À l’occasion de la fête de la femme que la Tunisie célèbre le 13 août de chaque année, thd.tn consacre, comme l’année dernière, une édition spéciale pour les femmes dans les TIC. Pourquoi une telle initiative ? C’est dans le but d’encourager l’entreprenariat féminin dans le secteur High Tech. Un domaine qui, malheureusement, reste encore sexiste, limite misogyne, à cause de la tendance machiste de la société tunisienne.
À l’occasion de la fête de la femme que la Tunisie célèbre le 13 août de chaque année, thd.tn consacre, comme l’année dernière, une édition spéciale pour les femmes dans les TIC. Pourquoi une telle initiative ? C’est dans le but d’encourager l’entreprenariat féminin dans le secteur High Tech. Un domaine qui, malheureusement, reste encore sexiste, limite misogyne, à cause de la tendance machiste de la société tunisienne.
Les jeunes filles tunisiennes sont d’ailleurs victimes de ce type de sexisme dès l’orientation. «Les TIC c’est pour les garçons. Ils sont geeks et passionnés de ces choses qu’on ne comprend pas. Moi je trouve que les filières médicales sont les plus adaptées aux filles», nous déclare Emna, 19 ans qui vient de décrocher son bac. Elle hésitait encore à propos de la filiale d’orientation qu’elle devait choisir pour ses études universitaires.
Même si Emna est considérée comme fille intelligente et majeure, mais sa déclaration nous semblait être sans grande conviction. On avait le sentiment qu’elle était conditionnée par ce qu’on lui a déjà martelé dans son environnement familial. Du coup, des centaines, voire des milliers de filles se posent encore la question: Puis-je être femme passionnée par la technologie et avoir un avenir professionnel prospère dans les TIC ? Est-ce que j’encours des risques si je change de filière d’orientation et je commence tout à zéro ?
Nous avons posé la question à Nouha Hammar, experte en Cloud Computing qui occupe un poste clé dans un grand groupe international. Et pourtant, cette femme, qui a fait ses preuves dans le cloud, est issue du domaine marketing. Il était donc intéressant pour nous de voir son expérience dans la vie et quelles sont les conseils qu’elle peut donner aux filles qui hésitent encore à se lancer dans les TIC. Interview.
THD : Comment avez-vous atterri dans ce secteur avec une formation en Marketing et surtout avec un mémoire de Master dans le Marketing Environnemental ?
Nouha Hammar : Le parcours était surprenant, même pour moi-même. Je faisais les dernières retouches sur le mémoire de mon Master en Marketing Environnemental. J’étais majeure de promotion à plusieurs reprises. J’avais donc la garantie de faire une thèse de doctorat, sous l’encadrement des meilleurs professeurs de l’université. Mais dans cette même période, je me suis rappelée de toutes les difficultés que j’ai trouvé durant mes travaux de recherche, notamment l’absence de toute initiative en matière de marketing autour des produits «environemently friendly» en Tunisie.
J’ai senti ce grand écart entre ce qu’est la théorie, ce qu’on trouve dans les livres et les articles de recherche et ce qu’on peut avoir sur le terrain. Et là une voix dans ma tête m’a tout simplement dit : ’Comment tu vas devenir enseignante à l’université sans avoir une expérience du terrain ? Comment tu vas préparer des étudiants à la vie professionnelle sans avoir eu l’occasion de mettre en pratique les notions que tu vas leur transmettre ?’
C’est ainsi que j’ai choisi d’intégrer la vie professionnelle et j’ai commencé à chercher un poste opérationnel. Une décision qui allait contre les désirs de ma famille qui ont souhaitait que je finisse ma thèse de doctorat et devenir enseignante par la suite. J’ai donc rejoins une grande entreprise technologique où je m’occupais du marketing des produits Data. Un produit qui n’était pas très en vogue à l’époque.
Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers mois dans cette branche d’activité purement TIC?
Je me rappelle surtout des commentaires de mes amis. Ils étaient étonnés de me voir dans une entreprise technologique malgré mes études orientées marketing environnemental. Ils étaient sceptiques. Ils ne comprenaient pas comment peut-on intégrer une entreprise TIC sans être ingénieur ou technicien où on ne fait que programmer et écrire des codes devant un écran noir.
