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Tunisie 2040 : la métamorphose digitale

Il est 7h00 à Tunis, en cette matinée de printemps 2040. Leïla, ingénieure en intelligence artificielle, s’est réveillée au son mélodieux de son assistant vocal. « Bonjour Leïla, il fait 22 degrés aujourd’hui. Le petit-déjeuner sera prêt dans 20 minutes ».

« Vous avez dormi 7 heures et 23 minutes », a ajouté l’assistant domotique, analysant ainsi ses données biométriques via les capteurs intégrés dans son matelas intelligent.

Lentement, Leila se glissa de son lit pour commencer sa routine matinale, alors que les stores s’ouvraient progressivement, laissant entrer les premiers rayons de soleil. La température de l’appartement, maintenue à 19 degrés pendant la nuit, commençait à s’ajuster automatiquement pour atteindre 22 degrés, la température préférée de Leïla pendant la journée.

À travers la baie vitrée de son appartement, elle contempla cette ville qu’elle peine parfois à reconnaître, tant elle a changé en une décennie: les drones de livraison traversent le ciel dans une chorégraphie parfaitement orchestrée, tandis que les véhicules autonomes glissent silencieusement sur les routes.

Elle balaya d’un revers de main ses pensées et se précipita dans sa salle de bain connectée où le miroir intelligent s’est illuminé, affichant ses constantes vitales. « Votre niveau d’hydratation est légèrement bas ce matin ».

« Qu’est ce que je ferais sans toi ! », a murmuré Leïla avant de pénétrer dans la cabine de douche qui s’est mise en marche laissant couler une eau réglée à 38 degrés, recyclée par un système de filtration dernière génération, et enrichie en vitamines selon les besoins quotidiens de Leïla.

Pendant qu’elle se douchait, son assistant vocal lui a fait un briefing personnalisé : « Aujourd’hui, trois réunions importantes, dont une présentation du nouveau projet d’agriculture verticale. La qualité de l’air est excellente, parfaite pour un jogging en fin de journée. Votre père a partagé les dernières données des cultures, elles sont très prometteuses. »

Dans la cuisine, tout était déjà en mouvement. Le réfrigérateur intelligent a analysé son contenu et a composé un petit-déjeuner équilibré. La machine à café, connectée à son profil de sommeil, a ajusté le breuvage pour compenser la légère fatigue de Leïla. Sur la table, son petit-déjeuner était déjà prêt : des œufs cuits à la perfection par un robot cuisinier, du pain frais livré par drone il y a quelques minutes depuis sa boulangerie préférée du quartier, et un smoothie personnalisé préparé selon ses besoins nutritionnels du jour.

En dégustant son café, Leïla s’est remémorée le chemin parcouru. Il y à peine 15 ans — en 2025 — elle venait tout juste de terminer ses études dans une Tunisie qui rêvait de révolution numérique. Aujourd’hui, elle dirige une équipe de 50 ingénieurs dans l’un des plus grands centres d’innovation du continent africain.

Son téléphone sonna interrompant ses réflexions matinales. C’était son père, agriculteur dans la région de Kairouan. « Tu as vu les dernières données des capteurs ? » lui a-t-il demandé, enthousiaste. Sur son écran holographique, Leïla visualisa en temps réel l’état des cultures familiales. Les milliers de capteurs IoT dispersés dans les champs indiquaient des conditions optimales. « La récolte sera excellente cette année, papa. L’IA prévoit un rendement supérieur de 165% à celui de 2020 », lui a-t-elle répondu sur un ton excité.

Son petit déjeuner terminé, elle retourna dans sa chambre où son dressing intelligent a déjà sélectionné une tenue adaptée à son agenda et à la météo. Une robe aux tissus intelligents, capable de réguler sa température corporelle et doté de nanofibres purifiantes.

Son sac à main connecté a vérifié qu’elle n’avait rien oublié d’essentiel, tandis que son appartement se préparait pour son départ : les lumières se sont éteintes progressivement, la température a été ajustée en mode économie d’énergie, et les appareils non essentiels se sont mis en veille.

À 8h30, Leïla était déjà dans sa voiture autonome. « Temps de trajet estimé : 20 minutes jusqu’au Centre d’innovation », lui a indiqué l’assistant de navigation. Leïla sourit en pensant qu’il y a quelques années, ce même trajet pouvait prendre plus d’une heure. Les algorithmes de gestion du trafic, alimentés à présent par la 6G et il y a de cela quelques années par la 5G, ont révolutionné la mobilité urbaine.

