuellement de la connexion internet mobile.

Autres procédures envisagées, la suppression de la redevance télécom dans l’interconnexion des opérateurs pour les communications nationales et la réduction de l’Impôt sur les sociétés (IS) chez les opérateurs de 35% à 25%.

Il s’agit des directives, proposées par le gouvernement tunisien, et dont on connaitra le sort qu’une fois le projet de la LF2019 présenté.

Zeyneb Dridi

A lire également :

LF2019: Vers la réduction des taxes sur le secteur des Télécommunications

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