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Tunisie –«Crise du 23 octobre»: La guerre sur facebook investit doucement les lycées

Tunisie – Crise du 23 octobre : La guerre sur facebook se transporte doucement dans les lycéesBeaucoup prédisent une semaine très mouvementée avec l’arrivée de la date du 23 octobre, jour de fin de la légitimité électorale de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC). Bien qu’un calme précaire règne dans la rue, sur Internet, par contre, l’ambiance est plus qu’électrique. Depuis plusieurs jours en effet, beaucoup de facebookeurs s’en donnent à cœur joie de rappeler le décret-loi numéro 1086 de l’année 2011 paru dans le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT) le 9 août 2011. Il délimite clairement le temps des travaux de l’ANC à «une année maximum à partir de la date des élections pour écrire la constitution».

Cette insistance de la part des détracteurs de la Troika a irrité l’autre camp. Celui des supporters du gouvernement en l’occurrence. Et notamment les islamistes qui multiplient les attaques contre le camp moderniste au point de mener une campagne tous azimuts sur facebook appelant le «peuple à venir fêter le 23 octobre à Tunis». Après le 7 novembre du RCD, voilà maintenant que les islamistes appellent à célébrer l’ascension au pouvoir d’Ennahdha (sic !). Et c’est la Ligue de Protection de la Révolution, proche du parti de Rached El Ghanouchi, qui a inauguré le bal en essayant de faire descendre dans la rue les Tunisiens pour qu’ils soutiennent leur gouvernement. Et la LPR ne lésine pas sur les moyens, allant jusqu’à «louer» des autobus pour transporter les manifestants des villes jusqu’à la capitale.

Arriveront-ils à leur but ? Difficile de l’affirmer vu que les dernières manifestations appelées par cette dernière contre Nida Tounes et pour soutenir, par la même occasion, le gouvernement, ont démontré que la force mobilisatrice d’Ennahdha s’essouffle à la vitesse grand V. D’autant plus que cette ligue s’est mise à dos tout un pan de l’opinion publique quand ils ont lynché jusqu’à la mort, la semaine dernière à Tataouine, un des militants du parti de Beji Caid Essebsi. Le tout premier meurtre politique «post-révolution».

En parallèle, la fraction estudiantine d’Ennahdha avait, elle aussi, appelé, via le même réseau, à une manifestation festive, le jeudi 18 octobre dernier à la Faculté des Sciences de Tunis (FST), sous le signe de «L’université, forteresse de la révolution». Une manifestation qui avait drainé une foule importante dans l’un des fiefs connus du mouvement islamique estudiantin et ce, malgré l’interdiction imposée par le doyen.

Grève générale

La réponse des facebookeurs aux islamistes ne s’est pas faite attendre. Des appels à la désobéissance civile ont été lancés il y a quelques jours sur le réseau de Mark Zuckerberg. Via des affiches et des statuts, quelques pages facebook anti-Ennahdha appellent à une grève générale dans tout le pays à partir du 23 octobre.

Parallèlement, des militants de la Troïka opposante (Al Massar, Al Jomhouri et Nida Tounes), continuent à souffler le chaud et le froid. Tout en insistant sur l’union nationale, ces partis ne manquent pas la moindre occasion pour rappeler la fin de la légitimité du gouvernement et de l’Assemblée Nationale Constituante. Une manifestation pacifique est même programmée pour le lundi 22 octobre au centre ville de Tunis pour dénoncer les appels de haine formulés par les politiciens au pouvoir. Notamment ceux d’Ennahdha et du CPR.

Plusieurs pages contenant des centaines de fans se sont multipliées ces derniers jours. Diffusant les appels à la manifestation pacifique, ou appelant à «occuper la rue» le 23 octobre, pour déloger un pouvoir qu’ils estiment, à tort ou à raison, «dénudé d’éthique et de toute légitimité politique».

Quand les ados sont appelés à manifester contre le gouvernement

Cette multiplication de relais ne s’adresse pas seulement aux plus de 25 ans puisqu’elle cible plutôt les plus jeunes dans l’espoir qu’ils fassent passer le message parmi leurs amis dans les lycées. Les messages politiques ont même été adaptés pour l’occasion. Pas besoin d’une phrase écrite en arabe littéraire ou en français académique quand on s’adresse à des ados. Une simple image et une phrase courte en dessous suffisent. Comme celle de Mehrezeya Laabidi, vice présidente de l’ANC et députée d’Ennahdha. En-dessous de sa photo on peut lire : «Cette française (elle a la double nationalité, ndlr) doit être renvoyée chez elle le 24 octobre».

Un réseau social en pleine ébullition, donc, entre 2 parties qui ne cessent de multiplier les appels à la mobilisation générale. Et chacun a ses revendications : le premier, islamiste, soutient le gouvernement, l’autre, moderniste, veut faire pression sur Ennahdha. Encore une fois donc, Facebook se pose en tant que canal principal pour l’organisation logistique des manifestations politiques. Les partis jouent le jeu en tirant profit de leur réseau d’administrateurs de pages facebook «influentes» dont le nombre de fans se compte parfois en millions. Jusque là, rien d’anormal. Puisque les courants politiques utilisent la même méthode depuis la chute du régime (Kasbah 1 et 2, etc.), les manifestations anti-gouvernement Essebsi l’année dernière, etc..

Mais ce qui est relativement nouveau, cette fois-ci, est qu’on tente d’embarquer les lycées dans ces mouvements de contestation. Ce qui laisse craindre une reprise des violences pour bientôt, et qui mettrait le pays à feu et à sang.

Seif Eddine Akkari

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