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Tunisie: Ben Ali et Trabelsi, ou le marketing discriminatoire sur la bande FM

«Les fréquences attribuées aux stations de radio en Tunisie par l’Office National de Télédiffusion (ONT) n’avaient qu’un seul but : pousser les Tunisiens à écouter les chaines privées de la famille de Ben Ali/Trabelsi et ses proches», nous a déclaré M. Abdewahab Hani. Ce militant des droits de l’Homme est revenu en Tunisie juste après la chute du régime de Ben Ali et ce, après 20 ans d’exil passés entre Paris et Genève. Il avait été chassé et menacé de mort par les sbires de Zaba à cause de ses prises de positions critiques envers ce qu’il appelle cyniquement “la famille royale”.

En marge d’un atelier de travail organisé par la fondation Friedrich Ebert à Tunis, le 28 février et le 1er mars dernier, sur le thème “Médias tunisiens en période de transition, M. Hani a insisté sur la nécessité de revoir l’octroi des plages de fréquences aux radios en Tunisie.

Selon ses propos, «cette attribution des fréquences est faite exprès pour pousser les Tunisiens à n’écouter que les radios privées de la famille royale». Rappelons que le paysage radiophonique tunisien ne compte que cinq radios privées, toutes en lien, de près ou de loin avec le ‘clan’ : Mosaique FM (de BelhassenTrabelsi), Jawhara FM (dont la licence, selon le site tunisnews.net, a été donnée à M. Néji Mhiri, ami personnel de Ben Ali), Radio Zitouna (station FM religieuse de Sakher El Materi), Shems FM (de Cyrine Ben Ali) et enfin Express FM (dont l’un des promoteurs est Mourad Gueddiche, fils du médecin personnel de Zaba).

Discrimination sur la bande FM

«La radio nationale a un taux de couverture de 52% de la population en onde moyenne (MW). Pourtant, cette diffusion en MW n’est pas optimale et dans quelques endroits, il y a une difficulté à bien l’écouter», explique M. Abdelwahab Hani.

«La MW n’a pas le même qualité audio que la diffusion en FM (modulation de fréquence). La radio nationale émet via ce mode de transmission. Mais son taux de couverture est encore plus restreint : moins de 50% de la population peut capter la radio nationale en qualité FM. Paradoxalement, la Radio Zitouna est captée en FM par plus de 50% de la population et en qualité bien meilleure».

De même, M. Hani pointe la marginalisation de la radio nationale par l’attribution d’une fréquence FM couvrant peu la population alors que ses auditeurs potentiels sont nombreux, à l’inverse de ce qui a pu être fait pour la radio culturelle par exemple. Ainsi, «en MW, la radio culturelle tunisienne ne couvre que le nord de la Tunisie. Cependant en FM, elle atteint les 97%. Or, on sait bien que l’audience de la chaine culturelle est moins importante que celle nationale plus généraliste».

M. Hani met donc en exergue la perversité du système d’attribution des fréquences FM pour pousser les Tunisiens à écouter les stations FM privées. En parallèle, «l’ONT a alloué aux radios privées de la famille de Ben Ali et ses proches, des fréquences proches de la radio nationale», explique M. Hani. «C’était une façon d’obliger les Tunisiens à écouter les chaines radio privées». Pourquoi ? «Pour augmenter leur audience et de facto, leurs recettes publicitaires. Il y avait donc une volonté de casser les médias nationaux au profit de ceux, privés, de la famille royale». Concrètement, l’octroi de ces fréquences voisines visait, pernicieusement, à parasiter le signal de la radio nationale afin de détériorer la qualité de son écoute et à pousser l’auditeur à chercher un autre signal, le plus proche possible, plus clair. Du marketing discriminatoire, en somme.

Régionalisme et fréquences radio

M. Abdelwahab Hani suggère une solution dans l’urgence pour améliorer la réception de la radio nationale : «Il suffit d’interchanger les fréquences de la radio culturelle avec celles de la nationale. La correction peut se faire en 72 heures.

En octobre 2010, les techniciens de la radio nationale ont proposé à l’ONT des solutions techniques grâce auxquelles la diffusion FM de la radio nationale peut être portée jusqu’à 97% et améliorer, en même temps, sa réception sur des régions comme Sfax.

Mais il existe une autre aberration dans la diffusion des radios régionales. Pourquoi ne peut-on pas écouter la radio Sfax sur tout le territoire de la république ? Pourquoi celle du Kef ne couvre que 1000 personnes ? N’y’a-t-il pas des Tunisiens à Tunis ou au Sud qui voudraient écouter ce qui se passe dans le nord ouest ?».

THD a interviewé M. Abdewahab Hani après la première journée du Worshop pour nous parler en détail des attributions des fréquences en Tunisie sous l’ère Ben Ali :

Au niveau radiophonique, donc, si l’on veut vraiment pouvoir parler de liberté des médias, il va falloir s’atteler à une juste redistribution des fréquences, pour pouvoir libérer les ondes (positives).

Welid Naffati

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