Ils ne voyaient pas la délicatesse de la tâche du marketeur dans un marché TIC tunisien très spécifique. Un marché composé de 93% de PMEs, qui n’ont pas la force de frappe technique pour suivre les évolutions technologiques. Qui ont donc besoin de solutions fonctionnelles, qui répondent parfaitement à leurs besoins, qui ne sont pas toujours bien exprimées. Cela fait toute l’importance de la tâche du marketeur dans une entreprise TIC. Je me rappelle qu’à l’époque, en 2009, le concept du cloud n’était pas du tout clair à nos interlocuteurs à l’époque. C’était un vrai challenge de vendre nos produits.
Les technologies Cloud restent toujours des notions assez compliquées d’un point de vue technique. Comment aviez-vous pris de l’avance sur ces sujets malgré votre formation qui n’était pas technique à la base ?
Effectivement, Tout le défi réside dans la simplification et la vulgarisation de ces notions pour les prospects ou les clients. Et pour vulgariser et simplifier, il faut d’abord comprendre et maitriser. Je ne vous cache pas que je ne restais jamais dans les locaux du département marketing de mon entreprise à l’époque. J’étais toujours dans les locaux techniques et les data centers. Toujours proches des équipes techniques pour explorer, comprendre assister aux démonstrations et aux tests.
Parallèlement, je ne rate pas les workshops et les conférences sur le sujet. Il y’a des collègues qui m’ont beaucoup aidé à affiner ma compréhension de ces sujets à l’instar de Fares Ben Zekri, et surtout Amel Saidane qui m’ont vraiment beaucoup aidé.
Nouha Hammar
Est-ce que votre formation ne vous a pas causé des difficultés à bien communiquer avec les équipes techniques ?
La difficulté réside d’abord dans la différence entre les deux registres de langage. De ma perspective marketing, je donne plus d’importance au business case, au besoin client et au coté fonctionnel. D’une perspective technique, les repères changent et on s’intéresse plus aux choix techniques, aux performances, aux versions, à des appellations très précises et parfois pas évidentes à comprendre pour le client. Ainsi, c’est un effort de calibrage que le marqueteur doit fournir. La question est vraiment où placer le curseur entre la technique et le commercial.
Les réunions entre les équipes techniques et les équipes commerciales ne doivent pas se tourner en des leçons sur la dernière mise à jour de tel outil ou telle vulnérabilité. L’échange doit être fluide selon un objectif commun de sortir un produit viable de point de vue technique et commercial. Dans ce sens, j’ai beaucoup appris de mes collègues comme Fadhel Graiet, qui était ingénieur à la base avant de devenir manager. Ce qui lui a permis de gérer au mieux cette différence de registre.
En parlant de management, Pourquoi il y’a toujours peu de femmes dans des postes décisionnels dans les entreprises IT en Tunisie?
D’abord, ce n’est pas une exception tunisienne, la moyenne mondiale dans les TIC est de 14%. Personnellement, je trouve que même si les femmes aujourd’hui ont une faible présence dans des postes similaires, le nombre est, tout de même, en train d’évoluer. Historiquement, les femmes en Tunisie optent plus vers les carrières dans l’enseignement. Ceci est en train de changer. Je pense que nous arriverons bientôt à la parité.
Sur le plan personnel. Que pense votre maman de vous maintenant, bien ancrée dans le domaine des TIC après des études en marketing ?
Elle me disait toujours que j’étais folle. Car j’ai laissé tomber une opportunité de devenir une prof d’anglais à l’université pour un «bon salaire» par rapport à la charge du boulot, c’est à dire 6 heures de travail chaque semaine seulement. Elle toujours considéré le domaine des technologies comme un domaine réservé aux hommes. Aujourd’hui, elle a changé d’avis. Je pense qu’elle est contente de voir que j’ai fais mes preuves et que je sois épanouie dans ma vie professionnelle.
Propos recueillis par Marwen Dhemaied
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