Il y a de cela quinze mois, on disait déjà que la migration de l’IPv4 vers l’IPv6 devenait un impératif. Un an après la première édition du Sommet régional IPv6, les choses ne semblent pas changer. En dépit des efforts de sensibilisation sur l’urgence de la question, certains semblent encore se demander si c’est du lard ou du cochon.
Plusieurs pays arabes et africains sont encore loin, très loin de l’objectif, alors que les ressources IPv4 se font rares et que le Globe est entrain de migrer vers l’IPv6, si ce n’est déjà un projet finalisé. En 2021, la migration vers l’IPv6 était achevée à 70% en Inde, à 55% en France et à 53% aux États-Unis. Selon les chiffres de l’Union africaine des télécommunications, en 2022, trois pays africains menaient la course : le Gabon, le Togo et le Rwanda avec un rythme de migration de 22,6%, 16,2%, et 8,9%, respectivement. La Tunisie est, elle, au point mort alors que le pays a été l’un des premiers à avoir testé l’IPv6. L’ATI a, rappelons-le, conduit les premiers tests, il y a de cela vingt ans.
Depuis, la seule progression enregistrée était du côté des opérateurs qui, en 2022, ont communiqué leurs plans de migration. En février 2022, soit quatre après que l’Instance nationale des télécommunications a tiré la sonnette d’alarme en organisant un atelier sur le plan national pour la migration de l’IPv4 vers la nouvelle version du protocole d’attribution des adresses ; l’IPv6, le ministère des Technologies de la communication a organisé une rencontre sur la question. Les opérateurs ont, alors, annoncé une roadmap axée sur le MBB en premier.
Tunisie Telecom a, d’après ce que nous avons pu constater lors de la seconde édition du Sommet régional IPv6, a relativement avancé (Ooredoo Tunisie et Orange Tunisie n’ont pas pris part à cet évènement, mais se disent presque prêts depuis 2022, ndlr). Une centaine de client mobile de l’opérateur historique utilise actuellement l’IPv6, selon le directeur exécutif développement des réseaux chez Tunisie Telecom, Oussema Samet. Un long chemin reste encore à faire même si l’opérateur se dit IPv6 ready. La majorité des smartphones sont compatibles IPv4 et IPv6 or pour les paramétrer, les utilisateurs vont devoir attendre que la mise à jour exigée par Tunisie Telecom auprès des constructeurs de téléphonie mobile soit communiquée par SMS individuel, selon le responsable. Cela devrait prendre du temps. « D’ici à la fin de l’année 2023 », a précisé M. Samet.
En 2022, l’actuel PDG de Tunisie Telecom, Lassad Ben Dhiab (alors directeur technique central de l’opérateur) a affirmé que les premiers tests de migration vers l’IPv6 devraient se faire en mars. Les équipements étant IPv6 ready, le déploiement serait rapide, disait-il, une fois les tests concluants. Il avait, également, signalé que l’évolution de cette migration était une responsabilité partagée, une question de culture technologique, et qu’il faudrait ainsi sensibiliser le public cible.
Pour l’internet fixe, il faudra, vraisemblablement, attendre que le parc mobile soit totalement mis à jour. Si Tunisie Telecom a engagé la migration sur le MBB, c’est parce que le gain est plus conséquent et le processus maitrisé, contrairement au fixe. Il est nécessaire de coordonner avec les fournisseurs de service internet pour mener à terme la migration vers l’IPv6 sur le fixe, selon le directeur exécutif développement réseaux chez Tunisie Telecom.
Le passage vers l’IPv6 est péremptoire depuis le début des années 2000. La problématique s’est posée avec l’arrivée de la 4G et risque de se compliquer avec le déploiement de la 5G. Le stock mondial d’IPv4 arrive à terme et il n’en reste que peu en Afrique et en Asie-pacifique. Ce protocole n’offre, en effet, que quelque quatre milliards d’adresses, alors que sa nouvelle version en fournit à l’infini ou presque. L’épuisement des adresses IPv4 est, donc, le premier risque à prendre en considération en cas d’éventuels retards dans la migration vers l’IPv6, mais pas que. Un passage tardif présente, en plus, davantage de complexité en termes de déploiement et de gestion des réseaux, sans parler de la compatibilité avec les technologies émergentes. Certaines sont, en effet, développées en tenant compte uniquement de l’IPv6. « Si les Gafam décident demain de basculer entièrement sur l’IPv6, on n’y aura plus accès », explique Wafa Dahmani, Stakeholder Development Liaison à l’Afrinic. Outre l’isolement technologique, les retards accusés dans le passage à l’IPv6 a aussi des effets sur le développement de certains domaines ; la cybersécurité en particulier. Selon Mme Dahmani, les adresses IPV4, étant des ressources partagées, ne permettent pas d’identifier les malfaiteurs en cas de crime cybernétique. « Il faut être à la hauteur du développement technologique (…) Être toujours dans l’attente coûte de l’argent et favorise la colonisation technologique », a-t-elle averti notant que, de par son rôle, l’Afrinic a activé un nouveau plan de sensibilisation en mettant l’accent sur la formation des gouvernements à l’importance de l’IPv6, ceux-ci étant la locomotive du développement technologiques.
Une sensibilisation qui se fait, également, du côté de l’Aicto. La première édition du Sommet régional de l’IPv6 a été l’occasion de communiquer sur les programmes de déploiement de l’IPv6 dans le monde arabe. La seconde porte, elle, sur le plan d’action à mettre en place, selon le secrétaire général de l’organisation. Les moyens demeurent, cependant, un frein. « La mise en œuvre nécessite des moyens. Les pays qui ont les ressources nécessaires ont déjà avancé mais ceux qui manquent de moyens rencontrent des difficultés. Il y a, toutefois, une volonté d’entraide entre les pays arabes », a-t-il expliqué rappelant que l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis sont largement en avance en termes de déploiement de migration vers l’IPv6 dans la région arabe.
Le passage à l’IPv6 présente plusieurs avantages. Outre l’adressage presqu’infini qui permet de répondre aux besoins croissants en connectivité (l’internet des objets, ndlr), l’IPv6 offre une meilleure sécurité que l’IPv4. La dernière version du protocole internet vient avec des fonctionnalités intégrées de sécurité, le protocole IPsec, notamment, fourni dans toutes les piles IPv6. La qualité de service est, aussi, l’un de ses points forts. La gestion du trafic étant améliorée, l’IPv6 permet une meilleure expérience utilisateur. Celui-ci est servi en fonction de ses besoins (voix, streaming vidéo…).
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Nadya Jennene