«Comment voulez-vous qu’on ait confiance dans l’Assemblée Nationale Constituante (ANC, ndlr) si elle ne respecte pas ses propres lois ?», s’est étonné Malek Khadhraoui de l’association Nawaat lors d’une conférence de presse organisée à Tunis le 30 août 2012. «L’ANC ne donne pas l’exemplarité. Même pas dans sa relation avec le citoyen. Sommes-nous encore dans une époque où on doit attendre 15 jours pour avoir une réponse à nos demandes ? Nous avons envoyé 6 requêtes à l’administration de l’assemblée et on n’a eu aucune réponse. Même pas un refus !».
Ces requêtes concernent les demandes de la société civile à accéder aux PV des travaux de l’ANC ainsi que l’historique de vote des députés. Mais ce refus d’accès à ces informations n’a pas seulement touché les associations puisque même des députés de l’ANC se sont vu privés de leur droit de récupérer les PV.
«Il y a des députés à qui nous avons demandé de diffuser les PV des travaux de leurs commissions. Mais à ces derniers on a répondu : «Non, on ne vous les donne pas». C’était le cas du député Noomen El Fehri qui l’a écrit sur son facebook», affirme Amira Yahyaoui de l’association Bawsala.
Pour toutes ces raisons, le Groupe OpenGovTN, Bawsala et Nawaat ont décidé d’agir et de déposer plainte, le 29 août dernier, contre l’Assemblée Nationale Constituante auprès du tribunal administratif de Tunis pour exiger la publication des détails des votes des élus, des registres de présence, ainsi que de tous les procès verbaux, rapports et travaux réalisés depuis le 23 octobre 2011.
La plainte, qui vise à rétablir le droit du citoyen d’accès à l’information et à renforcer le principe démocratique de participation citoyenne aux prises des décisions, s’appuie sur trois principes :
– Le principe universel consacrant l’autorité ultime du peuple
– Le règlement intérieur de l’ANC qui exige la publication des informations demandées
– Le décret-loi 41 du 26 Mai 2011 qui instaure le droit d’accès aux documents administratifs, modifié et complété par le décret-loi 54 du 11 juin 2011, et la circulaire d’application n°25 du 5 mai 2012, qui prévoient un recours au tribunal administratif en cas de litige entre une institution publique et un citoyen.
«Les démarches entreprises pour faire appliquer la loi auprès de l’administration de l’assemblée constituante ainsi qu’auprès de son président ont été vaines», regrette Amira Yahyaoui. «Nous avons déposé une première demande auprès de l’ANC le 12 juillet pour avoir accès à ces informations. En vertu du décret loi n°41, nous avons attendu un délai de réponse de l’organisme de 15 jours. Cette loi dit qu’à défaut de réponse, la décision administrative est considérée comme un refus implicite. Nous nous sommes alors tournés vers le président de l’ANC en tant que premier responsable, en formulant une demande en révision de leur décision de refus implicite. Nous avons observé un délai de dix jours après notre demande en révision. Mais le président de l’ANC ne nous a pas répondu. Son silence est constitutif d’une autre décision de refus implicite. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de porter plainte».
Malek Kadhraoui a par la suite précisé que cette attaque en justice ne vise pas en premier lieu les députés, mais plutôt l’administration de l’ANC. «Ce n’est pas au député de faire la copie des PV, le scan et la publication sur Internet», s’explique-t-il. «C’est au député, par contre, de faire pression sur l’ANC pour que cette transparence soit appliquée».
Les 3 associations et les citoyens qui ont participé à cette plainte attendent maintenant que le tribunal administratif fixe la date de la première audience. «Mais ça ne saurait tarder», rassure Souhail Alouini du groupe OpenGovTN.
W.N
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