Le ministère des TIC et de l’Economie a organisé une journée d’étude sur l’IoT samedi 29 avril dernier au Technopark El Ghazala. Cette journée vient juste après le Workshop organisé par l’Instance Nationale des Télécommunications (INT) le jeudi 28 avril dernier à Tunis à propos de la même thématique.
Le ministère des TIC et de l’Economie a organisé une journée d’étude sur l’IoT samedi 29 avril dernier au Technopark El Ghazala. Cette journée vient juste après le Workshop organisé par l’Instance Nationale des Télécommunications (INT) le jeudi 28 avril dernier à Tunis à propos de la même thématique (lire notre article).
Le ministre des TIC et de l’Economie numérique Noomane Fehri a assisté à cette journée et a invité tous les acteurs (société civile, représentants des institutions de l’Etat en relation avec l’IoT et surtout le secteur privé) à se joindre à lui. «Si j’ai tenu à ce que vous soyez présents aujourd’hui, c’est justement pour qu’on puisse avancer et mettre en place un Roadmap clair pour booster l’IoT en Tunisie et contourner les différents blocages», a-t-il lancé aux différents Chefs d’entreprise.
Tout d’abord, c’est quoi l’IoT ? L’Internet of Things (IoT) est en fait une désignation de tout objet qui peut être connecté à un réseau comme Internet. Ainsi, les réverbères peuvent être connectés grâce à un système de capteurs (par exemple), pour que la Steg puisse mieux gérer l’éclairage public selon la longueur de la journée (meilleure consommation d’électricité, repérer les lampes grillées à changer, etc.). Et les applications de l’IoT sont tout aussi variées que importantes. Ça peut aller d’un accessoire (bracelet par exemple) qui peut mesurer en temps réel la pression artérielle et envoyer une notification au malade pour prendre ses médicaments. Jusqu’à une voiture qui envoie des notifications au conducteur sur l’état de la voiture, voire même le mettre en mode de conduite automatique.
Les premières interventions de la journée ont porté sur l’état des lieux de l’IoT en Tunisie. Sana Amri de l’INT a ainsi mis en exergue le manque de préparatifs pour le lancement de l’IoT surtout sur le plan législatif (réglementation en cas de roaming par exemple, le basculement vers l’IPv6 qui prend beaucoup de temps à être mis en place, etc.). Mehrezia El Ouni de l’Agence Nationale des Fréquences (ANF) a parlé pour sa part des ressources spectrales disponibles en Tunisie pour l’utilisation IoT : Entre 430 et 440 Mhz et entre 862 et 960 Mhz. A condition que ces objets soient d’une puissance faible (entre 10 mW et 25 mW) et de portée plutôt limitée (entre 20 mètres et 100 mètres).
Seulement voilà, pour une utilisation efficace de l’IoT, la portée ne peut être limitée à quelques mètres surtout dans le cadre d’une utilisation commerciale. Et pis, quelles sont les garanties contre le brouillage ? De ce fait, et d’après le code du numérique, il est impossible d’exploiter une fréquence à grande échelle et avoir le droit de porter plainte contre un brouillage sans avoir au préalable une licence de l’Etat tunisien.
Hend Hajji du ministère des TIC a évoqué de son côté l’urgence de mettre en place un plan de développement de l’IoT en Tunisie. «Les études prédisent un boom de l’IoT à l’aube de 2020. On aura pour chaque personne 2 à 3 équipements connectés. Et la Tunisie n’y sera pas épargnée», a-t-elle fait remarquer. Hend Hajji a également évoqué la chaine de valeur de l’IoT : «Certes il y a les équipements qui doivent être compatibles avec les bonnes fréquences dédiées à l’IoT. Certes qu’il y a le problème du réseau, c’est à dire où et comment mettre les émetteurs Radio sur lesquels vont se connecter ces équipements. Mais le chaînon le plus important reste la création de la valeur. Et ce sont les Startups qui peuvent le faire. Ils vont créer les services innovants qu’on pourra utiliser sur l’IoT».
Après ces présentations, une dizaine d’entreprises, dont les opérateurs, se sont succédés au micro pour exprimer en 5 minutes leur vision pour un environnement IoT prospère en Tunisie. Entre celui qui exige à ce que chaque entreprise ait sa fréquence propriétaire, et celui qui demande à ce que la normale soit le LB1 au lieu de la 3GPP ou encore un autre qui demande son droit d’accès aux antennes des opérateurs pour pouvoir y installer ses propres antennes IoT, mais tout le monde s’est accordé sur un point : Il faut que l’Etat réserve des fréquences à l’IoT pour que les entreprises puissent vendre leurs services.
