La Banque Mondiale (BM) a publié le jeudi 18 septembre un rapport intitulé «La révolution inachevée» sur l’état de l’économie tunisienne après la chute de Ben Ali (ou la «révolution»). Dans sa globalité, ce rapport est plutôt positif puisqu’il explique que la Tunisie reste un énorme potentiel pour devenir un hub économique régional, ce qui va donc estomper la pauvreté en créant de l’emploi, notamment dans les régions intérieures du pays. Mais la BM tacle également le gouvernement tunisien sur le manque de réactivité pour donner un coup de pouce à l’économie tunisienne. Comment ? En combattant le corruption et… en adoptant une législation qui favorise l’échange économique libéral, bien évidemment.
La Banque Mondiale (BM) a publié le jeudi 18 septembre un rapport intitulé «La révolution inachevée» sur l’état de l’économie tunisienne après la chute de Ben Ali (ou la «révolution»). Dans sa globalité, ce rapport est plutôt positif puisqu’il explique que la Tunisie reste un énorme potentiel pour devenir un hub économique régional, ce qui va donc estomper la pauvreté en créant de l’emploi, notamment dans les régions intérieures du pays. Mais la BM tacle également le gouvernement tunisien sur le manque de réactivité pour donner un coup de pouce à l’économie tunisienne. Comment ? En combattant le corruption et… en adoptant une législation qui favorise l’échange économique libéral, bien évidemment.
Vu la nature de notre ligne éditoriale, nous nous sommes focalisé sur le volet TIC de ce rapport composé de 10 chapitres. On notera, d’office, que le terme «télécommunication» est cité au moins une fois dans chaque chapitre. Et généralement ce terme est cité comme un exemple des secteurs à libéraliser en urgence. Mais c’est surtout dans le 2ème chapitre que la BM s’attaque lourdement au monopole de Tunisie Telecom sur le fixe, l’internet et les appels internationaux.
Fidèle à elle même au point de la répétition, la BM s’est, encore une fois, attaquée à son sujet favoris : L’ouverture des liaisons internationales à la concurrence. Pour cette institution, la Tunisie a tout à gagner en laissant le privé, et non seulement les opérateurs, tirer des câbles de fibre optiques internationaux jusqu’à la Tunisie car ceci permettra de réduire le prix des appels téléphoniques internationaux qui sont, selon le rapport, jusqu’à 20 fois plus chers que la moyenne internationale.
La BM semble avoir une mémoire sélective
Toujours selon la BM, cette concurrence fera également baisser le prix de la bande passante internationale. Les coûts des abonnements Internet seront, donc, moins chers pour le grand public ainsi que les entreprises. Pourtant, le rapport ne fait nullement mention du nouveau câble sous-marin Didon qui a été inauguré par le ministre des TIC Tawfik Jelassi le jour même de la publication de ce rapport et qui casse, justement, ce monopôle de Tunisie Telecom sur les liaisons internationales.
On lit également dans le rapport : «L’opérateur étatique, Tunisie Télécom (TT), jouit d’un monopole sur les communications par ligne de téléphone fixe, et possède une des trois licences de téléphonie mobile et licence 3G dans le pays. Dans le marché national, tous les opérateurs utilisent l’infrastructure de connexion nationale (backbone) de Tunisie Telecom, y compris l’administration et les sociétés privées. Tunisie Télécom est aussi propriétaire de toutes les stations d’atterrissement des câbles sous-marins internationaux et a de facto une position de quasi-monopole dans la location de lignes nationales et internationales».
Là encore, la BM semble être frappée d’amnésie «On Demand». Ce n’est pas lors d’une table ronde (organisée en 2013 par elle même) que la BM a affirmé être satisfaite de la décision de l’Instance Nationale des Télécommunications (INT) d’ouvrir le vaste réseau de fibre optique de la STEG, Tunisie Autoroute et de la SNCFT à l’utilisation des opérateurs en tant que Backbone ? La BM n’est-elle pas au courant que même ooredoo (ex Tunisiana) est en train de consolider son propre backbone ?
Et puis, dans le rapport on lit encore que le monopole de Tunisie Telecom sur le fixe a causé la fuite de la technologie ADSL freinant ainsi le développement économique. Comment ça se fait que la Banque Mondiale dans ses séries d’interviews dans le cadre de préparation de ce rapport, ne soit pas au courant que le gouvernement de Mehdi Jomaa a déjà décidé en juillet 2014 de subventionner le dégroupage afin de remédier à cette situation ?
Où sont les startups tunisiennes dans le rapport ?
D’ailleurs on se voit surpris de voir dans le chapitre 4 que la BM ait fait une très bonne interview journalistique, en bonne et due forme, à la société NGI Maghreb où elle exprime son étonnement suite à la décision de Mehdi Jomaa à propos des voitures de fonction. Le président du gouvernement a en effet annoncé il y a quelques mois la suppression des bons d’essence et des voitures de fonction superflus dans le secteur public dans le cadre de son plan d’austérité.
Et à ce sujet, on lit dans l’interview : ‘‘«Au lieu de simplement éliminer toutes les voitures, ils auraient pu utiliser nos services de gestion de flotte pour surveiller le kilométrage, l’emplacement et la consommation d’essence», a déclaré Mohamed Chouchane, associé-gérant de la société. Il s’agissait d’un exemple clair de la façon dont les solutions technologiques développées par le secteur privé pourraient favoriser une allocation efficace des ressources publiques, fait-il valoir. NGI Maghreb, qui emploie 70 personnes dans ses bureaux de Tunis, est la succursale locale du Groupe NGI France. Elle offre une gamme de services basés sur la localisation (LBS), et souhaiterait participer aux appels d’offres du secteur public qui sont essentiels à sa stratégie de croissance en Tunisie.’’
Or, le plus grand problème de l’administration tunisienne est qu’il n’y a même pas de CRM ou encore pire, d’adresse mails pro. Alors que dire d’un SI (Système d’Information) centralisé pour gérer une flotte d’automobiles ? On s’étonne, de ce fait, que la BM n’ait fait nullement mention de cette grande problématique de la e-administration qui peine encore à se réaliser (interconnecter en IPMPLS tous les locaux administratifs publics avec leurs ministères respectifs). Et pis, pourquoi la BM a interviewé seulement la filiale de NGI France en Tunisie ? N’y-a-t-il pas de sociétés tunisiennes qui offrent de tels services et qui ont leur mot à dire sur ce sujet ?
Comme on l’a déjà dit, les préconisations de la Banque Mondiale sont pour la plus part bonnes pour la relance économique. Mais cette libéralisation sauvage ne peut que ruiner un pays en pleine transition. Les sorties médiatiques de cette institution sont, d’ailleurs, de plus en plus douteuses. En février 2014, la BM tacle la Tunisie sur la cherté des communications internationales. Avec l’annonce de Tunisia Economic City, la BM sort un communiqué où elle pousse la Tunisie à plus d’ouverture dans son code d’investissement et prend comme ‘bon exemple à suivre’… le secteur des télécommunications en Tunisie. Et voilà qu’un rapport sur la «révolution (économique) inachevée» en Tunisie attaque de nouveau ce sujet fétiche à la BM mais avec plein d’imprécisions (pour ne pas dire des contre-vérités).
Welid Naffati
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