Alors que sa voiture s’engageait silencieusement dans les rues de Tunis, Leïla a contemplé la ville qui se réveillait. Les drones de maintenance inspectaient les façades des immeubles intelligents, les robots de nettoyage télécommandés parcouraient les rues ne laissant rien derrière eux, et les panneaux solaires sur les toits s’orientaient déjà vers le soleil levant.

« Une autre belle journée dans la nouvelle Tunisie où chaque instant est optimisé par la technologie, mais toujours avec la même l’âme chaleureuse d’antan ! », a murmuré Leïla en observant les gens en mouvement dans leurs cafétérias du centre-ville. Certaines habitudes ne changent jamais.

Dans son bureau au 30e étage du Centre d’innovation, Leïla a participé à une réunion en réalité augmentée avec des collègues du monde entier. Des hologrammes ultra-réalistes discutaient autour d’une table virtuelle, comme s’ils étaient tous dans la même pièce. La latence ultra-faible des dernières technologies de connexions mobiles, rendait ces interactions parfaitement naturelles.

Plus tard à midi, elle a retrouvé sa sœur Yasmine, chirurgienne, pour déjeuner. Celle-ci venait de terminer une opération à distance sur un patient à Médenine, à 500 kilomètres de la Capitale. « Tu te souviens quand les patients devaient faire des heures de route pour consulter un spécialiste ? », a dit Yasmine esquissant un sourire. « Rien qu’aujourd’hui, nous avons réalisé plus de 250 interventions à distance. »

Le soir venu, Leïla est partie se promener dans les jardins verticaux du centre-ville, où des capteurs régulaient automatiquement l’irrigation et la nutrition des plantes.

Sur son chemin, elle croisa un groupe de jeunes entrepreneurs sortant du plus grand incubateur de startups d’Afrique du Nord, un bâtiment ultramoderne aux façades de verre intelligent qui ajustaient automatiquement leur opacité en fonction de l’ensoleillement. Les jeunes entrepreneurs discutaient avec beaucoup d’enthousiasme de leur dernière innovation, un projet qui promettait de révolutionner la cybersécurité en permettant aux algorithmes d’anticiper et de neutraliser les cyberattaques avant même qu’elles ne se produisent.

La Tunisie était devenue “the place to be” pour les innovateurs, une véritable Silicon Oasis où l’innovation technologique et l’entrepreneuriat prospéraient. Grâce à des réformes législatives audacieuses et à des investissements massifs dans les technologies modernes, l’éducation et la recherche, le pays était parvenu à créer un écosystème économique dynamique.

Le gouvernement, en collaboration avec le secteur privé, avait mis en place des zones franches technologiques, offrant des avantages fiscaux et un accès facilité aux infrastructures numériques de pointe. Des partenariats avaient vu le jour avec des géants de la tech pour former une nouvelle génération d’ingénieurs et de chercheurs spécialisés en IA, en blockchain et en biotechnologie.

De retour chez elle, Leïla aida sa nièce de 10 ans avec ses devoirs via un système d’apprentissage personnalisé basé sur l’IA. « Tata, c’est vrai qu’avant, les gens ne pouvaient pas voir leurs professeurs en hologramme ? », a demandé la petite Lina, curieuse.

Leïla sourit en pensant aux longues années de jeunesse et de souffrance. « Tu sais ma chérie, à ton âge je faisais des kilomètres à pieds avec un cartable de quelques kilos rempli de manuels scolaires. Les salles de classe n’étaient que des murs et un tableau noir. Pour ce qui est des enseignants, les pauvres ont bien souffert pendant longtemps surtout dans les zones jadis reculées ».

« Oh! Tu étais obligée de te déplacer?! », a rétorqué Lina sur un ton abasourdi.

« En effet, mais grâce au progrès que nous avons réalisé et à la technologie que nous avons choisi d’épouser en dépit des mouvements les plus conspirationnistes, aucun enfant n’a à subir ça aujourd’hui. Aucun enfant ne finira au fond d’une rivière emporté par les inondations », a ajouté, Leïla un soupçon d’amertume dans la voix.

La Tunisie de 2040 n’était pas seulement un pays plus connecté et plus prospère  — c’était une nation qui a su réinventer son avenir. Le PIB par habitant s’est multiplié atteignant des sommets stratosphériques, jadis inimaginables. Mais au-delà des chiffres, c’est le quotidien des Tunisiens qui s’était totalement transformé, grâce aux efforts conjugués.

