Les jours se suivent et se ressemblent pour les chevaliers de la transparence en Tunisie. Malgré les efforts entrepris pour instaurer l’Open government comme un droit, impliquant la transparence des décisions de l’Assemblée nationale constituante (ANC), nous avons l’impression qu’ils sont, en quelque sorte, ignorés des élus du peuple. Pire : quelques députés initialement impliqués dans ce projet, affichent, depuis quelques semaines, un certain dédain, voire du mépris, vis-à-vis de ce que beaucoup considèrent comme un droit suprême. Le dernier en date n’est autre que le président de cette assemblée : Mustapha Ben Jaafar.
Presque une semaine après la polémique engendrée par la députée Ettakattol, Lobna Jeribi, où elle aurait déclaré lors d’une interview à la chaîne Ettounsia que le peuple n’était pas encore prêt pour la transparence totale, c’est au tour du secrétaire général du même parti (et accessoirement président de l’ANC) de tenir les mêmes propos. C’était lors d’un meeting qu’il a tenu, dimanche 15 juillet, à Paris, avec quelques expatriés tunisiens.
Parmi les présents, des membres du collectif OpenGovTn. Le meeting a été assez houleux, comme le démontre une vidéo de l’événement. Beaucoup de reproches ont été adressés à M. Ben Jaafar. Le cas du scandale sur le vote électronique a été remis sur le tapis. Le président de l’ANC a alors évoqué un problème de «moyens» mais en précisant qu’il y serait remédié prochainement. «Mais pas avant la rentrée, car cela demande du temps», affirme-t-il.
Quant à la publication des PV des différentes commissions, le président de l’Assemblée a livré une justification tirée par les cheveux. «C’est un problème technique et humain», s’explique-t-il. «Ce n’est pas normal d’obliger quelqu’un, après 6 heures de discussions, de rester au bureau pour écrire les PV. Et ça ne va pas s’arranger dans les jours qui viennent avec cette chanleur !». Une des présentes a alors fait remarqué à M. Ben Jaafer que l’écriture de ces rapports était la fonction des rapporteurs de chaque commission. Ce à quoi il répond : «Ils rapportent… et après… quoi ? Il faut que quelqu’un le tape, pour le mettre sur le site !». Ce qu’on peut donc conclure des propos de M. Ben Jaafer est qu’il n’y a pas de climatisation à l’ANC et que la présidence de l’Assemblée ne veut pas fatiguer ses députés à écrire leur PV. Après tout, leur salaire de 4900 dinars couvre leur effort de travail des députés (sic !) et non la rédaction des rapports ou encore moins leur saisie sur ordinateur.
Ces justifications ont été particulièrement agaçantes pour les présents à ce meeting. Beaucoup d’entre eux n’ont pas cessé de clamer qu’ils allaient porter plainte. «Portez plainte autant que vous voulez», leur a rétorqué le président de l’ANC visiblement énervé.
Le combat pour l’instauration de la transparence semble vraiment ardu. Les déclarations, par-ci et par-là, des députés surtout issus de la Troïka, ne cessent de donner l’impression qu’ils font tout pour bloquer cette transparence, malgré la présence de pas moins de 30 députés dans ce collectif. Les insinuations de la députée Lobna Jeribi, mais surtout les déclarations virulentes et étonnantes à la fois de M. Ben Jaafar ne font qu’accentuer ces craintes de ne jamais voir un Etat qui respecte ses citoyens et où le Tunisien est impliqué dans toutes les décisions. Après Ennahdha, c’est donc maintenant au tour d’Ettkattol d’apprendre à gouverner par l’arrogance.
Seif Eddine Akkari
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