Ces fréquences sont : les bandes 433 Mhz, 868 Mhz, 2,5 Ghz et 5 Ghz. Interpelé par le ministre sur la disponibilité de ces fréquences, Sadok Toumi, DG de l’ANF, a répondu : «La bande 433 Mhz est déjà utilisée notamment par la Steg. Pour la libérer il faudra du temps. Pour la 868 Mhz, il y a des ressources qui sont disponibles qu’on pourra octroyer. Il reste maintenant à savoir : comment les attribuer et à qui exactement selon le code des télécoms. Pour la 2,5 Ghz et 5 Ghz, ils sont réservés à la sécurité. Nous avons demandé au ministère de la Défense à faire cohabiter le Wifi Outdoor sur le 5 Ghz et on attend encore leur aval».
Le DG de l’ANF a rajouté par la suite que «les émetteurs à faible puissance n’ont pas besoin d’un aval de l’Intérieur et de la Défense. Pour les fréquences réservées aux operateurs, y’a pas besoin non plus de passer par ces deux ministères pour avoir leur aval».
C’est alors qu’un débat éclate dans la salle entre les opérateurs et les startups exportatrices des antennes IoT. Ces dernières contestent le fait que les opérateurs cherchent à monopoliser cette activité sous le prétexte qu’ils ont déjà des antennes partout. Ce à quoi Hatem Mestiri, CTO de ooredoo a répondu : «Il faudra trancher. C’est soit les opérateurs qui assurent la diffusion ou sinon on laisse aux entreprises le choix des opérateurs avec qui ils vont travailler».
Un autre point de discorde : Comment importer ces équipements quand la Douane bloque sous le prétexte que la CERT n’a pas homologué l’équipement. Naoufel Ben Said, DG de la CERT, a alors contesté vivement ces accusations en indiquant que son organisme n’a jamais bloqué la moindre requête d’importation d’équipement IoT pour la recherche et développement. C’est alors qu’un débat vif a éclaté dans la salle frôlant la querelle puisque des Chefs d’entreprises se sont plaint du blocage administratif de la Douane pour la commercialisation de ces produits et non dans le but d’en faire de la recherche et développement.
Voyant la situation dégénérer, Noomane Fehri a vite pris le micro appelant tout le monde au calme. «Si je suis là, c’est pour que je prenne des décisions rapides sans attendre des révisions des lois qui vont prendre une éternité. J’ai consulté mes conseillés et je vous ai tous écouté. Tout d’abord, je demande à la CERT d’organiser dans les deux semaines à venir un Workshop avec la Douane pour annoncer des mesures pour contourner ce problème d’importation de l’IoT», a-t-il déclaré afin de désamorcer la tension qui règne dans la salle.
Il a conclu par la suite en annonçant une série de mesures : «Le ministère des TIC va octroyer plusieurs licences à des prix symboliques aux entreprises et startups tunisiennes pour qu’elles puissent commercialiser leurs services d’IoT. Je m’engage à ce que ceci soit fait d’ici fin 2016. Grâce à ces licences, chaque entreprise aura une partie des ressources spectrales disponibles sur la bande 868 Mhz vue qu’elle est disponible dans l’immédiat. Je vais demander à mes équipes d’entamer les procédures pour avoir l’aval des ministères de l’Intérieur et de la Défense.
«Nous allons réserver 1 ou 2 licences pour les ONG (Organisations à but non lucratif, NDLR) et deux autres pour la recherche et développement. Comme ça même les universités et Labos de recherche pourront travailler sur l’IoT. Entre temps, nous allons commencer dès maintenant à travailler sur un appel à projets pour l’octroie de ces licences.
De plus, moi et mes équipes avons décidé à ce que les Technopark El Ghazala et Manouba soient entièrement desservies par les fréquences IoT pour que les Startups puissent y développer leur solutions IoT et les tester à l’intérieur de ces technoparks.
Pour les entreprises qui obtiendront une licence et qui souhaiteront ramener leurs propres émetteurs IoT, ils ont le droit de voir directement avec les opérateurs télécoms pour accéder à leurs antennes. Mais après concertation avec l’Office National de Télédiffusion, je vous annonce qu’on a trouvé un accord avec l’Office pour que ces entreprises puissent accéder aux 140 antennes de l’ONT sur tout le territoire tunisien pour pouvoir installer leurs équipements et ce, à des prix réduits».
Welid Naffati
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