Alors que les mouvements anti-5G et anti-6G proliféraient, le gouvernement avait, à l’époque, choisi de sauter dans le train du progrès tout en multipliant les campagnes de sensibilisation pour contrer la désinformation et rassurer la population sur l’innocuité des nouvelles infrastructures et les opportunités que présenteraient ces technologies modernes, loin des théories les plus folles.

La nuit tombée, les lumières de la ville se sont allumées progressivement, créant un spectacle où technologie et tradition se mêlent harmonieusement. Sur sa terrasse, Leïla admirait ce paysage urbain futuriste, mais qui n’a rien perdu de son âme méditerranéenne.

Dans les rues en bas de l’immeuble, les cafés traditionnels côtoyaient les espaces de réalité virtuelle et les concepts stores où les artisans utilisaient l’impression 3D pour créer des œuvres conjuguant tradition et modernité.

« La Tunisie a réussi son pari : devenir un leader technologique tout en préservant son identité culturelle. Et ce n’est que le début ! », a murmuré Leïla avant de replonger dans ses pensées.

« Leïla, réveille-toi, tu vas encore être en retard ! », a hurlé sa soeur Yasmine un matin d’hivers en 2020, alors que la voix stridente de son vieux réveil mécanique résonnait dans sa petite chambre. Pas d’assistant vocal à l’époque, juste une alarme brutale et stressante.

Elle se leva en sursaut à la recherche de son téléphone juste pour vérifier frénétiquement si elle avait assez de données mobiles pour la journée.

La routine matinale était un véritable parcours du combattant. La douche ? Il fallait attendre que le chauffe-eau daigne fonctionner. Le petit-déjeuner ? Une course contre la montre. Elle devait tout faire elle-même, chronométrant ses œufs avec son téléphone pendant qu’elle essayait de suivre les informations à travers une vidéo saccadée à cause de la connexion internet instable.

Le trajet jusqu’à l’université était un véritable périple ! Une heure de route en moyenne, coincée dans des embouteillages interminables, si toutefois, elle arrivait à temps pour rattraper un bus parti avant l’heure, quand il y’en a un ! Mais bon, c’était tout de même moins pénible que les années où elle était encore écolière et qu’elle vivait à la ferme avec ses parents dans les contrées reculées du Centre.

Son père, agriculteur par héritage, devait se fier uniquement à son expérience et aux méthodes traditionnelles inculquées par son père, son grand-père et arrière grand-père. Elle se souvient encore de ses appels inquiets durant les épisodes de sécheresse interminables à cause des précipitations qui se faisaient de plus en plus rares des années durant. Le changement climatique était un défi de taille face auquel les vieilles méthodes ne pouvaient rien.

Elle se rappelle d’une année en particulier où son père avait perdu la moitié de sa récolte alors qu’il n’a cessé de parcourir ses champs à pied chaque jour, pour inspecter les cultures. Cette année là, toute la famille a dû subir les conséquences des restrictions budgétaires. Elle a dû se trouver un job à mi-temps pour payer ses études et alléger un peu le poids de la responsabilité de son père, fortement accablé.

Elle se souvient encore des journées funestes que lui racontait sa sœur Yasmine, alors encore jeune résidente en chirurgie. Une nuit en particulier l’avait marqué à jamais, quand Yasmine a pleuré toutes les larmes de son corps la frustration la rongeant, parce qu’un de ses patients était décédé avant même que l’ambulance qui devait l’emmener à l’hôpital pour une intervention urgente ne lui parvienne. C’était un jour pluvieux, à une heure de pointe et les ambulanciers n’ont pas pu se frayer un chemin parmi les milliers de voitures qui parcouraient frénétiquement les routes de la Capitale, glissantes et parsemées de nids de poule.

« Qui aurait cru que nous en arriverions là ? », a-t-elle chuchoté avant que l’assistant intelligent n’interrompe son élan de nostalgie. « Il est l’heure de dormir ! Un bon sommeil est essentiel pour votre santé et votre bien-être. Saviez-vous qu’un repos de qualité améliore la mémoire, renforce le système immunitaire et aide à mieux gérer le stress ? Alors, détendez-vous et laissez votre corps se reposer. Bonne nuit ! ».

Elle soupira de satisfaction avant de se glisser dans son lit.

La Tunisie de 2040 n’a pas seulement réalisé des avancée technologiques étonnantes, elle est devenue plus efficace, plus durable, et surtout, plus humaine.

Nadya Jennene 

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