Smart Tunisia et les Startup sont deux piliers fondamentaux du Plan National Stratégique pour le Numérique (PNS) 2020. Grâce à eux, plusieurs milliers d’emploi seront créés et des millions de dinars seront injectés dans l’économie. Ce point a été bien valorisé lors de la réunion des commissions Smart Tunisia et Innovation au siège du ministère. Mais peut-on parler d’environnement saint pour investir dans les TIC, que ce soit pour les étrangers ou les entrepreneurs tunisiens, quand on peut être jeté en prison à cause de lois qui datent depuis 1894 ?
Smart Tunisia et les Startup sont deux piliers fondamentaux du Plan National Stratégique pour le Numérique (PNS) 2020. Grâce à eux, plusieurs milliers d’emploi seront créés et des millions de dinars seront injectés dans l’économie. Ce point a été bien valorisé lors de la réunion des commissions Smart Tunisia et Innovation au siège du ministère. Mais peut-on parler d’environnement saint pour investir dans les TIC, que ce soit pour les étrangers ou les entrepreneurs tunisiens, quand on peut être jeté en prison à cause de lois qui datent depuis 1894 ?
Commençons tout d’abord par la commission de l’Innovation dédiée aux Startup tunisiennes. Si tous les présents se sont accordés à dire que la plus grande embuche à l’évolution de ces Startup est l’administration tunisienne, il en va de soit d’affirmer, également, que c’est cette même administration qui peut encourager les jeunes entrepreneurs. En effet, grâce à différents programmes de soutien et de financement déjà mis en place, l’Etat peut être le premier incubateur de ces startups. Mieux, les administrations publiques sont, légalement, obligées à accorder 25% du marché aux PME (donc les startups inclus).
Mais sur le terrain, la réalité est tout contraire. Pour accéder à ce financement il faut se confronter à des directeurs d’administrations qui manquent, très souvent, de… culture numérique. «Une fois, un directeur m’a dit : ‘il n’y a pas d’innovation dans le développement d’un logiciel. Je vois mon fils développer un petit logiciel en quelques heures. C’est une question de code. Pas plus’. Quand j’entend ça, comment voulez-vous après que j’arrive à les convaincre de la qualité de mes produits et services ?», s’est demandé à juste titre un directeur d’une SS2I venu assister à la réunion. «N’en parlons même pas des lourdeurs administratives. C’est devenu difficile de créer une entreprise en 24h comme c’était le cas en 2010. Maintenant il me faut 4 jours. Je ne comprend pas pourquoi».
Or, cette lourdeur se fait également sentir dans l’obtention d’un financement public. Dans un temps où la technologie évolue plus vite que la musique, chaque minute compte. C’est ainsi que les problèmes de la Douane ont été également abordés. Et pour couronner le tout : Les caprices de l’Agence de Promotion de l’Industrie (API). Même s’ils restent des épisodes anecdotiques, mais il arrive qu’on puisse se heurter à des agents qui refusent la création de la Startup car son activité n’entre pas clairement dans la catégorie ‘service informatique’. Autre aberration : Il arrive qu’on bloque la création d’une Startup car l’agent administratif «n’apprécie pas» le nom de l’entreprise.
Pourquoi le poste de DSI de l’Etat a été annulé ?
«Et puis, c’est quoi cette tendance à prendre systématiquement le moins disant dans un appel d’offre ? Parfois on se heurte à des cahiers de charge qui sont tellement mal-faits qu’on se demande si on parle le même langage», a-t-il rajouté par la suite. Pour ce dirigeant, et dans les projets IT, il est inconcevable que l’acquisition se fasse seulement sur la base du prix et non de l’innovation du service. «Ce n’est pourtant pas difficile ! Avant le choix final, chaque entreprise répondant à l’appel d’offre doit présenter un pitch à une commission dans laquelle siège un représentant du service concerné par l’achat et des experts en la matière». Mais l’intervenant a déploré le manque, dans chaque administration, de compétences qui maitrisent le volet TIC pour pouvoir, justement, préparer les appels d’offre et faire les pitch.
Et pourtant la solution est là : le DSI de l’Etat. Par ailleurs, qu’est-il arrivé à ce projet ? Avant la démission du gouvernement de Mehdi Jomaa, l’ex ministre des TIC, Tawfik Jelassi, a nommé Majed Khalfallah pour ce poste. Mais aucun décret n’est sorti dans ce sens et Majed Khalfallah est resté à son poste actuel de DSI de la SONEDE. Or, cette entité qui jouera le rôle de DSI de l’Etat pourra se charger des achats et acquisitions des solutions TIC pour le compte des administrations publiques et devenir, ainsi, garant de l’innovation.
