Lors d’une conférence de presse tenue, vendredi 28 juin 2013 à Tunis, l’organisation Article 19 a présenté son rapport sur l’état de la liberté d’expression sur Internet en Tunisie. Commencée en retard et avec une présence très timide des médias et des militants des Droits de l’Homme, la conférence a débuté par le mot de bienvenue de Saloua Ghazouani Oueslati, responsable de l’antenne tunisienne de cette ONG.
Lors d’une conférence de presse tenue, vendredi 28 juin 2013 à Tunis, l’organisation Article 19 a présenté son rapport sur l’état de la liberté d’expression sur Internet en Tunisie. Commencée en retard et avec une présence très timide des médias et des militants des Droits de l’Homme, la conférence a débuté par le mot de bienvenue de Saloua Ghazouani Oueslati, responsable de l’antenne tunisienne de cette ONG. Mme Ghazouani Oueslati a fait une brève introduction sur la mission de son ONG : «Article 19 est une organisation indépendante des droits humains et qui opère pour la protection et la promotion de la liberté d’expression. L’organisation tire son nom de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits humains qui garantit la liberté d’expression et a lancé son bureau en Tunisie en 2012. Notre équipe réduite est composée de jeunes militants».
Le rapport d’Article 19 a analysé les données reçues sur la période allant de février 2012 jusqu’à février 2013 et qui touchent de près ou de loin à la liberté d’expression sur Internet (plainte contre l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) pour la censure, le journalisme citoyen, etc.). D’autant plus que la Toile a eu un rôle très important dans la chute du régime en 2011. De ce fait, il y a un réel besoin d’instaurer de nouvelles réformes pour les médias et qui doivent englober le rôle des réseaux sociaux et de la société civile dans le passage d’informations.
Cette analyse suit une approche globale pour s’assurer de la compatibilité des législations nationales avec les standards internationaux. Elle se divise en trois volets principaux : la première section est consacrée à la description de l’état de la liberté du Net en Tunisie. La deuxième énumère les différents critères internationaux relatifs à la protection de ce droit. La dernière partie est essentiellement réservée à l’examen du cadre juridique tunisien et des lois régissant ce domaine ainsi que les recommandations d’Article 19 à ce propos.
Abed El Kader Fath Allah, expert juriste consultant auprès d’Article 19 bureau de Tunis, a, pour sa part, rappelé l’historique de la censure et de la surveillance en Tunisie sous le régime de Ben Ali. Sans parler des innombrables infractions commises envers les blogueurs et les citoyens. «Ben Ali voulait tout manipuler et a essayé de surveiller le contenu diffusé sur la toile en affectant cette tâche à l’ATI», a-t-il noté. «On ne peut pas oublier l’affaire du défunt Zouheir Yahyaoui, le premier cyber militant tunisien et administrateur du blog Tunezine, qui fut torturé en prison».
Il a évoqué par la suite l’arsenal de textes juridiques déployés par l’Etat à des fins répressives et restrictives. Et d’après M. Fath Allah, la liste de ces aberrations est assez longue. Exemple : les articles 5 et 6 du code des télécommunications et ce parce qu’ils donnent un pouvoir discrétionnaire au gouvernement en ce qui concerne l’attribution des autorisations à la fourniture des services de télécommunications. Ou encore les articles 9 et 87 relatifs à l’utilisation des moyens de chiffrement et de cryptage et qui sanctionnent leur utilisation.
Parmi les questions qui ont été soulevées, il y a eu le procès de la bloggeuse tunisienne Olfa Riahi. Le parquet a eu recours, en effet, à la loi organique N°2004-63 du 27 juillet 2004 portant sur la protection des données à caractère personnel et qui expose les blogueurs et les journalistes citoyens à des poursuites pénales. L’affaire de la plainte contre l’ATI pour la censure des sites pornographiques a également été soulevée. Le 15 août 2011, le tribunal a demandé à l’ATI d’interdire l’accès aux sites dits pornographiques. Une décision qui fut ultérieurement rejetée par la Cour de cassation pour des raisons procédurales. Elle est fondée sur le principe de l’incompétence de la justice judiciaire à traiter ce genre de litiges qui relèvent du périmètre de la justice administrative. Reporters Sans frontières (RSF) a déja exprimé ses craintes d’un possible retour de la censure en Tunisie. D’autant plus que la législation tunisienne n’est pas tout à fait adaptée à l’ère d’Internet en matière de respect des libertés sur Internet. Ce qui laisse une faille pour une interprétation subjective et l’extrapolation des autres textes de loi pour réglementer l’espace cybernétique.
Abed El Kader Fath Allah a terminé en mettant en exergue les recommandations de l’organisation ; parmi celles-ci on trouve : les blogueurs et les journalistes citoyens qui doivent être traités comme des vrais journalistes professionnels, comme le droit à la protection de ses sources d’information. Après tout, ils se partagent avec ces derniers la même tâche qu’est la publication des informations et les analyses.
Actuellement, le journaliste professionnel est tenu responsable pour tout ce qu’il publie (et donc il doit faire attention à la véracité de ses informations pour qu’il ne soit pas poursuivi pour diffamation). En généralisant le métier à ces blogeurs/admin page facebook/tweetos, ces derniers seront tenus, aux aussi, responsables de ce qu’ils écrivent sur le Net.
Malgré l’importance de cette conférence et les recommandations d’Article 19, la présence était très en-deçà par rapport à l’importance du sujet. Ce qui nous pousse à poser la question suivante : sommes-nous réellement conscients de la gravité de la situation et des mesures correctives qu’il faut prendre avant que les choses n’empirent ?
Arwa Jouini