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Tunisie – Internet filaire : «La 3G m’a tueR» (2/2) (3)

Tunisie – Internet filaire : «La 3G m’a tueR» (2/2)La Banque mondiale a vu des signes encourageants de la part du gouvernement. Ce dernier a dressé une feuille de route avec plein de réformes dans le but de relancer l’économie. Comme le code d’incitation à la création des entreprises, l’Open Sky avec l’Europe ou encore la loi sur la concurrence (etc.). Mais ce qu’on pourra retenir le plus, ce sont plutôt les actions concrètes entreprises par le ministère des Technologies de la communication et de l’information pour libéraliser le secteur des TIC.

En collaboration avec l’Instance Nationale des Télécommunications (INT), le gouvernement a en effet libéralisé la VoIP et a déposé le nouveau code des télécoms à la validation de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC). En vertu de ce code, l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI) sera un acteur neutre qui n’aura plus à s’immiscer, de près ou de loin, dans les actions de filtrage. L’INT pourra également forcer tous les acteurs à mieux se soumettre à ses décisions ; notamment l’ouverture du marché des communications internationales à la concurrence pour réduire le prix de l’appel ainsi que le prix du Mégabyte.

Si toutes ces mesures (notamment le dernier point) sont bénéfiques pour encourager les investisseurs étrangers à s’installer en Tunisie, un autre dossier très chaud au niveau local pourra freiner la croissance économique sur le moyen terme : le déclin du fixe en faveur de la 3G.

On a la fibre optique à gogo, mais… on préfère la 3G !

Depuis mi 2010, c’est à dire avec le lancement commercial de la 3G d’Orange Tunisie, le nombre des abonnements fixes a commencé à dégringoler pour arriver, au troisième trimestre 2012, quasiment au même niveau qu’en 2004, c’est-à-dire l’année de lancement de l’ADSL. «Cette baisse s’explique par une probable substitution d’un accès fixe pour un accès mobile et la substitution d’un accès large bande fixe (ADSL) pour un accès 3G, rendant inutile l’accès fixe résidentiel», a expliqué Claude de Jacquelot, expert en télécommunications.

«La Tunisie a un réseau de fibre optique et de cuivre bien développé. Vous ne vous donnez pas, malheureusement, les moyens de bien l’exploiter et de le rentabiliser», fait remarquer pour sa part Cyril Bellier, consultant au sujet des réformes TIC au sein de la Banque mondiale, lors de l’entretien qu’il nous a accordé en début de cette semaine. «Si on interpose les réseaux fibre optique de Tunisie Autoroute, la SNCFT et la STEG avec ceux de Tunisie Telecom, on trouvera un maillage complet grâce auquel on pourrait lancer des services Internet à très haut débit à l’intérieur des régions».

Mais de tels services peuvent-ils avoir du succès en Tunisie, surtout avec cette crise économique ? Très probablement oui. Et pour cause : bien qu’il soit basé essentiellement sur la 3G, le marché de la large bande en Tunisie poursuit sa progression mettant en évidence une forte attente de la part de la population tunisienne et ce, malgré les difficultés économiques du pays et des consommateurs suite aux évènements politiques de 2011 et 2012.

Chercher le meilleur débit, ce n’est pas une question de plaisir

«En Afrique subsaharienne, il n’y a pas d’infrastructure fibre cuivrée ou en fibre optique. Le sans-fil, comme la 3G, représentait donc une bonne technologie pour connecter la population. En Europe, par contre, l’essentiel du débit passe par le filaire», fait-il remarquer. «Or, la Tunisie a déjà une infrastructure prête. Mais on continue toujours à miser sur le sans-fil pour développer son haut débit. La 3G explose plus en raison d’un contexte réglementaire que pour un contexte physique d’infrastructure. Il est donc impératif de débloquer ces infrastructures au niveau national et international avec des mesures en faveur de la concurrence».

«Nous ne sommes pas en train d’aborder des sujets purement techniques. L’enjeu n’est pas d’avoir le meilleur débit juste pour le plaisir d’avoir le meilleur débit. Nous sommes en train de parler là de développement inclusif, de croissance, de développement régional et d’emploi. Une entreprise ne va pas s’installer dans une région s’il n’a pas un accès haut débit fiable et pas cher», conclut M. Bellier.

Mais avant même de parler des nouvelles entreprises qui peuvent s’installer en Tunisie, le développement de l’Internet haut débit filaire signifierait aussi le sauvetage d’entreprises telles que GlobalNet et Hexabyte. Ces deux FAI ne sont pas adossés à des opérateurs télécoms. Leur survie financière dépend donc uniquement de la revente de l’ADSL de Tunisie Telecom. Sans le savoir, les Tunisiens et les opérateurs télécoms sont, en fin de compte, en train de «tuer» ces deux entreprises et de fermer le marché de l’Internet à la concurrence à cause de leur focalisation sur la 3G.

Welid Naffati

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