D’un autre côté, il faut faire valoir l’apport du financement privé dans les Startup et le soutien de l’innovation. Comment se fait-il que nos SICAR sont devenues pire que les banques dans le financement des projets ?
Ces capitaux à risque qui évitent… le risque
En Tunisie, les entreprises qui versent l’argent dans les SICAR, bénéficient d’un avantage fiscal à hauteur de 35%. Mais beaucoup de ces SICAR évitent le risque et choisissent les projets de consommation comme l’immobilier, l’agroalimentaires, la céramique, etc. où les marges de bénéfices se font, généralement, assez rapidement. De ce fait, les montants investis par ces SICAR sont récupérés rapidement avec des gains en sus. Du coup, les entreprises qui ont versé l’argent dans ces SICAR, récupèrent leurs titres avec une marge bénéficiaire. On voit bien, là, qu’aucun mécanisme n’incite réellement les SICAR à investir dans des capitaux à risque puisque les grandes entreprises commerciales les utilisent comme moyen de réduire leur dus envers l’Etat, tout en augmentant leurs bénéfices.
D’après l’Institut National des Statistiques (INS), 50% des entreprises créées en l’année 2000 en Tunisie n’existent plus en 2012. Pire encore : D’après Forbes, 90% des entreprises font faillite à leur première année pour manque d’encadrement dans la gestion de leur projet et du produit/service développé. Si l’entreprise arrive à dépasser cette première année et réussi sur le marché, elle a, tout de même, une chance sur 2 de faire faillite si elle n’arrive pas à se redimensionner en cas de succès commercial (être victime de son propre succès).
Si on veut, VRAIEMENT, soutenir l’innovation en Tunisie et les Startups avec, il faut que l’Etat incite les SICAR, les banques privées, les fonds d’investissement (etc.) à investir dans des projets novateurs, technologiques, et à forte valeur ajoutée, à condition de les encadrer. Et ces incitations fiscales doivent être sur deux phases. La première lors de l’année d’investissement dans ce type de projet. La deuxième lors de la sortie du capital du dit projet, quand l’entreprise constituée devient financièrement équilibrée (après une durée minimale de 2 ans). Cet avantage est cumulatif et est accordé pour chaque projet réussi. C’est ainsi qu’on peut augmenter les chances de réussite de toutes les Startups en Tunisie, avec possibilité de s’exporter à l’international.
Recherche et développement : Ce boulet appelé le financement public
Tous les chercheurs s’accordent sur le fait qu’il y a un manque flagrant de moyens et d’incitation au R&D en Tunisie (lire notre article). Bien que des fonds publics existent, mais, là encore, ils ne sont pas facile à avoir, voire même, inefficaces. Or, ce ne sont pas seulement les Startup qui ont besoin de ce R&D. Même les grandes entreprises, pas nécessairement TIC, en ont besoin pour que leur produit devienne plus compétitif, sur l’échelle internationale du moins.
De ce fait, pourquoi l’Etat ne donne pas d’incitation fiscale aux entreprises qui sponsorisent ces labos de recherches et les chercheurs (à l’université ou même chez le privé)? Jusqu’à quand allons-nous continuer à les exclure du circuit business quand c’est eux les vrais créateurs de valeur dans une chaine entrepreneuriale ?
Jusqu’à quand la Tunisie continuera-t-elle à perdre ses chercheurs et ses jeunes entrepreneurs à cause d’une législation archaïque qui freine l’innovation ? Jusqu’à quand allons-nous assister impuissants à la fuite de nos compétences et de nos cerveaux vers des pays plus intelligents que nous qui ont su s’adapter pour offrir tout l’argent et le respect nécessaire à ces créateurs de valeur ?
Et pis, pourquoi chercher à créer un Nième bureau ou agence gouvernementale qui se chargera de l’accompagnement des Startups (Digital Innovation Office), quand nous avons une entité qui s’appelle Smart Tunisia ? Pourquoi limiter cette dernière seulement à l’offShoring quand elle peut devenir un vrai moteur de l’économie numérique en Tunisie ? Et c’est quoi cette tendance à alourdir l’administration par davantage de procédures ? N’est-il pas assez que le ministère des Finances bloque Smart Tunisia en accusant un retard inexplicable dans le versement de ses parts du Fond des TIC pour pouvoir prospecter à l’international et signer ses contrats ? A suivre.
Welid Naffati
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