La Tunisie compte lancer la 5G sur trois fréquences : la bande 700 Mhz, la bande 3,5 Ghz (anciennement utilisée pour une technologie vétuste : le Wimax) et la 26 Ghz (pour des utilisations très limitées dans l’espace comme les centres des grandes villes et les espaces événementiels tels que les stades). Pour supporter tout le flux data que cela va engendrer, les trois opérateurs ont commencé à upgrader leurs réseaux.
Tunisie Telecom a été le premier à annoncer que son réseau de distribution est plus que capable de supporter la surcharge avec 35 mille Km de fibre optique en IP-MPLS (lire notre article). Près de 90% des antennes radio sont fibrées (au lieu du faisceau hertzien / FH) ce qui permet d’éviter les éventuelles surcharges sur le réseau lors du transport des requêtes de connexion et de communication en heures de pic. (Consulter la présentation du PDG de Tunisie Telecom lors du TT Network Day ici).
En ce qui concerne les liaisons internationales, Tunisie Telecom est en train d’upgrader son câble historique qui relie la Tunisie à l’Italie, Keltra, ce qui permettra de faire passer sa capacité totale de 30 Gbps à 200 Gbps. Quant au câble Hannibal (100% la propriété de Tunisie Telecom et qui relie le Cap Bon à la Sicile en Italie), il a eu lui aussi ses opérations de lifting puisqu’il peut désormais supporter jusqu’à 1Tbps. Pour terminer, le SMW4 (un câble multinational installé par un consortium de plusieurs opérateurs internationaux dont Tunisie Telecom) et qui relie Bizerte dans le Nord de la Tunisie à Marseille dans le Sud de la France véhicule pour le compte de Tunisie Telecom jusqu’à 1,2 Tbps.
Du côté de Ooredoo, un contrat signé récemment avec l’équipementier Nokia lui permettra de moderniser son réseau RAN et FTTH (lire notre article). En d’autres termes, Ooredoo va fibrer le maximum de ses antennes radio dont la majorité sont encore reliées à la centrale d’Ooredoo par FH.
Par la même occasion, Ooredoo compte fibrer plusieurs quartiers qui se trouvent au passage de ses antennes afin de concurrencer Tunisie Telecom sur ses prochaines offres FTTH (Fibre To The Home).
Sur le plan international, Ooredoo Tunisie va exploiter un câble déjà installé et exploité par un consortium d’opérateurs et groupement économiques essentiellement chinois appelé “PEACE Subsea Cable System”. Ce câble reliera la France à une vingtaine de pays allant de l’Afrique du Nord, jusqu’à l’Afrique de l’Est (Kenya, Djibouti et Somalie) en passant par le Moyen-Orient (Égypte et Arabie Saoudite).
La portion qui sera rajoutée entre Bizerte et le reste du câble sera opérationnelle début 2024 (c’est-à-dire à la date prévue du lancement de la 5G en Tunisie) va être opérée et financée par Ooredoo Tunisie. En plus de son câble co-financé et co-géré par Orange : Didon entre Kelibia et Sicile, Ooredoo Tunisie pourra, donc, passer au réseau international directement via Marseille, ce qui offre une meilleure connectivité et un meilleur ping que via la route italienne étant donné que la France est un vrai carrefour de liaisons internationales entre l’Afrique, les Amériques, le Royaume-Uni et l’Asie.
D’après nos informations, Ooredoo Tunisie a obtenu le feu vert des autorités locales, dont le ministère de la Défense, pour que des bateaux d’étude du chemin de câble (side-surveys) puissent accéder aux eaux tunisiennes en vue de préparer l’installation du nouveau câble.
Notons que le câble PEACE est entré en utilisation commerciale depuis le 24 décembre 2022. Une extension de ce câble dans l’océan indien est prévue en 2023 pour arriver jusqu’à Singapour. L’objectif final est de relier la Chine à cette nouvelle autoroute Internet. D’autres extensions seront opérées en seconde phase sont aussi à prévoir pour relier toute la côte Est de l’Afrique jusqu’à l’Afrique du Sud. A noter que la section qui relie PEACE à Malte est financée et opérée par Go Malta, filiale de Tunisie Telecom.
Mais quid du 3e opérateur national ? En plus du câble Didon, Orange Tunisie passera lui aussi par un nouveau câble sous-marin appelé MEDUSA qui reliera Bizerte à Marseille. En cours de construction dans la Méditerranée, ce câble reliera l’Europe du Sud (du Portugal à Chypre) à l’Afrique du Nord. Son entrée en fonction est prévue fin 2024, début 2025 et il sera opéré par le consortium AFR-IX Telecom, en partenariat avec “University of Alcalá”, “the Institute of Marine Sciences (ICM-CSIC)” et “Aragón Photonics”.
Il sera financé par la European Investment Bank (EIB) avec un soutien direct de la Commission européenne. Rappelons que ce passage par Orange Tunisie rentre dans la stratégie « Global Gateway » de l’Union européenne visant à renforcer les connexions entre l’Europe et le reste du monde, et à soutenir les pays partenaires dans leur transition numérique et la réduction de la fracture digitale (lire notre article).
Orange Tunisie a obtenu à son tour l’autorisation de la part des autorités locales tunisiennes pour que les bateaux d’Orange Marine puissent accéder aux eaux territoriales afin d’étudier le chemin de ce nouveau câble.
Avec ces deux prochains câbles, la Tunisie aura à son actif pas moins de six câbles sous-marins internationaux : trois en connexion directe avec l’Europe (Keltra, Hannibal et Didon), un avec l’Europe et l’Asie (Sea Me We 4), un en connexion avec l’Asie et l’Afrique de l’Est (PEACE) et un avec les pays de la Méditerranée et le Pacifique (MEDUSA).
D’après nos informations, Tunisie Telecom, Ooredoo et Orange souhaitaient au départ améliorer leur capacité à l’international par la construction d’un nouveau câble sous-marin tripartite entre Bizerte et Marseille, mais à cause de plusieurs divergences (notamment sur le choix du prestataire de posage du câble), ce projet est tombé à l’eau. Ooredoo et Orange ont, de ce fait, cherché d’autres alternatives. Un bien pour un mal puisqu’avec ces deux nouvelles autoroutes, les risques de blackouts seront nettement réduits tout en améliorant la qualité de la navigation sur le Net avec les meilleurs pings possibles.
La mise à jour du réseau national tunisien a été amorcé. Celui à l’international suivra sous peu, mais quels sont les challenges qui attendent nos trois opérateurs pour réellement réussir cette 5G et peut-on dire que les dés sont déjà jetés à cause… de la LTE/TDD ? Réponse dans le prochain article. A suivre.
Walid Naffati
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